Figures narratives courantes dans l’actualité en santé et en sciences

Comme dans d’autres genres et sous-genres, l’actualité en santé et en sciences repose sur des figures narratives standardisées, utilisées par les journalistes et attendues par le public. Celles-ci peuvent avoir une incidence sur la précision et la fiabilité de la couverture médiatique. Comme le dit un journaliste scientifique :

« N’oubliez pas que les journaux cherchent à raconter une histoire; ils ne présentent pas simplement les résultats d’une étude scientifique. Ils écrivent une histoire à propos d’une étude et essaient de vous donner envie de le lire et de vous y intéresser[1]. »

Hyperbole

Les journalistes emploient souvent des termes hyperboliques comme « percée », « révolutionnaire », « qui change la vie », « qui change la donne », « historique », « miracle » ou « Saint Graal » pour qualifier de nouvelles découvertes scientifiques. Les médias tendent à abuser de ces qualificatifs, rarement justifiés par les recherches présentées, ce qui contribue à exagérer la nouveauté ou l’importance de l’étude [2]. De plus, les articles s’appuient souvent sur une seule découverte ou étude, sans la replacer dans un contexte plus large[3].

Images trompeuses

Les images choisies pour illustrer les articles peuvent parfois véhiculer un message différent de celui du texte. Ainsi, lors des vagues de chaleur, beaucoup de photos les présentent comme de simples moments de « plaisir au soleil », minimisant ainsi la gravité du réchauffement climatique[4]. De même, certaines représentations graphiques peuvent induire en erreur lorsqu’elles omettent certains ensembles de données ou qu’elles sont conçues de façon à accentuer artificiellement de légères variations. Or, la confiance du public envers ces représentations repose en grande partie sur leur attrait visuel[5].

Présentation trompeuse des risques

La perception du risque par le public peut être faussée selon la manière dont les statistiques sont présentées. Par exemple, affirmer qu’un médicament augmente un risque « jusqu’à 20 % »(risque relatif) paraît bien plus sensationnel que d’indiquer que ce risque passe en réalité de 85 % à 87 % (risque absolu)[6]. Même le simple fait de présenter quelque chose comme un risque peut induire en erreur lorsqu’il n’existe aucune raison solide de penser qu’il y a un lien de causalité. (Manger de la crème glacée est associé aux attaques de requins, car ces deux phénomènes sont plus fréquents en été, mais il n’y a aucune raison de croire que manger de la crème glacée augmente votre risque d’être attaqué par un requin.)

Titres simplifiés

Même lorsque l’article est exact, les titres tendent souvent à mettre en avant l’aspect le plus sensationnel, en négligeant des précisions essentielles, par exemple, indiquer si la recherche a été menée sur des humains ou sur des animaux, et s’il s’agit d’un lien de causalité ou simplement d’une corrélation[7]. Ainsi, une étude montrant une association entre la consommation de noix et la perte de poids pourra donner lieu à un titre tel que : Les noix feraient perdre du poids, selon une étude, plutôt que : Les noix sont associées à une perte de poids

Superaliments

La couverture médiatique de la nutrition tend à se concentrer sur les bienfaits supposés (ou, plus rarement, les effets nocifs) de certains aliments, plutôt que de les replacer dans le cadre d’une alimentation équilibrée : « L’absence de contexte dans les articles sur la nutrition contribue également à une mauvaise communication et à la confusion du public… les médias expliquent rarement comment une seule étude s’inscrit dans l’ensemble des connaissances disponibles ou quelles en sont les implications concrètes[8]. » De plus, ces articles ne situent généralement pas les résultats dans le contexte d’autres recherches en nutrition, ce qui peut donner l’impression que « les scientifiques en nutrition changent constamment d’avis », plutôt que de construire un consensus[9].


[1] Jarman, R., & Mcclune, B. (2010). Developing students’ ability to engage critically with science in the news: Identifying elements of the ‘media awareness’ dimension. The Curriculum Journal, 21(1), 47-64. doi:10.1080/09585170903558380

[2] Ordway, D-M. (2021) How to avoid bad headlines on stories about health and medical research. NiemanLab.

[3] Treharne, T., & Papanikitas, A. (2020). Defining and detecting fake news in health and medicine reporting. Journal of the Royal Society of Medicine, 113(8), 302-305.

[4] O'Neill, S., Hayes, S., Strauß, N., Doutreix, M. N., Steentjes, K., Ettinger, J., ... & Painter, J. (2022). Visual portrayals of fun in the sun misrepresent heatwave risks in European newspapers.

[5] Lin, C., & Thornton, M. A. (2021). Fooled by beautiful data: Visualization aesthetics bias trust in science, news, and social media.

[6] Treharne, T., & Papanikitas, A. (2020). Defining and detecting fake news in health and medicine reporting. Journal of the Royal Society of Medicine, 113(8), 302-305.

[7] Ordway, D-M. (2021) How to avoid bad headlines on stories about health and medical research. NiemanLab.

[8] Miller, G. D., Cohen, N. L., Fulgoni, V. L., Heymsfield, S. B., & Wellman, N. S. (2006). From nutrition scientist to nutrition communicator: why you should take the leap1, 2. The American journal of clinical nutrition, 83(6), 1272-1275.

[9] Nagler, R. H. (2014). Adverse outcomes associated with media exposure to contradictory nutrition messages. Journal of health communication, 19(1), 24-40.