L’actualité criminelle

L’actualité criminelle est un sous-genre bien établi qui reflète les priorités des organisations, les préférences du public et certains biais systémiques. En effet, « les médias d’information ne couvrent pas de manière systématique toutes les formes de criminalité et de victimisation. Ils mettent l’accent sur certains crimes tout en en ignorant d’autres. Ils compatissent avec certaines victimes tout en en blâmant d’autres[1]. »

Il en résulte un paradoxe : alors que de nombreux pays ont constaté « une baisse notable de plusieurs formes traditionnelles de criminalité au cours des dernières décennies », le volume de nouvelles et d’informations sur la criminalité violente « n’a jamais été aussi important »[2]. Cet écart entre la réalité médiatisée et la réalité sociale découle des pratiques journalistiques et des figures narratives propres au genre, qui influencent la perception du public et les politiques publiques.

Les origines de la rubrique criminelle : économie et sensationnalisme

La prédominance de l’actualité criminelle comme sous-genre s’explique à la fois par des incitatifs économiques précis et par l’application de normes et de valeurs journalistiques qui privilégient le sensationnalisme au détriment du contexte.

Un facteur déterminant dans l’essor de la couverture médiatique du crime, particulièrement dans les médias audiovisuels, relève de la simple économie. Historiquement, les médias d’information ont constaté que les faits divers criminels répondaient à leurs besoins commerciaux avec une efficacité maximale. L’ancien présentateur d’Action News, Larry Kane, résumait la dynamique ainsi : « Couvrir le crime coûtait peu cher. C’était facile à couvrir. » Il précisait que les producteurs pouvaient dire à un caméraman : « Filme la scène, filme le sang, filme les victimes, peu importe… et tu peux le faire en vingt secondes », créant ainsi du contenu rapidement et à moindre coût[3].

Cet accent mis sur le sensationnalisme est alimenté par les critères habituels de « valeur médiatique », qui filtrent et façonnent le contenu. Les principaux éléments recherchés par les journalistes comprennent l’immédiateté, la dramatisation, la personnalisation, l’aspect choquant et la nouveauté. La nouveauté, en particulier, explique que la plupart des nouvelles tendent à porter « sur une forme de déviance »[4].

Les origines du genre sont également liées à des périodes historiques spécifiques où le volume de couverture médiatique a largement dépassé les tendances réelles de la criminalité :

  • La paranoïa des années 1970 et 1980 : Durant cette période, les médias d’information locaux ont joué un rôle central dans la fabrication d’une peur du « danger venu de l’inconnu », une panique morale qui continue d’influencer l’imaginaire collectif et de « reconfigurer notre compréhension de l’espace social partagé ». Des affaires très médiatisées, comme les meurtres en série ou les enlèvements d’enfants, sont devenues des thèmes privilégiés de la presse à sensation, bien qu’elles ne représentaient en réalité que moins de 1 % des homicides[5].
  • Le paradoxe de la couverture médiatique des années 1990 : Malgré les statistiques fédérales montrant une baisse de 34 % de la criminalité entre 1991 et 2000, le nombre d’articles consacrés aux crimes, notamment aux homicides, a augmenté de plus de 700 % au cours de la même décennie[6]. Ce décalage illustre que le volume de la couverture médiatique ne dépend pas des taux de criminalité, mais est « davantage influencé par les événements, les campagnes et les programmes politiques »[7].

[1] Cere, R., Jewkes, Y., & Ugelvik, T. (2013). Media and crime: a comparative analysis of crime news in the UK, Norway and Italy. In The Routledge handbook of European criminology (pp. 266-279). Routledge.

[2] Cere, R., Jewkes, Y., & Ugelvik, T. (2013). Media and crime: a comparative analysis of crime news in the UK, Norway and Italy. In The Routledge handbook of European criminology (pp. 266-279). Routledge.

[3] Jones, L.A. (2022) Lights. Camera. Crime. The Philadelphia Inquirer.

[4] Reiner, R. (2002). Media made criminality: The representation of crime in the mass media.

[5] Brennan, C. (2023) The Twisted History of the American Crime Anxiety Industry. The Nation.

[6] Thompson-Morton, C. (2024) Newsrooms working to transform their crime coverage are seeing the payoffs. Poynter.

[7] Karakatsanis, A. (2025) Copaganda. The New Press.