6 décembre -Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes

Le 6 décembre 1989, à l'École Polytechnique de Montréal, Marc Lépine tuait quatorze femmes, puis se suicidait en blâmant le féminisme pour tous les échecs de sa vie. Le Parlement du Canada commémora ce drame en décrétant le 6 décembre comme Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes.

Il est important de remarquer que, si cette journée définit un groupe spécifique de victimes : les femmes, et un thème, la violence, l'énoncé reste ouvert quant aux responsables de cette violence. Eloignons-nous donc du poncif qui voudrait que ce soit les hommes les responsables désignés de la violence aux femmes. Lorsque celle-ci devient une tendance sociale, les causes doivent être cherchées au-delà des simples clivages de genre.

Puisqu'au Réseau, notre vocation est de nous placer sous l'angle particulier des médias, parler de violence faite aux femmes amène naturellement à se pencher sur l'image publique que les médias donnent d'elles. Le récent ouvrage Sexy Inc., le rapport du Conseil du statut de la femme (CSF) du Québec Le sexe dans les médias : obstacles aux rapports égalitaires, mettent tous en avant la convergence des messages médiatiques en matière de représentation des femmes et des filles : une représentation monodimensionnelle, centrée sur l'apparence physique.

Dans l'immense majorité des magazines pour adolescentes, la popularité et le succès féminins sont présentés comme une conséquence directe de l'apparence physique. Plus celle-ci se conforme à l'idéal de beauté que les médias présentent, plus proche est-on de la popularité et du succès. Le problème, c'est que ces idéaux sont inatteignables pour une grande partie de la population féminine : il y a vingt ans, les mannequins pesaient 8 % de moins qu'une femme moyenne ; aujourd'hui, c'est 23 % de moins ! Le rapport du CSF note que « chez les filles de 1ère, 3ème, et 5ème secondaire, plus de 40 % sont insatisfaites de leur image ; 55% des filles de 15 à 19 ans veulent perdre du poids, comparativement à 15 % des garçons du même âge ».
Comme le fait remarquer Jean Kilbourne, la femme moyenne est devenue invisible dans les médias. Et plutôt que de revendiquer sa visibilité, elle tente de rentrer dans le moule, d'autant plus marginal qu'il est « photoshopé », des couvertures de magazines, au péril de sa santé.

Ici, les agents de la violence faite aux femmes, ce sont les femmes : des mères qui commentent négativement les rondeurs encore enfantines de leurs filles, des femmes normales qui décident de soumettre leur corps à un régime malsain. Les responsables de cette violence, en revanche, sont les médias qui propagent cette image distordue de la femme.

La réification de la femme a d'autres conséquences : le rapport du CSF fait état d'une hausse de 20 % de la violence conjugale dans les relations amoureuses chez les jeunes de 12 à 17 ans, de 2005 à 2006. Le rapport lie « la violence dans les relations amoureuses des jeunes (…) à l'omniprésence et à la banalisation de la pornographie dans les médias ». Et j'ajouterais : « ainsi que la présentation de la violence comme un modèle acceptable, voire valorisé, d'expression de la masculinité » -si l'on incrimine les médias pour l'image distordue que les femmes ont d'elles-mêmes, ayons l'honnêteté d'appliquer le même raisonnement aux hommes.

Dans le panorama médiatique actuel, combien de James Bond pour combien de Kwaï Chang Caine (le héros de la série Kung Fu) ? Et 24, série populaire s'il en est… Un héros qui se fait justice soi-même, n'hésitant pas à torturer parce qu'il se sait dans son droit. Je ne peux m'empêcher d'y voir là une logique à la Marc Lépine. A travers les médias, les garçons sont exposés à une définition étroite de la masculinité, qui met l'accent sur l'insensibilité et le machisme.
Pour éradiquer la violence faite aux femmes, il faut pulvériser les carcans que les médias font peser sur elles, mais aussi libérer les hommes de ceux qui lui sont imposés.

Quoi faire ?
Le 6 décembre est une journée d'action. Commençons donc par déconstruire -à la maison, au sein de la classe- les stéréotypes médiatiques liés à la violence, la masculinité, et la représentation des femmes. Voici quelques ressources qui vous y aideront :

Pour les enseignant/e/s

Le marketing auprès des ados : les rôles sexuels dans la publicité

Les stéréotypes sexuels et l'image corporelle : exploration

Les stéréotypes sexuels et l'image corporelle : conséquences

Pour les parents

La masculinité et la violence en publicité

Et n'oubliez pas que dans tout média, la communication peut se faire dans les deux sens. Si vous êtes choqué par une publicité, un propos dans une émission ou un film : réagissez !