Au bonheur des publicitaires

Noël approche, c'est donc l'époque de l'année où beaucoup s'apprêtent à célébrer le Dieu de la consommation.

Cynique, moi ? Même en Chine, non chrétienne, où la réunion familiale traditionnelle reste le Festival du Printemps, l'ouverture à la société de consommation a permis d'instituer Noël comme la fête des cadeaux. Doux euphémisme, caractéristique de la façon dont nos pays industrialisés nous maintiennent dans un état constant de consommation : consommez pour être heureux ! Or le marketing n'est pas l'art du plaisir, c'est l'art du désir.

Principe numéro un : on ne peut désirer quelque chose dont on ne connaît pas l'existence ; la tâche première du marketing est donc de vous faire connaître l'existence des produits, en les diffusant le plus largement possible. Internet, média hyperpuissant, global, et peu réglementé, est devenu le terrain de prédilection des publicitaires, et notamment pour atteindre les enfants. On peut y trouver, notamment :

  • des sites Web commerciaux, tel Barbie.ca, où les jeux ne sont là que pour faire vendre des produits,
  • des sites plus subtils dans leurs velléités commerciales comme le site Neopets, conçu pour les 5-12 ans, qui permet aux publicitaires d'atteindre un auditoire en plaçant, notamment, des annonces publicitaires dans la marge de la page d'accueil. Notons que ces publicités sont étrangement ciblées : en ce moment, il y a une publicité qui vous propose de participer à une loterie pour gagner une « green card » pour les Etats-Unis ; il y a quelques mois, on a pu y voir un lien permettant d'accéder directement aux confessions de Pamela Anderson (avec comme effet secondaire pour les jeunes internautes, l'accès à des contenus totalement inappropriés). Le site Neopets permet aussi aux publicitaires de rassembler tout en douceur des informations sur leurs jeunes utilisateurs: pour gagner des « Neopoints » qui leur permettent de personnaliser leur avatar, les enfants répondent à des questionnaires de consommation ; ou bien, après avoir joué à un jeu, l'enfant peut « défier un ami » en donnant son courriel au site –merci, lui disent in petto les publicitaires : ils ont désormais un courriel supplémentaire, et un utilisateur potentiel. Sans compter que cet « entraînement » à donner sans sourciller ses données personnelles a d'autres conséquences lorsque les jeunes passent de Neopets ou Barbie à Facebook ou MySpace : un profil ouvert à tous facilite le vol d'identité, la vulnérabilité à la cyberintimidation, et le nombre de pourriels.

En matière de diffusion, l'une des forces du marketing en ligne est de passer la main aux utilisateurs : ils deviennent, non seulement cibles de la publicité, mais aussi vecteurs, et même dans certain cas producteurs : les Mentos dans le Coca, vous vous souvenez ? Une blague de potache que Coca Cola et Mentos ont soigneusement récupérée commercialement – coût de la « campagne » : n/a ; succès : immense.

Le principe numéro deux d'une campagne marketing réussie est d'associer au produit une « image », une personnalité séduisante. Et moins une publicité sera repérée comme telle, plus elle aura d'impact. Au départ limitée à des « espaces publicitaires » identifiés, la publicité se glisse à présent partout. Vous souvenez-vous de la scène de Pierrot le Fou où Jean-Paul Belmondo s'ennuie à mourir dans une soirée mondaine où tout le monde déclame des publicités sur le ton de la conversation ? C'était une farce outrée en 1965… et une réalité en 2008.

Aujourd'hui, les bouteilles d'eau Dasani apparaissent aux côtés des présentateurs du journal télé, Wall-E se réveille en faisant le bruit d'un Mac, les scénarios de séries populaires tricotent serré intrigue et publicité –comme “Sex and the City,” avec Jimmy Choo et Manolo Blahnik. Même les paroles des chansons deviennent le lieu subtil d'immersion des marques : certains fans ont pu s'indigner que Jack White, du groupe White Stripes, mette sa créativité au service (rémunéré) de la campagne Coca Cola 2006 . Mais que dire de ces artistes qui incluent directement les marques dans leurs chansons ?

Révolue l'époque où un simple magnétoscope pouvait nous débarrasser de la publicité contenue dans un film. Aujourd'hui, la publicité est polymorphe, et les publicitaires des experts en camouflage. Si l'on veut maîtriser leur influence, il ne nous reste plus qu'à devenir aussi malins qu'eux.

Suggestions pour une discussion en classe :

  • Demandez à vos élèves de noter toutes les chansons / films / émissions qu'ils connaissent qui font référence à une ou des marques. Affichez la liste complète dans un coin de la classe, que les élèves pourront compléter tout au long de l'année.
  • Faites avec vos élèves le tour de votre classe pour noter le nombre de marques que l'on peut y trouver (marques de vêtements, d'ordinateurs, de sacs, etc…).

Suggestions pour les parents de jeunes enfants :

  • Avec vos enfants, jouez à « repérer la marque » dans les programmes de télévision ou les films. Faites-en un concours familial traditionnel.
  • Lorsque vous faites les courses avec vos enfants, demandez-leur de repérer les « pièges à enfants », par exemple les céréales que les publicitaires veulent leur vendre (en opposition aux céréales adultes). S'ils ne se laissent prendre à aucun « piège », achetez-leur une barquette de fraises avec l'argent ainsi économisé !

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