Les fêtes en co-visionnement : Gérer les classiques problématiques

père enfant tablette fêtesPlusieurs familles ont des traditions médias pendant les fêtes – que ce soit le visionnement du Petit renne au nez rouge ou un tournoi Mario Kart pour le Jour de l’an.  C’est une belle occasion de faire des activités médias en famille et de faire du co-visionnement avec les enfants.  D’ailleurs, ces films nécessitent quasiment le co-visionnement : que ce soit La vie est belle, Nez Rouge ou Piège de Crystal (Die Hard), les chances sont que si vous visionnez quelque chose d’approprié pour l’âge de vos enfants, vous verrez un éventuellement un portrait inconfortable.  Serait-ce une représentation stéréotypée dans un dessin animé, une scène qui romantise un traqueur ou encore un autre film pour enfant avec un seul personnage féminin.  Quoi dire?  La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas du neuf pour les enfants.

D’après un rapport de MediaSmarts intitulé Les jeunes Canadiens en ligne : repoussant la haine, la grande majorité des jeunes sont témoins de racisme, de sexisme, d’homophobie et d’autres préjugés en ligne, mais la plupart d’entre eux interviennent rarement, voire n’interviennent jamais. 

Parmi les obstacles rencontrés, on cite la crainte de dénoncer. Un enfant dont on critique les choix culturels peut se sentir personnellement visé. Réagir trop sévèrement à des propos tenus en ligne peut même envenimer la situation : soit la personne critiquée réagit sur la défensive, soit celle qui critique est taxée d’exagération. S’il est important de montrer aux jeunes comment réagir quand un internaute exprime délibérément de la haine ou des préjugés, il faut aussi leur enseigner comment interpeller l’autre quand la situation est ambiguë.

Quand on choisit d’interpeller avant de dénoncer (en anglais, l’universitaire Loretta Ross parle de calling in), on suppose que l’autre est de bonne foi. Il existe une différence entre les œuvres motivées par le racisme ou le sexisme et celles qui trahissent plutôt un manque d’introspection chez l’auteur ou de réflexion critique quant aux idées reçues de l’industrie. Dans la même optique, il faut distinguer les propos visant à répandre la haine sur Internet des cas où une personne emploie sans le savoir une expression ou un mot blessant, utilise le mauvais pronom par erreur ou raconte une blague sans penser qu’elle peut être offensante.

En tant que parent, vous pouvez interpeller votre enfant en vous impliquant dans sa consommation culturelle et en l’aidant à y réfléchir de manière constructive. Soyez attentif à ce que votre enfant regarde à la télévision ou sur YouTube. N’hésitez pas à appuyer sur « pause » quand vous voyez quelque chose qui vous met mal à l’aise. Pensez à vous renseigner sur les contenus préférés de votre enfant. Ainsi, vous pourrez noter les sujets à aborder et entretenir un dialogue ouvert à propos des médias. Évitez que votre enfant se sente visé quand vous intervenez. Posez des questions comme :

  • Penses-tu qu’il s’agit d’une manière saine d’agir envers son copain ou sa copine?
  • Les filles que tu connais sont-elles différentes des personnages féminins de cette série?
  • Comment penses-tu qu’une personne racisée se sentirait par rapport à la façon dont elle est représentée dans cette scène?

Vous avez peut-être remarqué que sur Disney+, certains contenus sont marqués d’un avertissement pour cause de stéréotypes. Profitez-en pour aborder ces représentations problématiques et prenez l’habitude de souligner les représentations positives ou réalistes. Il est important d’apprendre aux enfants dès leur plus jeune âge qu’être critique d’un livre ou d’un film ne signifie pas qu’on le rejette entièrement ni qu’on critique personnellement l’auteur, le réalisateur ou les adeptes de l’œuvre.

L’idée que critiquer une œuvre n’équivaut pas à attaquer son auteur ou ses adeptes permet de mieux comprendre la notion d’interpellation suivant des propos offensants tenus en ligne. Souvent, les jeunes qui sont témoins de propos fondés sur des préjugés évitent d’intervenir par peur d’empirer les choses, parce qu’ils doutent de leur jugement ou parce qu’ils ne sont pas certains des intentions de l’autre. Toutes ces préoccupations sont légitimes : sur Internet, il est quasiment impossible de juger des intentions d’autrui, et les personnes qui offensent sans le vouloir sont aussi nombreuses que celles qui se cachent derrière l’ironie pour répandre la haine. Souvent, quand on interpelle l’autre avant de le dénoncer, on évite qu’il réagisse sur la défensive. On peut par exemple communiquer avec lui en privé ou évoquer des valeurs communes (« je sais que tu n’avais pas l’intention de blesser »). Poser des questions est une autre stratégie clé : en demandant à la personne de préciser sa pensée ou de donner un exemple, on lui permet de s’expliquer. On peut aussi lui dire comment on s’est senti en lisant ses propos, même si on n’est pas personnellement visé ou qu’on ne fait pas partie du groupe concerné. D’ailleurs, sept jeunes Canadiens sur 10 se disent blessés par tous les types de préjugés.

Dans certains cas, il est pertinent de dénoncer et d’intervenir publiquement (en anglais, on parle de calling out) face aux préjugés, en ligne comme hors ligne. On peut dénoncer un comportement pour protéger quelqu’un dans l’immédiat (ex. : un joueur en ligne victime de harcèlement), quand on sait que l’autre est conscient du caractère blessant de ses gestes ou de ses propos, quand il est plus important d’annoncer clairement les valeurs de la communauté que de convaincre une seule personne, ou quand on a déjà essayé d’interpeller l’autre, mais sans succès. 

Qu’il s’agisse de regarder un film, de jouer à un jeu vidéo ou d’utiliser les réseaux sociaux, nous devons préparer nos jeunes à consommer et à agir sur les médias de manière avisée. Leur montrer à interpeller avant de dénoncer lorsqu’ils remarquent les aspects problématiques d’une œuvre ou qu’un proche tient des propos blessants par erreur, c’est faire d’eux des citoyens en ligne plus actifs et plus responsables, tout en offrant un plus beau temps des fêtes.