Twitter ou l'agrégateur humain

Le principe

Twitter est une plateforme de micro-blogging : on y publie des messages courts (moins de 140 caractères, espaces compris), qui répondent à la question « Qu'êtes-vous en train de faire ? ». Cette question a son importance : elle permet de situer Twitter, non comme un service de conversation, mais un service de partage.

Je ne me lancerai pas dans les détails techniques du fonctionnement de Twitter, Sophie Cornière l'a remarquablement fait ici. Sachez simplement que sur Twitter, il y a deux listes essentielles : « following », liste de ceux dont vous suivez les tweets, et « followers », ceux qui suivent les vôtres.

De cette interface extrêmement simple sont nées des pratiques fort diverses : dans leur utilisation quotidienne de Twitter, certains utilisateurs vont privilégier les individus et le côté social (si l'on veut essentiellement rester en contact avec ses amis), d'autres les fils de conversation ( si l'on veut connaître ce qui se dit sur un sujet précis et agrandir ses horizons sur la question). Dans ce dernier cas, les participants utilisent les hashtags (#hashtag, étiquettes spécifiques à Twitter) pour identifier les tweets (messages) en fonction du sujet.

Une autre pratique intéressante est l'utilisation des « retweet » (RT), équivalent du TR pour les courriels. Les RT sont souvent des liens qu'on souhaite disséminer. Cette pratique est particulièrement intéressante en cela qu'elle donne une toile de fond commune à ceux qui transmettent et retransmettent ces tweets : en permettant de partager une opinion, un lien à un article ou un blog qui nous a paru intéressant, le RT sert de liant émotionnel, aussi bien qu'intellectuel, pour la communauté qu'il touche.

Pour un utilisateur à la recherche de contenu, Twitter est donc une sorte d'agrégateur manuel ! Et il n'agrège pas seulement des idées : il agrège aussi des gens, bâtissant un réseau social inhérent au flux des idées.

Interlude

Pour ceux d'entre vous qui n'ont jamais utilisé Twitter, j'ai conscience que tout ce qui précède est un peu ardu et abstrait. C'est pourquoi je glisse ici une authentique blague Twitter, qui vous permettra de voir si vous avez bien assimilé la différence entre les tweets sociaux et les tweets thématiques :

vincentglad : j'ai faim (merci de RT).

(Et pour une expérience Twitter « de l'intérieur », je vous invite à suivre le Réseau dans ses conversations via le petit oiseau bleu : EducationMedias.)

Qu'est-ce qui se dit sur Twitter ?

Revanche d'un média libre dans un monde qui ne l'est pas toujours, Twitter et les actualités ont tout de suite fait bon ménage :

« Le New York Times, Reuters, Corriere della Sierra consultent sans cesse Twitter pour y dénicher un scoop. (…) Twitter contourne la censure, même quand Internet est surveillé : on ne peut plus contrôler les messages envoyés par les téléphones portables. C'est donc un élément de la démocratie. » déclare Jacques Attali dans l'Express de mars dernier.

C'est cette flexibilité (un tweet peut être envoyé indifféremment depuis un ordinateur ou un téléphone) allié au caractère « temps réel » des messages qui donne à Twitter sa puissance. Jusqu'à Hollywood qui tremble devant lui : « Même si le bouche à oreille a toujours pesé dans la destinée d'un film, en bien ou en mal, il fallait généralement attendre quelques jours avant qu'elle n'affecte le box office. Mais l'avènement d'outils sociaux tels que Twitter semblent avoir réduit ce sursis à quelques heures. Et c'est ce qui rend Hollywook extrèmement nerveux . » . A l'opposé, les films indépendants qui n'ont pas les moyens de s'offrir un lancement publicitaire trouvent dans Twitter un remarquable porte-voix ; c'est par exemple le cas en ce moment du film Food Inc.

Ainsi, Twitter permet de diffuser rapidement et efficacement des points de vue insolites, des idées originales, ou des articles qui remettent en cause les faits entérinés. Vous trouvez un blog particulièrement intéressant ? En un tweet, il se diffuse chez vos suiveurs. Qui à leur tour peuvent envoyer un RT s'ils le trouvent intéressant. Et de proche en proche, vous récoltez ainsi de nouvelles données, de nouveaux éclairages, par rapport aux thèmes qui vous intéressent, vous mélangez les genres et conversez avec des personnes de formations et de milieux professionnels divers.

Twitter est un formidable outil de décloisonnement intellectuel.

Twitter et le « temps réel » : applications pédagogiques en perspective

En ce moment, se tient en France Ludovia, une conférence sur l'e-éducation et les applications multimédia ludiques et pédagogiques. Sans y être, il est pourtant possible de suivre les tweets des participants, identifiés en ligne par le tag Ludovia 09. Puisque quelqu'un s'est donné la peine de créer un hashtag spécial pour l'événement, on accède aux commentaires des participants, en temps réel, sur une même page Twubs.

Or un cours n'est autre qu'une conférence ; soyons fous, et imaginons : et si les élèves avaient la possibilité d'envoyer des tweets pendant le cours, au fur et à mesure qu'une question leur vient, ou pour partager un lien qui illustre ou contredit l'exposé de l'enseignant ?

A l'époque où j'enseignais à des jeunes en grande difficulté scolaire, j'avais instauré les « interrogations flash », de petits tests de quelques questions simplissimes pour peu qu'on eût pris la peine d'écouter le cours. Le but était de donner à ces élèves facilement distraits la possibilité d'évaluer l'état de leur attention en cours. Mais Twitter, utilisé dans ce but, ferait bien plus : il permettrait de repérer de façon évidente qui écoute de façon active. Et la teneur des questions donnerait aussi le niveau d'avancement de la pensée critique de chacun.

Au diable les chemins balisés, une nouvelle année scolaire commence, faisons de la recherche-action :

Suggestion pour une utilisation de Twitter en classe

  • Chaque élève et l'enseignant créent son compte Twitter, ainsi qu'un hashtag /page twubs pour le cours.
  • Chacun créer sa liste de suiveurs/suivis, qui sera la liste des membres de la classe.
  • Au fur et à mesure que l'enseignant présente son cours, les jeunes peuvent twitter leurs questions, commentaires (selon la capacité d'attention de la classe, les tweets seront ou non affichés sur un écran dans la classe). Indiquer « + » au début du commentaire, si celui-ci illustre plus avant un point du cours, « - » si le commentaire l'infirme, « / » si l'on souhaite ajouter un nouvel angle à la question, « ? » si l'on a un problème de compréhension.
  • Chaque élève devrait essayer de poser des questions de façon équitable dans les trois premières rubriques.

Effets escomptés :

  • Certains élèves seront moins gênés pour poser des questions durant le cours.
  • Grâce aux « ? », l'enseignant pourra localiser les points de difficulté dans son cours. (durant le cours, il pourrait y avoir un « rapporteur » chargé de faire signe à l'enseignant à chaque fois qu'il voit apparaître un « ? » dans les tweets).
  • Les commentaires « + », pourront être utilisés par l'enseignant pour enrichir son cours la prochaine fois qu'il l'exposera. L'enseignant peut aussi demander au jeune qui a fait le commentaire de le présenter au cours suivant, en guise de mise en route.
  • Pour les commentaires « - » et « / », l'enseignant pourrait demander à la personne qui l'a fait (ou à ceux que ça intéresse) d'en faire une démonstration structurée, et de la placer sur une page blog dédiée au cours. Les commentaires « - » et « / » peuvent eux aussi servir de mise en route pour le cours suivant.
  • L'enseignant pourra aussi repérer comme « favori » (une fonctionnalité disponible sur Twitter), les tweets qui lui ont permis d'enrichir son cours.

Et si vous vous lancez dans l'aventure, ou si vous hésitez à le faire, partagez vos reflexions avec la communauté enseignante : la section « commentaires » de ce blogue est là pour garder la trace de ce « réseau pensant » !

En guise de conclusion…

« J'écoute : j'oublie ; je lis : je retiens ; je fais : je comprends » (Proverbe chinois)