Le classement des émissions de télévision, je me rends compte, en tant qu’agente d’évaluation aux contenus télé, que c’est un peu nébuleux pour les gens autour de moi. Aussi, il est fréquent qu’on me demande comment, dans le cadre de mon travail, je procède pour en arriver à la décision de classer une émission Général, 8+, 13+, 16+ ou même, 18+ dans certains cas plus rares.
Et lorsque justifié, comment détermine-t-on qu’un avertissement doit être inséré afin de venir affiner le classement?
Tous les jours, en tant qu’agente d’évaluation aux contenus télé, je suis amenée à visionner quantité de productions des plus diverses afin d’en déterminer le classement en fonction du contenu. Des dramatiques, des fictions, du cinéma. Et parfois même, à la demande de producteurs, certains documentaires ou segments d’émissions d’affaires publiques dont un ou des élément(s) suscite(nt) le doute auprès des équipes de production concernées.
Ce serait donc un euphémisme que d’affirmer que je regarde beaucoup de télé puisque la chose occupe pratiquement tout mon temps! Sauf que je ne visionne bien sûr pas les contenus de la même façon que je le faisais avant d’occuper ce poste ! Car il est important de préciser ici qu’au-delà des éléments créatifs des émissions que je suis chargée d’évaluer, mon attention se porte plus précisément sur les éléments susceptibles de ne pas convenir à tous les publics. Parmi ces éléments, la violence (que celle-ci soit physique, psychologique ou autre), le niveau de langage (y a-t-il des jurons? Ceux-ci servent-ils à présenter un univers? Sont-ils excessifs de façon à justifier un avertissement?), y-a-t-il la présence de sexualité (simplement évoquée ou véritablement montrée), des valeurs et/ou fausses valeurs sont-elles véhiculées de façon plus ou moins implicites, les comportements illustrés sont-ils dangereux s’ils étaient reproduits ou à risque de l’être par un jeune public…
À la base, il faut savoir que le système de classement des diffuseurs francophones, d’abord élaboré dans une perspective de protection de la jeunesse telle que privilégiée par le CRTC, a été pensé à partir des catégories d’âges en s’appuyant sur les différents stades de développement intellectuel de l’enfant. En effet, selon leur âge, les enfants regardent, à la limite comprennent, ce qu’ils voient différemment.
Ce type de classement en fonction des contenus existe bien sur partout dans le monde même si, dépendamment du pays visé, les catégories peuvent changer; le consensus ainsi que les valeurs sociales n’étant pas les mêmes partout.
Voici donc les catégories d’émissions telles qu’existantes pour la télévision québécoise :
G : Cette émission convient à un public large. Elle ne contient aucune violence, ou la violence qu’elle contient est minime et limitée ou encore, traitée sur le mode de l’humour, de la caricature ou de manière irréaliste (sans être banalisée toutefois). Ainsi, même si l’émission en question n’est pas nécessairement destinée ou même pensée pour les jeunes enfants, ceux-ci peuvent voir cette émission sans en être affectés outre mesure.
8+ : Cette émission convient à un public large mais elle contient une violence légère ou occasionnelle, qui pourrait troubler de jeunes enfants. Aussi, l’écoute en compagnie d’un adulte est suggérée pour les jeunes enfants de moins de 8 ans qui en raison de leur développement intellectuel, ne sont pas en mesure de faire la distinction entre le réel et l’imaginaire. De plus, il faut se rappeler que peu importe que cette violence soit physique, verbale ou psychologique, celle-ci ne doit jamais être gratuite mais au contraire, justifiée par le scénario. De plus, les conséquences néfastes de ces actes, gestes ou comportements violents doivent être à tout le moins évoquées, sans surtout être banalisées. Dans cette catégorie, je porte particulièrement attention aux thématiques familiales dont le contenu est de nature à troubler le sentiment de sécurité affective et familiale d’un jeune enfant qui en raison de son âge, n’est pas en mesure de contextualiser ce qu’il voit à l’écran. Par exemple, des thématiques familiales qui pourraient affecter le sentiment de sécurité affective des jeunes enfants.
13+ : Cette émission peut ne pas convenir aux jeunes de moins de 13 ans. Elle peut contenir quelques scènes de violence (une ou des scènes), ou encore, une scène d’une violence assez marquée pour les affecter. L’écoute en compagnie d’un adulte est donc fortement suggérée pour les jeunes de moins de 13 ans. Dans cette catégorie, je suis personnellement très attentive aux thématiques susceptibles de troubler un public adolescent : le suicide par exemple, une histoire présentant le suicide comme seule solution à la résolution de conflits familiaux ou personnels étant particulièrement pénible pour un adolescent.
Parfois, il suffit d’une seule scène ou d’un seul élément pour que le classement d’une émission soit haussé d’un cran.
Plus rares à la télévision, les émissions classées 16+ le sont en tenant compte du fait qu’un jeune adulte de 16 et + a acquis un niveau de maturité intellectuelle faisant en sorte qu’il peut voir des scènes ou des séquences plus complexes, celle-ci comportant certains éléments de violence ou qui abordent des thématiques auxquelles le monde adulte doit faire face. Par exemple, le trafic de la drogue, la prostitution, les ravages des gangs rivaux, etc…
La catégorie 18+ quant à elle est réservée aux contenus de grande violence qui contiennent, par exemple mais pas exclusivement, des scènes de torture, de cruauté et/ou d’horreur hyperréaliste.
Il est important par ailleurs de savoir que ces catégories sont un peu le reflet du contexte social et de l’époque. Ainsi, un film classé 13+ dans les années soixante-dix pourrait très bien être classé Général aujourd’hui. Parce que le film a vieilli. Ou que les effets scéniques semblent aujourd’hui moins choquants en raison de l’évolution du traitement au niveau de la production par exemple. Avec pour résultat que les effets spéciaux sont moins réalistes et moins de nature à heurter les sensibilités.
Dans un prochain billet, je pourrai aborder des exemples de films ayant reçus des classements élevés à leurs sorties dans les dernières décennies et qui aujourd’hui, ne sont plus considérés comme ayant autant d’impact sur le public.
Au-delà de tout ce que j’ai pu écrire plus haut, il ne faut jamais oublier que la signalétique ne constitue en aucun cas de la censure! Elle se veut plutôt un outil devant permettre aux parents (ainsi qu’au public en général) d’être en mesure de faire des choix en fonction de leurs valeurs, face à ce qu’ils souhaitent voir. Ou pas.
Mais, si en tant que parent la question des contenus télés (de même que ceux que l’on trouve aujourd’hui sur de nombreux autres écrans) vous interpelle, le CRTC a mis en ligne il y a quelques années un document que je trouve vraiment bien fait, justement destiné aux parents. Pour trouver ce document Mon enfant devant l’écran, il suffit de cliquer ici.
Si en tant que parent, le sujet vous interpelle, le site d’Habilomédias comporte lui aussi quantité d’informations de nature à répondre à vos questions.
Vous trouverez par ailleurs quantité d’information relative aux contenus sur le site d’Habilomédias. L’art d’être parent à l’ère numérique par exemple. Mais aussi, cette page portant sur le co-visionnement de la télé avec nos enfants.