La vie en ligne : les élèves canadiens sont plus branchés, plus mobiles et plus sociaux

Matthew Johnson

Huit ans, c’est long quand il s’agit d’Internet. Entre 2005, moment où HabiloMédias publiait la phase II de notre étude Jeunes Canadiens dans un monde branché, et 2013, lorsque nous avons réalisé le sondage national des élèves pour la phase III, Internet a connu une énorme transformation : les vidéos en ligne, auparavant lentes et pleines de bogues, sont devenues l’une des activités les plus populaires sur le Web, tandis que le réseautage social est maintenant largement répandu tant chez les adultes que chez les jeunes. Les expériences vécues en ligne par les jeunes ayant également changé, nous avons interrogé 5 436 élèves canadiens de la 4e à la 11e année, dans des classes de chaque province et territoire, afin de découvrir comment. Notre premier rapport tiré de ce sondage, La vie en ligne, porte sur ce que les jeunes font en ligne, les sites qu’ils fréquentent et leurs comportements face à la sécurité en ligne, les règles d’utilisation d’Internet à la maison et la déconnexion de la technologie numérique. (D’autres rapports basés sur ces données examineront les habitudes, les activités et les comportements des élèves à l’égard de la vie privée, de la pérennité numérique, de l’intimidation, de la commercialisation, des contenus offensants, des relations en ligne et de la littératie numérique en classe et à la maison).

Personne ne sera surpris d’apprendre que presque tous les jeunes vont en ligne. En fait, 99 pour 100 des élèves interrogés ont accès à Internet à l’extérieur de l’école grâce à l’utilisation de différents appareils. Le plus gros changement à s’être produit depuis notre dernier sondage réside dans la prolifération des appareils mobiles comme les tablettes, les téléphones intelligents et les lecteurs MP3, qui fournissent aux jeunes un accès continu – et souvent sans surveillance.

Les élèves sont non seulement branchés, ils restent branchés : plus du tiers de ceux qui possèdent un cellulaire disent dormir avec leur téléphone au cas où ils recevraient des appels ou des messages pendant la nuit. Les élèves essaient de garder un équilibre entre leurs activités virtuelles et celles de la vie réelle : pratiquement tous disent qu’ils choisissent parfois de se déconnecter pour passer plus de temps avec leur famille et des amis, sortir à l’extérieur, jouer à un jeu ou pratiquer un sport, lire un livre ou seulement profiter d’un moment de solitude. Donnée plus inquiétante par contre, un élève sur six dit s’être déconnecté pour éviter quelqu’un qui le harcelait.

Qu’est-ce que les jeunes Canadiens font lorsqu’ils sont en ligne ? Ils cherchent entre autres de l’information – surtout sur des sujets comme les nouvelles, les sports et les divertissements, mais aussi sur des questions de santé physique et mentale, la sexualité et des conseils sur les relations amoureuses. Les deux tiers des élèves jouent à des jeux en ligne, même si ces derniers diffèrent considérablement : les garçons de la 4e à la 6e année choisissent Minecraft, un jeu dans lequel les joueurs construisent des environnements virtuels, alors que les filles préfèrent les mondes virtuels comme Webkinz, Moshi Monsters et Poptropica, qui comptent des éléments de clavardage et de réseautage social. Le réseautage social représente également une activité populaire : si les taux d’utilisation sont les plus élevés chez les élèves plus âgés, un nombre important d’élèves plus jeunes – un tiers en 5e année et presque la moitié en 6e – possèdent un compte Facebook malgré son accès interdit aux moins de 13 ans.

Un autre grand changement se trouve dans les règles à la maison concernant les activités en ligne. Bien que nos groupes de discussion de 2012 avec les parents et les élèves aient révélé que les parents étaient de plus en plus préoccupés par ce que les jeunes faisaient en ligne, le nombre moyen de règles d’utilisation d’Internet à la maison a en fait diminué depuis 2005. Par exemple, le nombre d’élèves ayant une règle à respecter concernant les rencontres avec des personnes dont ils ont fait la connaissance en ligne est passé des deux tiers à la moitié depuis notre sondage précédent.

Conformément à notre étude précédente, les règles d’utilisation d’Internet à la maison ont des effets positifs significatifs sur ce que les élèves font en ligne, réduisant ainsi les comportements à risque comme afficher leurs renseignements personnels, visiter des sites de jeux d’argent, aller voir de la pornographie en ligne et parler à des inconnus. En général, cependant, le nombre de règles chute considérablement après la 7e année, et les filles de tous âges sont plus susceptibles que les garçons de déclarer avoir des règles d’utilisation à respecter. Le fait qu’il y ait un plus grand nombre de règles imposées aux filles est probablement fondé sur le sentiment qu’elles sont dans l’ensemble plus vulnérables, mais il peut être aussi lié au fait qu’Internet est un environnement très différent pour les filles que pour les garçons : les filles sont moins susceptibles d’être d’accord avec l’affirmation « Internet est un endroit sécuritaire pour moi » et plus susceptibles d’être d’accord avec celle-ci : « On pourrait me faire du mal si je parle à un inconnu en ligne ». Malgré ces différences, garçons et filles se disent confiants en leur capacité à prendre soin d’eux-mêmes, neuf sur dix étant d’accord avec l’affirmation suivante : « Je sais comment me protéger en ligne ».

La fréquence à laquelle les élèves disent être en présence d’un parent ou d’un adulte lorsqu’ils sont en ligne a également changé depuis le sondage de 2005 ; étonnamment, ce chiffre a augmenté malgré le déclin des règles d’utilisation d’Internet à la maison et la prolifération des appareils mobiles. Comme pour les règles d’utilisation, la fréquence est plus élevée chez les filles. Un élève de 4e année sur cinq n’est jamais en présence d’un parent ou d’un adulte quand il va en ligne à la maison et, jusqu’à la 8e année, moment où les élèves sont les plus à risque de rencontrer des problèmes ou de causer des problèmes en ligne, quatre élèves sur dix ne vont jamais en ligne en présence d’un parent ou d’un adulte.

Les élèves considèrent leurs parents comme une source précieuse pour apprendre des choses sur Internet : près de la moitié déclarent avoir été informés sur la cyberintimidation, la sécurité en ligne et la gestion de la vie privée grâce à eux. En vieillissant, les élèves sont plus susceptibles d’affirmer avoir été informés sur ces questions par leurs professeurs que par leurs parents. Un nombre inquiétant d’élèves disent cependant ne pas avoir été informés sur ces sujets : en effet, plus de la moitié des élèves de la 4e à la 6e année n’ont appris aucune stratégie pour authentifier l’information en ligne, que ce soit à la maison ou à l’école.

La vie en ligne a soulevé de nombreuses questions nécessitant un examen plus approfondi. Toutefois, à cette étape, il ressort déjà qu’en dépit de leur confiance dans les outils numériques – ou peut-être à cause d’elle –, les jeunes Canadiens, et particulièrement les enfants du primaire, ont besoin de faire l’apprentissage de compétences en littératie numérique. Les parents et les professeurs ont quant à eux besoin qu’on leur fournisse des outils et des ressources pour les aider à leur inculquer ces compétences.

Cliquez ici pour lire le rapport complet La vie en ligne.

Jeunes Canadiens dans un monde branché, Phase III : La vie en ligne a pu être réalisé grâce aux contributions financières de l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet, du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, et de la Alberta Teachers’ Association.