Pas facile de faire des achats écologiques

Une vieille légende urbaine appelée « la machine à eau » raconte la découverte d’un procédé de transformation de l’eau en carburant. L’histoire présente des variations : il est parfois question d’eau du robinet, parfois d’eau de mer. Les versions récentes précisent que le carburant est non polluant, mais la fin est toujours la même. L’invention est étouffée par les sociétés pétrolières, soit en achetant l’invention et en la cachant, ou en forçant la perte et le suicide de l’inventeur. La légende persiste depuis longtemps (la légende court depuis les années 1950 et remonte probablement à la première fois où quelqu’un s’est plaint du coût d’un plein d’essence) puisqu’elle confirme ce en quoi nous croyons déjà, soit que toutes les sociétés pétrolières sont méchantes et préféreraient assassiner un homme et condamner le monde plutôt que de sacrifier un seul cent de bénéfices.

Aujourd’hui, nous pensons différemment, bien sûr. Plutôt que d’étouffer l’invention, les sociétés pétrolières promettent de la développer… bientôt. (Vous rappelez-vous la publicité où l’on voyait une goutte d’eau tomber du tuyau d’échappement d’une voiture?) Que les publicités vendent des voitures, des ordinateurs, des essuie-tout ou de l’électricité, le jeu consiste aujourd’hui à promouvoir un produit dit écologique, maintenant ou dans un proche avenir. Cependant, comme la « machine à eau », un grand nombre de ces déclarations s’évaporent en y regardant de plus près.

L’exagération des déclarations environnementales est suffisamment commune pour porter un nom, l’écoblanchiment, et provoquer une vive réaction (le journal The Guardian y consacre même une rubrique afin d’exposer le phénomène). Peu de pays adoptent une réglementation précise sur ce qu’il est permis d’appeler « vert », mais des déclarations précises peuvent faire l’objet d’enquêtes. L’Advertising Standards Authority (autorité des normes en publicité) du Royaume-Uni a reçu plus de 500 plaintes en 2007 concernant des déclarations environnementales faites dans les publicités. Aucune catégorie de produits n’est à l’abri de l’appel écologique, des voitures aux produits nettoyants ménagers, en passant par les balles écologiques. Certaines de ces déclarations ont peu de fondement (un véhicule utilitaire sport japonais qui prétend provenir du pays d’origine du Protocole de Kyoto) alors que d’autres sont plus difficiles à juger, comme les déclarations de Proctor and Gamble voulant que l’utilisation du lave-vaisselle prend moins d’énergie que le lavage à la main. Être vert signifie souvent être gris lorsque les options écologiques offertes sont simplement moins pires pour l’environnement que celles des concurrents, comme l’eau mise dans des bouteilles en verre plutôt qu’en plastique. (Incidemment, ces bouteilles en verre ne sont généralement pas remplies de nouveau ou recyclées en tant que bouteilles. Elles sont plutôt écrasées à des fins industrielles.)

Dans le cas des articles haut de gamme, être vert est souvent plus une tendance qu’un véritable engagement environnemental. Par exemple, on vante fréquemment le bambou comme étant une solution de rechange écologique au bois. Il pousse beaucoup plus rapidement, étant une graminée, et peut servir à fabriquer du papier et remplacer les autres fonctions du bois, mais il est surtout utilisé dans le placage des articles haut de gamme comme les ordinateurs et les chaînes stéréo. C’est une façon claire (et élégante) de dire que vous vous préoccupez de l’environnement que ne peut pas égaler le papier hygiénique recyclé.

Bien sûr, les voitures hybrides sont de la plus grande mode : les constructeurs d’automobiles ont remplacé les voitures à grande consommation par des véhicules qui symbolisent une sensibilité à la conception. Même si le propriétaire d’une voiture hybride peut se vanter du kilométrage qu’il peut parcourir grâce à elle, ces voitures sont si dispendieuses qu’il faudrait les conduire constamment pour qu’elles permettent une réelle économie d’argent. Aujourd’hui, les constructeurs d’automobiles se creusent les idées pour produire la prochaine mode, la voiture à hydrogène entièrement électrique, laquelle rendra les voitures hybrides désuètes et fades. Cette voiture n’émettra que de l’eau et sera la voiture verte typique, sauf que l’électricité qui l’alimentera devra provenir de quelque part, et en Amérique du Nord, elle proviendra probablement d’une centrale thermique alimentée au charbon. Dans le cas contraire, elle proviendra possiblement d’un barrage hydroélectrique ou d’une centrale nucléaire. Selon les Cris de la baie James, il ne s’agit pas nécessairement d’une option écologique. La voiture électrique est en fait un outil servant à dissimuler les coûts environnementaux de la conduite automobile et, les constructeurs d’automobiles l’espèrent, à les faire oublier.

Il ne fait aucun doute que les consommateurs veulent faire des achats écologiques. Une récente étude démontre que plus des trois quarts des consommateurs se disent « verts », 71 p. 100 des répondants se sont dits intéressés par l’achat d’une voiture plus écologique, et un peu plus de la moitié des répondants avait acheté un produit qu’ils considéraient comme écologiques au cours des 6 derniers mois. L’écart entre ces chiffres (la moitié des répondants ont indiqué avoir acheté des produits écologiques alors que ce n’était pas le cas) laisse supposer que, pour un grand nombre de consommateurs, être vert n’est qu’une apparence. Il semble qu’une grande partie de la population est heureuse de s’écoblanchir.

Cependant, pour ceux qui désirent sérieusement faire une différence par leurs achats, il peut être difficile de déterminer lesquelles des déclarations à caractère écologique sont légitimes, mais il vaut la peine d’essayer. Dans notre société de consommation, nos achats ont plus d’influence sur le monde autour de nous que presque tout autre de nos actes. (Selon l’endroit où vous vivez, ils peuvent même compter plus que votre vote.) Comme pour toutes les allégations publicitaires, la meilleure défense demeure la pensée critique et la compréhension du fonctionnement des publicités. Dans la rubrique sur l’écoblanchiment du journal The Guardian, Fred Pearce suggère de tenir compte d’un certain nombre de signaux d’avertissement : des déclarations vagues, l’utilisation d’images de la « nature » sur les emballages, et des profils de scientifiques travaillant sur des projets écologiques.

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