L’éthique en ligne

Matthew JohnsonAlors qu’Internet est de plus en plus central dans nos vies, nos identités en ligne et hors ligne sont de moins en moins indissociables. Alors qu’Internet était autrefois un endroit où personne ne savait qui nous étions et où nous vivions une « deuxième vie » sous un avatar personnalisable, nous naviguons aujourd’hui le Web surtout sous notre véritable visage. Un grand nombre des environnements les plus populaires, comme Facebook, nous demandent de nous inscrire sous nos vrais noms, et même pour des services comme Twitter, lequel permet les pseudonymes, les abonnés utilisent leurs vrais noms la plupart du temps.

Il existe encore toutefois un fossé entre notre « nous » en ligne et hors ligne en matière de moralité. Alors que l’étude de HabiloMédias Jeunes Canadiens dans un monde branché a permis de découvrir que les jeunes sont souvent gentils et attentionnés envers les autres en ligne (une conclusion appuyée par la recherche faite autant aux États-Unis[1] qu’au Royaume-Uni[2]), les comportements hostiles et agressifs sont également communs : près de 9 jeunes sur 10 de l’étude américaine ont dit que quelqu’un avait été méchant ou cruel envers une autre personne sur un site de réseautage social, alors que la recherche faite au Royaume-Uni indique que près du tiers des enfants d’âge scolaire (primaire) et un quart des élèves du secondaire ont dit que des commentaires ou des comportements méchants les empêchent d’avoir du plaisir en ligne. De plus, même les jeunes qui choisissent d’agir de façon positive en ligne décrivent souvent Internet comme un endroit où la moralité et l’éthique par défaut ne s’appliquent pas, où les gens disent et font des choses qu’ils ne feraient jamais en personne. Bien que les jeunes aient généralement de bons instincts moraux, ils ont besoin de davantage d’encadrement quant à la façon d’envisager le monde virtuel comme un endroit où la moralité et l’éthique s’appliquent.

La situation n’a rien d’étonnant puisque nous ne voyons pas chaque situation automatiquement selon une perspective éthique même en tant qu’adultes. C’est en partie parce que l’éthique d’une action dépend partiellement de la situation : dire à quelqu’un qu’un ami est atteint du diabète serait moralement neutre dans certaines situations, moins approprié dans d’autres (si vous étiez le médecin de cet ami, par exemple) et plus approprié dans d’autres (si, par exemple, l’ami avait un travail de conducteur d’autobus et qu’il ne gérait pas sa condition efficacement, mettant la vie des passagers en danger). On peut également nous faire prendre conscience des dimensions éthiques d’une action que nous n’avions précédemment pas envisagée : prendre un café ou acheter des vêtements, par exemple.

Internet est en fait étonnamment semblable à un café ou à un magasin puisqu’il est très facile de ne pas voir les considérations éthiques de ce que nous faisons. Nous sommes beaucoup plus susceptibles de ressentir une responsabilité morale ou éthique envers quelqu’un pour qui nous avons de l’empathie, et nous sommes enclins à de nombreux « pièges de l’empathie » lorsque nous utilisons les médias numériques. De nombreux éléments qui déclenchent l’empathie en nous (le ton de voix d’une personne, son langage corporel et ses expressions faciales) sont absents lorsque nous interagissons avec eux en ligne. Aussi, les gens surestiment souvent la fréquence des comportements négatifs en général. Ces deux facteurs peuvent faire une grande différence quant à l’empathie ressentie par les jeunes pour les autres, ainsi qu’à la façon dont ils se comportent. Même si les jeunes socialisent principalement avec des gens qu’ils connaissent hors ligne, le fait qu’il soit possible d’être partiellement ou entièrement anonyme sur Internet (ainsi que la perception voulant qu’ils soient moins susceptibles d’être punis pour ce qu’ils font en ligne) les déresponsabilisent quant à leurs actions et à la façon dont ils se comportent avec les autres. Ne sachant jamais précisément qui nous observe lorsque nous sommes en ligne, nous sommes également plus vulnérables à « l’effet de spectateur ». Le terme est utilisé pour décrire trois facteurs qui font que les gens seront moins susceptibles d’agir lorsqu’ils sont dans une foule : l’effet de faire partie d’un public, lequel peut nous empêcher d’agir par peur d’échouer, de s’embarrasser ou d’être désapprouvé; le sentiment d’être moins responsable de faire ce qui s’impose en estimant parfois que c’est la responsabilité de quelqu’un d’autre; et une sensibilité particulière aux normes sociales puisque nous nous savons observés (la plupart des activités en ligne, surtout celles populaires auprès des jeunes, étant exercées dans des environnements réseautés comme les réseaux sociaux), et par conséquent, nous pouvons nous tourner vers les autres membres du groupe pour des réponses.

Les comportements particuliers des jeunes en ligne peuvent également avoir un effet sur leur perception à savoir s’ils considèrent Internet comme un environnement où la morale et l’éthique s’appliquent. Les jeux vidéo peuvent nous encourager à prendre (ou même l’exiger de nous) des mesures qui seraient normalement contre notre morale, comme tuer des gens ou voler des banques, dans un contexte drainé de sa moralité puisque nos « victimes » n’existent pas réellement et que tout scrupule que nous pourrions avoir quant à nos actions est moins important que notre désir de gagner la partie. Même dans nos interactions avec les autres personnes, dans les jeux à multiples joueurs, nous faisons des choses que nous ne ferions pas normalement lorsque la culture du jeu estime la méthode « joueur contre joueur » plutôt que la collaboration. Les recherches ont démontré que les jeux vidéo peuvent « encourager » les joueurs à adopter des comportements prosociaux ou antisociaux, selon les tâches que les jeux leur demandent d’accomplir.

Chez les jeunes, on observe une autre difficulté : en grandissant, ils passent par des étapes distinctes de raisonnement moral. Par conséquent, le caractère approprié ou inapproprié d’une chose (et à savoir s’il s’agit d’abord d’une question éthique) peut se fonder sur le risque de punition, la probabilité d’être récompensé pour une bonne action, les sentiments que ressentent les autres dans la situation, ce que dit la loi ou les principes universels de justice, selon évidemment l’âge de l’enfant et son développement moral. Mais le déroulement de ces étapes n’est pas nécessairement automatique : les enfants doivent être guidés et des défis doivent leur être lancés pour qu’ils assument un rôle, surtout lors des dernières étapes, ce qui peut expliquer pourquoi les jeunes n’envisageront probablement pas le monde virtuel d’une perspective éthique. Bien que notre recherche montre que de nombreux parents parlent aux jeunes enfants des questions en ligne, ces conversations semblent se produire moins souvent lorsque les jeunes vieillissent.

C’est pourquoi HabiloMédias a élaboré une nouvelle section sur son site Web appelé « L’éthique en ligne », laquelle aide les parents et les enseignants à donner aux jeunes l’encadrement dont ils ont besoin pour composer avec des dilemmes moraux comme la cyberintimidation, le partage de contenu en ligne, l’honnêteté académique et le respect de la propriété intellectuelle. Cette section fait suite à Sur le droit chemin, une série de leçons et d’outils de perfectionnement professionnel lancée en 2013 qui est rapidement devenue l’une de nos ressources les plus populaires.

Documents d’accompagnement

L’éthique en ligne

Fiche-conseils

Agir correctement

Leçons

Comportement éthique en ligne : Éthique et empathie (4e à la 6e année)

Comportement éthique en ligne : Éthique et valeurs (7e à 8e année)

 


[1] Teens, Kindness and Cruelty on Social Network Sites. Pew, 2011.
[2] Have Your Say: Young People’s Perspectives About Their Online Rights and Responsibilities. UK Safer Internet Centre, 5 février 2013.