L’estime de soi à l’époque des avatars

Marie-Josée ArchambaultJe lisais récemment qu’Instagram était désormais considéré comme ayant le potentiel d’aggraver les troubles de l’apparence. Au point ou de nos jours, certains troubles allant jusqu’à la dysmorphie semblent désormais diagnostiqués de plus en plus fréquemment dans les cabinets de médecin. Un trouble qui selon cet article de Slate, toucherait dans les faits jusqu’à 1 à 2,4% de la population.

Le sujet me parle beaucoup, je l’avoue, alors qu’il y a quelques semaines, mon ado qui s'est redécouvert un regain d'intérêt pour sa vieille WiFit a entrepris de me montrer comment ça fonctionne. Vous savez ! Ce genre de programme d'entraînement sorti des boules à mites qui de prime abord, peut sembler des plus louables mais derrière lequel, comme je l’ai constaté, se cache une forme de jugement sur l’apparence des joueurs. L’Homme de la maison par exemple, qui court des marathons, qui a d’une façon générale une alimentation équilibrée mais qui a un néanmoins un léger «bedon», s'est vu classer par «la bête» comme ayant un IMC frôlant l'embonpoint… De sorte que la console lui a attribué à titre d’Avatar un personnage rondouillet supposé refléter sa stature…

Cette anecdote m’a vraiment interpellée car je trouve que c'est un peu choquant dans la mesure où ce système-là ne prend pas en compte tellement de facteurs importants: ce qu'on mange par exemple, l'activité physique, ou encore, l’âge du sujet,... Et surtout qu’en ce qui a trait à l'IMC, ce n’est pas d’hier que les spécialistes émettent justement certaines réserves, la méthode de calcul de l’IMC ne tenant pas compte de tellement d’éléments : la grosseur des os, la stature, la santé générale. J’ai donc été sous le choc de constater à quel point même sous un couvert des plus ludiques – dans le cas présent, la vieille WiFit ressortie du placard -  les jeunes garçons pouvaient eux-aussi être visés par des injonctions esthétiques irréalistes, parfois même inatteignables.

Car la réalité, c’est qu’aujourd’hui, la technologie numérique a tellement évolué quant aux possibilités qui nous sont offertes de modifier et/ou manipuler les images qu’il devient de plus en plus difficile je trouve de faire la distinction entre ce qui est réel et réaliste de ce qui tient plutôt des dessins animés de style manga. Et j’ajouterais qu’en tant que parent, ça devient aussi de plus en plus inquiétant. Car ces jeux, applications ou plateformes de médias sociaux nous renvoient clairement une image qui peut avoir un grand impact chez quelqu'un le moindrement fragile et manquant de confiance. Ou encore, ayant un problème d'estime de soi, un ado par exemple.

À preuve, ce phénomène dont on parle de plus en plus et qui fait en sorte qu’aujourd’hui, des médecins de partout s’inquiètent de ces adolescents qui viennent les consulter avec une demande bien précise. Soit celle de se faire opérer dans le but de ressembler aux philtres Snapchat. Et, si Instagram atteint peut-être un peu plus les filles, je me rends compte aujourd’hui avec les stéréotypes que véhiculent eux-aussi les jeux vidéos, que les jeunes garçons comme mon fils ne sont pas à l’abri eux non-plus de l’impact potentiellement dévastateur de ces images peu réalistes auxquelles eux comme nous, sommes exposés.

À l’occasion de la journée sans maquillage qui a lieu chaque année le 6 juin, je trouve que c’est peut-être une occasion en or d’ouvrir la discussion avec nos ados. Et de réfléchir à l’impact des stéréotypes que contribuent à renforcer les médias sociaux comme Instagram mais également, la publicité, les films et les jeux vidéos. 

Une discussion, sans maquillage et qui s’impose !

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Des articles pour aller plus loin :

«Parler aux jeunes des médias et de l’image corporelle» (HabiloMédias)

«Avatars et image corporelle» (HabiloMédias)

«Instagram et les dysmorphobiques, c’est «je t’aime moi non plus».» (Slate, 16 mars 2019)

«Boulimie, anorexie : les réseaux sociaux sont-ils vraiment nocifs?» (Santé Magazine)

«Instagram : une application néfaste pour l’équilibre alimentaire des femmes» (Santé Magazine)

«La dysmorphie Snapchat est un nouveau phénomène inquiétant qui pousse les gens à vouloir ressembler davantage à des versions filtrées d’eux-mêmes» (Business Insider, 2 février 2019)