Administré par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, l'association canadienne des radiodiffuseurs a revu l'année dernière son Code d'application concernant les stéréotypes sexuels à la radio et à la télévision, et l'a remplacé par le Code sur la représentation équitable. Limiter les stéréotypes à la dichotomie des sexes n'était à l'évidence pas suffisant dans le contexte multiculturel de la société canadienne.
A la demande de l'ACR, 36 organismes de parties prenantes –groupes ethnoculturels, autochtones, et de personnes handicapées, anglophones et francophones- ont établi des recommandations, formulées dans A l'image des Canadiens –Pratiques exemplaires pour la diversité culturelle à la télévision privée, sur lesquelles l'ACR s'est ensuite appuyé pour établir son rapport La présence, représentation et intégration des personnes handicapées dans les émissions de télévision. L'une des principales lacunes qu'a révélée le rapport est en effet l'absence de normes concernant la présence des personnes handicapées à la télévision, ainsi que leur représentation dans les émissions –elles sont souvent montrées de façon stéréotypée, comme des victimes.
Plus large que son prédécesseur, le nouveau code vise « à éliminer, dans les émissions et aussi dans les messages publicitaires, la représentation, et les stéréotypes indûment négatifs concernant la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial ou un handicap physique ou mental ». La stigmatisation et la victimisation font l'objet d'un article distinct des stéréotypes, ainsi que la dérision des mythes, des traditions ou des pratiques. Le langage et la terminologie sont eux aussi soumis à des lignes directrices, et c'est certainement une bonne chose, si l'on regarde le nombre non négligeable de plaintes que le CCNR a reçues concernant des commentaires inappropriés (généralement sexistes) émanant de commentateurs, à la radio ou la télévision. Le code prend néanmoins en considération le caractère évolutif de la langue, et demande aux radiodiffuseurs de tenir compte des normes en vigueur dans la collectivité pour juger de l'adéquation ou non de certaines tournures et expressions.
Enfin, l'article « Facteurs contextuels » permet de nuancer le Code en donnant la possibilité de justifier des contenus qui enfreignent certains aspects du code. Les contextes sont dans ce cas clairement établis :
- Usage artistique légitime : « Les individus qui ont eux-mêmes l'esprit étroit ou qui sont intolérants peuvent faire partie d'une émission de fiction ou de type non fiction, pourvu que celle-ci ne soit pas abusive ou indûment discriminatoire. » -et là, je me demande personnellement s'il est plus désagréable de se voir adresser un blâme pour propos discriminatoires dans une émission de non fiction, ou d'éviter le blâme pour la raison que vous tombez dans la catégorie « individus qui ont eux-mêmes l'esprit étroit ou qui sont intolérants »…
- A des fins de comédie, d'humour ou de satire –tant qu'ils ne sont pas abusifs ou indûment discriminatoires, précise-t-on.
- Traitement intellectuel –lorsque l'exposition manifeste d'une discrimination présente ultimement un intérêt public.
Dans chaque cas, les contenus « inappropriés » constituent en quelque sorte l'antithèse qui renforce la thèse de l'émission, thèse qui doit ultimement aller dans le sens d'une représentation équitable des individus.
Arrivant au terme d'une longue liste prescriptive, « Facteurs contextuels », qui clôt le Code sur la représentation équitable, lui confère souplesse et subtilité, et préserve la diversité stylistique et « rhétorique » des émissions de radiotélévision .
Il reste à présent à voir si les plaintes qui auront été déposées cette année devant le CCNR reflèteront une amélioration dans les pratiques du milieu.