Ces deux dernières années, plusieurs auteurs et chercheurs ont tenté de corriger l'impression générale voulant que les jeunes ne se soucient guère de protéger leur vie privée. Si le public semble enfin comprendre que les adolescents attachent de l'importance à leur vie privée – telle qu'ils la définissent – l'idée que les jeunes enfants ont des renseignements personnels qu'il importe de protéger est encore nouvelle. La majorité des gens seraient surpris d'apprendre à quel âge les jeunes enfants commencent à naviguer sur le Net : l'âge moyen est passé de dix ans en 2002 à quatre ans en 2009 (Findahl, Olle, Preschoolers and the Internet, présenté à la conférence EU Kids Online, Londres, 11 juin 2009) et depuis l'avènement du iPhone et du iPad, cet âge est sans doute encore plus bas.
Compte tenu du jeune âge auquel les enfants vont maintenant en ligne, il convient de se préoccuper de la protection de leur vie privée et de leurs renseignements personnels, et ce, pour plusieurs raisons. Peu de gens – particulièrement les parents – savent à quel point l'expérience des enfants en ligne est commercialisée. L'étude menée par le Réseau Éducation-Médias en 2005, Jeunes Canadiens dans un monde branché, a révélé que 95 pour cent des 20 sites les plus populaires auprès des jeunes âgés de 8 à 17 ans présentent passablement de contenu commercial. L'étude, en septembre 2011, des 15 sites les plus populaires auprès des enfants américains (http://www.ebizmba.com/articles/kids-websites) montre qu'à l'exception d'un seul, tous ces sites affichent, au moins en partie, un contenu commercial; la majorité d'entre eux sont expressément commerciaux ou mènent à un site commercial.
Le caractère commercial des sites qui s'adressent aux enfants soulève de grandes inquiétudes quant à la protection de la vie privée parce que plusieurs de ces sites demandent des renseignements personnels, et ce, par divers moyens : certains exigent que les enfants s'inscrivent pour avoir accès à un contenu « plus intéressant » tandis que d'autres encouragent les enfants à divulguer leurs renseignements personnels – ou ceux de leurs amis – en proposant des concours et des sondages. (En plus de demander eux-mêmes les renseignements, plusieurs sites hébergent du matériel publicitaire qui demande aussi des renseignements personnels.) En outre, plusieurs sites populaires, tel Club Penguin, donnent aux enfants l'occasion d'échanger avec d'autres enfants en ligne, ce qui soulève la question de savoir quels renseignements il convient de divulguer en toute sécurité et lesquels il vaut mieux s'abstenir de fournir.
De nos jours, les jeunes enfants ont beaucoup plus d'occasions d'afficher des photos et des vidéos en ligne puisque les cybercaméras sont souvent intégrées aux ordinateurs portatifs et que de nombreux téléphones cellulaires offrent les fonctions photo et vidéo. Compte tenu de tous ces facteurs, il ne suffit plus de recommander aux enfants de « ne pas parler aux étrangers », mais il faut apprendre même aux jeunes enfants à développer leur jugement et à gérer leurs renseignements personnels et ceux des autres dans un grand éventail de contextes.
Le 20 octobre, le Réseau a lancé une nouvelle ressource, Pirates de la vie privée : une unité interactive sur la protection des renseignements personnels en ligne (pour les 7 à 9 ans). Cette ressource initie les enfants au concept de la vie privée en ligne et leur enseigne à faire la distinction entre les renseignements qu'ils peuvent divulguer et ceux qu'il est préférable de garder pour soi. Pirates de la vie privée demande aux élèves de réunir les fragments d'une carte menant au trésor des pirates. Pour y arriver, ils doivent répondre à des questions sur la confidentialité et les renseignements personnels, questions qui sont posées par une série de pirates hauts en couleur, qui possèdent chacun un fragment de la carte. Le jeu met l'accent sur la rétroaction positive, en récompensant les enfants lorsqu'ils font le bon choix plutôt que de les punir lorsque leur choix laisse à désirer. Les études montrent en effet que les jeunes enfants réagissent peu à la rétroaction négative (voir Anna C. K. van Duijvenvoorde et autres, « Evaluating the Negative or Valuing the Positive? Neural Mechanisms Supporting Feedback-Based Learning across Development », The Journal of Neuroscience, 17 septembre 2008.) Pour la même raison, nous avons minimisé les conséquences d'une mauvaise réponse en permettant aux élèves d'essayer, à nouveau et immédiatement, de répondre à chacune des questions.
Le contenu éducatif du jeu est présenté en deux parties. Dans la première partie, qui se déroule à bord du bateau des pirates, les enfants rencontrent le Mentor qui les initie au concept de gestion des renseignements personnels, explique ce que sont les renseignements personnels et expose certaines des idées maîtresses du jeu telles que l'importance de consulter un adulte en qui ils ont confiance avant de prendre une décision majeure relativement à la vie privée ou la nature permanente de ce qui est affiché en ligne.
Dans la seconde partie, les enfants arrivent sur l'Île Internet où ils rencontrent neuf pirates qui ont chacun une identité bien précise et représentent une facette de la protection de la vie privée abordée au fil du jeu, par exemple, les mots de passe, les concours et les sondages ou les politiques de confidentialité. Chaque pirate possède une banque de questions, ce qui signifie que les enfants peuvent jouer le jeu plusieurs fois et continuer à découvrir un nouveau contenu. Dans le contexte d'une classe, cela signifie également que l'expérience de chaque élève sera différente et, donc, que les discussions en groupe seront plus enrichissantes.
Tout au long du jeu, les joueurs ont accès au Mentor qui leur donnera, si nécessaire, des tuyaux leur suggérant quelle stratégie les mènera à la bonne réponse (sans toutefois donner cette réponse). Cette approche contribue à développer chez l'enfant l'importante habileté qui consiste à demander l'aide d'un adulte en qui l'enfant a confiance lorsqu'il n'est pas certain du bon choix à faire ; elle permet aussi de transmettre le contenu éducatif sur demande, dans un contexte pratique. Au fur et à mesure, le joueur peut mesurer ses progrès puisque les fragments obtenus apparaissent à l'écran ; lorsque le joueur a réuni les six fragments de la carte, il est récompensé par le « trésor » (il reçoit des félicitations en ligne ainsi qu'un certificat qu'il peut imprimer).