De l’éthique et de l’empathie à la création et au remixage : offrir la littératie numérique aux années du secondaire

Depuis plus d’une décennie, HabiloMédias est un chef de file de la littératie numérique au Canada. C’est ce que reflète le cadre élémentaire de littératie numérique que nous avons lancé en 2015. Le cadre Utiliser, comprendre et créer se fonde sur une approche holistique qui reconnaît que les différentes compétences qui composent la littératie numérique ne peuvent pas être entièrement séparées. Le cadre recense six aspects de la littératie numérique qui se chevauchent : éthique et empathie, vie privée et sécurité, trouver et vérifier, santé numérique, sensibilisation des consommateurs, et mobilisation communautaire. Il comprend des ressources pour s’assurer que tous les élèves canadiens, de la maternelle à la 8e année, peuvent recevoir une éducation complète en matière de littératie numérique. Nous étendons maintenant notre travail aux années du secondaire grâce à une série de nouvelles leçons dans les six catégories et nous en ajoutons une septième (« Créer et remixer ») pour aider les élèves à apprendre comment utiliser les outils numériques pour collaborer avec les autres et créer et remixer du contenu de façon éthique.

Bien que les nouvelles ressources pour le secondaire misent sur les mêmes principes de la littératie numérique, elles reflètent d’importantes différences entre les adolescents et les jeunes enfants, lesquelles sont soulignées dans nos données Jeunes Canadiens dans un monde branché. Puisque les expériences virtuelles des adolescents sont plus variées et plus susceptibles d’englober de multiples plateformes et appareils, bon nombre de ces ressources aident les jeunes à comprendre comment les différentes compétences numériques apprises par les années passées sont liées les unes aux autres et se renforcent les unes les autres pour aider à traiter des nouveaux défis auxquels ils font face. En composant avec le sextage, par exemple, les jeunes doivent non seulement apprendre à gérer leur propre vie privée et à prendre des décisions éthiques concernant les autres, mais aussi comprendre les différences entre les relations saines et malsaines (une recherche américaine indique que les sextos envoyés sous pression ou sous la contrainte sont trois fois plus susceptibles d’entraîner un résultat négatif). Notre nouvelle leçon « Éthique et empathie » intitulée Relations en ligne : Respect et consentement encourage les élèves à considérer l’importance de la pensée éthique et du consentement avant de partager tout contenu qui pourrait être préjudiciable. Elle présente une série de scénarios qui explorent des questions comme la contrainte, le manque de consentement, la violation de la vie privée et rendre public du contenu privé dans des situations à enjeux peu élevés qui s’appliquent à l’expérience quotidienne des élèves.

Nos conclusions de l’étude Jeunes Canadiens nous ont permis de « commencer là où commence l’apprenant » en misant sur les approches que les jeunes utilisent déjà. Leur préférence pour les stratégies sociales pour composer avec les questions de protection de la vie privée, par exemple, a servi de point de départ pour la leçon Relations en ligne : Respect et consentement. De même, les conclusions de notre rapport Les expériences de la cyberintimidation des jeunes Canadiens, lequel examinait ce qui amène les témoins de cyberintimidation à intervenir (ou à ne pas intervenir) et quelles stratégies d’intervention étaient les plus susceptibles d’aider sans empirer la situation, nous ont permis de fournir des conseils pratiques sur la façon d’aider les victimes d’intimidation dans notre leçon Ne pas faire de tort : comment être un témoin actif.

L’une des conclusions les plus saisissantes de notre sondage Jeunes Canadiens concerne le nombre de jeunes qui ont dit dormir avec leurs téléphones cellulaires la nuit pour éviter de manquer quoi que ce soit : plus de la moitié des élèves de la 11e année disent le faire. Le temps que les élèves passent sur leurs appareils n’est que la pointe de l’iceberg puisque bon nombre d’entre eux signalent être stressés en se comparant constamment à leurs amis, par la pression qu’ils subissent pour paraître heureux et sembler avoir du succès sur les médias sociaux, et par ce qu’ils appellent eux-mêmes « FOMO » (« fear of missing out ») c’est-à-dire la crainte obsessionnelle de manquer à l’appel. Notre leçon « Cybersanté » intitulée Composer avec le stress numérique aide les élèves à cerner les habitudes dans leur vie qui les rendent anxieux et leur enseigne des stratégies fondées sur des données probantes pour gérer leur temps, changer les habitudes et les attitudes néfastes, et prendre le temps de relaxer et de se reposer.

En plus de devoir paraître heureux et populaires auprès de leurs pairs, alors que les élèves atteignent l’adolescence, ils subissent également du stress pour présenter une image virtuelle qui sera appropriée pour les employeurs potentiels, les agents des admissions des collèges et des universités, et d’autres qui en savent suffisamment pour être méfiants de quelqu’un qui n’a aucune présence médiatique ou qui reconnaissent un profil fraîchement « épuré » lorsqu’ils en voient un. Notre leçon « Vie privée et sécurité » intitulée Ton curriculum vitæ virtuel habilite les élèves à mettre l’accent sur les points positifs et à prendre le contrôle de leur identité virtuelle en considérant les différents publics qui pourraient voir leur contenu et en établissant un plan pour s’assurer qu’ils envoient le bon message à chaque public.

Notre recherche nous indique également ce que les élèves ne font pas : alors que les données montrent que la plupart des élèves apprennent et utilisent leurs compétences de recherche et de vérification à l’école, elles montrent également qu’ils ne sont pas susceptibles de les utiliser pour vérifier du contenu en dehors de l’école. Voilà pourquoi notre nouvelle leçon « Trouver et vérifier » intitulée Authentification au-delà de la classe enseigne aux élèves non seulement à vérifier les faits de la toute dernière photo ou vidéo virale, mais aussi pourquoi ils devraient vérifier les faits en les aidant à comprendre que dans notre monde réseauté nous sommes tous, en réalité, des journalistes, et avons un devoir éthique de nous assurer de la véracité des renseignements avant de les transmettre.

Alors que les jeunes Canadiens créent beaucoup de contenu sur les médias sociaux, nos données montrent que relativement peu d’entre d’eux produisent du contenu créatif comme de la musique ou des vidéos, et notre récent sondage auprès des enseignants mené avec la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, intitulé L’apprentissage connecté : Le personnel enseignant et les technologies en réseau dans la classe, montre que peu exercent ces activités en classe. Mais la production de médias, qui a toujours été une partie centrale de la littératie médiatique, n’a jamais été aussi simple : les élèves peuvent maintenant faire des choses avec leurs téléphones qui, il y a seulement une décennie, auraient nécessité des caméras vidéo dispendieuses. L’édition et le remixage, qui nécessitaient autrefois des logiciels ou du matériel spécialisés, peuvent maintenant être faits à l’aide d’outils virtuels gratuits, et il n’a jamais été aussi facile pour les jeunes de trouver un public pour le contenu qu’ils créent. Cependant, ces nouveaux outils viennent également avec des considérations éthiques. Notre leçon « Créer et remixer » intitulée Le remixage des médias enseigne aux élèves les droits qu’ils ont dans le cadre du remixage de contenu en vertu de la loi canadienne sur le droit d’auteur et leur permet d’examiner différents types de remixages et les différentes considérations légales et éthiques associées à chaque type avant de créer un remixage de leur propre cru.

Les considérations éthiques du remixage soulignent la question de la cybercitoyenneté. Encore plus que la littératie numérique, la définition précise de ce terme est toujours en évolution : trop souvent, il s’agit d’une liste de choses à ne pas faire qui, bien qu’importante, ne réussit pas à mobiliser les jeunes. Il pourrait être encore plus intéressant d’aborder la cybercitoyenneté non pas comme un sujet distinct, mais comme le résultat idéal de l’éducation à la littératie numérique, et de la percevoir de la perspective non seulement des responsabilités, mais aussi des droits d’un cybercitoyen. Une approche fondée sur les droits de la cybercitoyenneté fournit le lien essentiel entre enseigner aux jeunes ce qu’ils peuvent faire pour gérer et défendre leur vie privée et les habiliter à le faire vraiment. Les jeunes Canadiens doivent savoir qu’ils n’ont pas à abandonner leurs droits lorsqu’ils vont en ligne et, en réalité, ils pourraient même avoir des droits qu’ils ne connaissent pas. La leçon Cultures et valeurs en ligne laisse les élèves examiner comment les collectivités virtuelles comme les réseaux sociaux et les jeux à joueurs multiples forment leurs cultures et leurs valeurs et comment tous les membres de ces collectivités ont le droit et le pouvoir d’influencer ces valeurs afin que le racisme, le sexisme et d’autres formes de harcèlement ne soient pas tolérés. Bien que cette leçon montre aux élèves comment ils peuvent faire une différence dans leurs collectivités virtuelles, notre leçon en trois parties intitulée Narration numérique pour la mobilisation communautaire (que les enseignants peuvent offrir comme unité ou leçon autonome) combine les compétences « Créer et remixer » et « Mobilisation communautaire » pour aider les élèves à utiliser des outils numériques pour être des citoyens actifs dans leurs collectivités hors ligne. En demandant aux élèves de faire des recherches et de créer une histoire numérique (un produit médiatique simple mais flexible qui peut être créé en utilisant des outils de production médiatique les plus minimaux) sur une question qui s’applique à eux et à leur collectivité, et en trouvant ensuite des façons de la diffuser au bon public, cette série de leçons prépare les élèves à une citoyenneté active.

Il ne fait aucun doute que les technologies réseautées représentent des risques et des défis importants pour les adolescents canadiens, mais elles offrent également des possibilités sans pareil. Maintenant que le cadre complet de littératie numérique de HabiloMédias Utiliser, comprendre et créer a été élargi à l’école secondaire, nous sommes en mesure de les préparer à être des cybercitoyens actifs et engagés. Selon notre recherche révolutionnaire sur l’éducation à la littératie numérique au Canada, Définir la politique de littératie numérique et la pratique dans le paysage de l’éducation canadienne, et en lien avec les résultats des programmes pour chaque territoire et province, des outils sont fournis aux enseignants, aux parents, aux administrateurs et aux décideurs pour s’assurer que tous les élèves canadiens obtiennent l’éducation à la littératie numérique dont ils ont besoin pour vivre et travailler dans un monde numérique.

Le cadre Utiliser, comprendre et créer : Un cadre de littératie numérique pour les écoles canadiennes (de la maternelle à la 12e année) a été rendu possible grâce aux contributions financières de l’ACEI par le biais du Programme d’investissement communautaire .CA. Le cadre et les ressources connexes sont disponibles gratuitement à l’adresse http://habilomedias/ressources-pédagogiques/utiliser-comprendre-et-créer-un-cadre-de-littératie-numérique-pour-les-écoles-canadiennes.