L’apprentissage du français… en 140 caractères

Marie-Josée ArchambaultEt si l’avenir des méthodes pédagogiques était lié à l’utilisation des médias sociaux ?

Je suis tombée il y a quelques semaines déjà sur cet article tiré du site internet de Rue89 dans lequel on racontait que dans le but de se familiariser avec le numérique en même temps que d’apprendre l’orthographe, de plus en plus de professeurs revisitaient l’inévitable dictée en pratiquant au moyen de la plateforme Twitter. Une méthode qui, selon les professeurs consultés, donnerait des résultats plutôt surprenants!

J’en conviens, cela peut paraître étrange pour n’importe quel parent! Et je l’avoue, je suis clairement de ceux-là!

Clairement, je me demande si c’est bien là l’avenir des méthodes d’enseignement à l’ère du numérique ! Surtout à une époque ou partout sur les forums internet, nous ne pouvons que constater avec une bonne dose de découragement une baisse effarante et généralisée de la qualité du français! Il semble naturel alors de nous questionner sur la pertinence d’utiliser les médias sociaux dans un apprentissage aussi essentiel que celui de l’écriture…

Parce que bien sûr, cela peut sembler assez aléatoire d’apprendre en tout juste 140 caractères, convenons-en ! Sans parler du fait que la méthode semble passer complètement outre l’importance de bien développer son sujet…Ce qu’on peut difficilement faire en une seule phrase!

Comment ça fonctionne?

Mais, je l’avoue, j’étais assez curieuse de savoir en quoi consiste cette idée du milieu de l’éducation d’utiliser la plateforme Twitter dans le cadre de ce qu’il est désormais convenu d’appeler les « twictées »!

D’abord, il s’agit de donner à écrire aux jeunes étudiants une phrase, bien sûr d’une longueur ne dépassant pas 140 caractères selon la limite imposée par la plateforme de micro-bloguage bien connue.  Les enfants doivent ainsi, dans un premier temps, recopier ladite phrase à la main dans leur cahier. Après quoi, la classe est divisée en deux groupes de sorte que chaque équipe ainsi formée doit négocier avec son équipe afin d’arriver à s’entendre sur ce qui constitue la bonne orthographe à utiliser.

Lorsque les équipes arrivent à un accord, chacune d’elles « tweete » son mini-texte sur la tablette, l’ordinateur ou parfois même le téléphone portable dont dispose le professeur. Un message que chacune des équipes destine à une « classe miroir », soit l’une des soixante autres classes impliquées dans le projet, chacune située un peu partout dans le monde, du Togo au Canada en passant par la Belgique.

Finalement, le professeur envoie ses « twoutils », soit des corrections sous forme de hashtags destinées aux équipes.

Même si je l’avoue, la méthode a de quoi susciter un certain scepticisme, il semble que ça fonctionne. La vérité c’est que, selon les professeurs à l’origine du projet et que cite cet article de Rue89, les enfants adorent être associés à leur propre évaluation et se sentir ainsi impliqués dans le processus d’apprentissage.

« Ils crient « hourra ! » dès que j’annonce une twictée. C’est génial de les voir chercher dans le dictionnaire, débattre, négocier, se justifier : ils sont acteurs de leur apprentissage. Et quand ils se font retweeter par une autre classe, alors là, ils adorent. » (Rue89)

D’autres expériences similaires

Lorsque je suis tombée sur cet article, je me suis du coup souvenue d’un dossier spécial qu’avait publié le Courrier International il y a deux ans dans lequel on prévoyait rien de moins que la fin de l’écriture. Dans cet article, on racontait en effet que dans de plus en plus d’écoles, tant aux États-Unis qu’ici au Canada, les directions étaient en train d’abolir l’enseignement de l’écriture cursive (en lettres attachées), jugeant cet enseignement aujourd’hui désuet...

Dans l’un des articles, un journaliste rapportait qu’en Suède, dans les 42 établissements que compte la commune de Nacka dans la banlieue de Stockholm, l’iPad était déjà utilisé dès la maternelle, les enfants sachant écrire sur une tablette avant même de savoir utiliser un crayon.

En tant que parent, nous pouvons très certainement être sceptiques face à ce qui peut ressembler à du nivellement par le bas en ce qui a trait à l’enseignement du français ainsi qu’aux méthodes utilisées pour y parvenir. N’en demeure pas moins je pense que la vie moderne change incontestablement. Nos façons de communiquer également. Peut-être n’est-il que normal d’envisager que les méthodes d’enseignement évoluent, elles aussi. Sans quoi, elles risquent de ne plus refléter la réalité du monde dans lequel nos enfants devront évoluer un jour, une fois devenus adultes. Un monde dans lequel déjà chacun peut avoir son propre blogue et s’exprimer sur tous les sujets sur une quantité assez impressionnante de sujets!

Toutefois, même si l’utilisation des technologies aux fins d’apprentissage est sans aucun doute pertinente dans la mesure où elle n’est qu’un moyen parmi tant d’autres pour favoriser les apprentissages, il est important de se rappeler qu’elle comporte ses risques. Car lorsque de nouvelles compétences et de nouveaux savoirs sont ajoutés à la liste des enseignements des écoles publiques, il devient nécessaire d’en retirer d’autres…

Et je me dis qu’un jour viendra peut-être ou nos jeunes devenus depuis longtemps des adultes n’auront plus ce plaisir de fouiner dans les vieux documents en faisant des recherches sur leurs ancêtres, comme je l’ai moi-même fait pour les miens…parce qu’ils ne sauront plus les lire !

Et on ne parle même pas ici du fait que le fait d’écrire de façon manuelle fasse du coup travailler d’autres zones du cerveau, celles qui sont plus intuitives. Ni même qu’un texte qui change sans cesse (comme c’est le cas à l’ordinateur ou le texte peut ainsi être modifié à volonté!) n’aide pas vraiment la pensée à s’arrêter…

Mais il faudra bien s’y faire j’imagine ! Car déjà aux États-Unis, une majorité d’enfants n’apprend plus à écrire qu’au clavier. Et qu’en outre, le gouvernement Finlandais a annoncé en novembre dernier que dès la rentrée 2016, les écoles du pays n’enseigneraient plus l’écriture cursive !

Comme quoi, le changement est déjà là! Dans une école près de chez-vous !