Et si un jour l’un de vos enfants décidait de vous poursuivre pour avoir mis en ligne, sur Facebook ou ailleurs, des photos de lui sans son consentement ? Scénario de pure sciences fictions, pourrions-nous penser! Ou, au contraire, une situation qui pourrait bien faire partie du paysage de la normalité d’ici quelques années si l’on se fie à un article sur lequel je suis tombée récemment dans La presse. Ce dernier citant un autre article paru quant à lui, un peu plus tôt, sur le site internet du journal Britannique The Guardian. Ces deux articles ayant en commun d’exposer sur un ton plus ou moins alarmiste ce risque auquel tout parent pourrait bien être confronté au cours des prochaines années si nous n’y prenons garde.
Ces articles ont, je l’avoue, fait particulièrement écho pour moi, me remémorant un autre article sur lequel j’étais tombée il y a quelques semaines dans le Cosmopolitan. Et qui racontait lui, mais peut-être l’avez-vous lu, comment deux petites sœurs de deux et trois ans étaient devenues en l’espace de quelques mois de pures reines de beauté sur Instagram. Un compte créé pour elles et géré par leur mère en leurs noms. Et qui, au moment de la publication de l’article, comptait déjà pas moins de 16,000 « followers »…
De la pure folie, n’ai-je pu m’empêcher de penser !
N’empêche, la question m’a semblé devoir se poser ! Est-ce qu’en tant que parent, parfois un peu trop fiers de nos enfants comme tous les parents du monde, nous n’abusons pas parfois de cette utilisation de l’image de nos enfants? Sous estimant ainsi l’impact de cette tendance possiblement lourde pour leur futur ?
Car il est indéniable qu’au-delà de cette question de l’hyper sexualisation de nos jeunes, un sujet que j’ai par ailleurs déjà abordé ici, la question qui se pose c’est un peu beaucoup également celle qui concerne les conséquences de ces partages numériques « légèrement » prématurés, à ce qu’il me semble. Parce que, comme nous le savons tous, ces contenus, une fois publiés, sont presque impossible à retirer d’internet. Mais surtout, que ces photos prises à deux ou trois ans, à la façon de Taylor Swift et Selena Gomez avec maquillage, sacs de luxe et poses sexy sembleront peut-être gênantes dans un avenir pas si lointain. Lorsque les petites filles devenues grandes voudront postuler un emploi par exemple.
Et clairement, on ne parle même pas ici de cette éventuelle difficulté à laquelle le parent sera forcément confronté le jour où il voudra réprimander son ado pour ses comportements sur internet et les médias sociaux. Par exemple, en partageant à outrance des contenus sans soucis de ce qui est approprié ou pas. En ne respectant pas les contenus des autres. Cela alors que lui-même, le parent, aura passé outre les règles officielles en créant un ou des comptes au nom de son enfant de moins de 13 ans, sur Facebook ou ailleurs.
Certains jeunes en effet, et comme on le rapporte justement dans cet article publié sur le site internet de Elle, s’inscrivent sur Facebook avec l’aide de leurs parents qui truandent leur âge pour leur permettre d’être eux aussi sur Facebook alors qu’ils n’ont parfois même pas dix ans. Et cela, en dépit des règlements qui en général, en balisent l’utilisation aux 13 ans et plus. Des comptes sur lesquels par ailleurs on retrouve parfois des jeunes filles qui déjà à dix ou douze ans publient sur Facebook des photos aguicheuses. Dans certains cas avec l’accord de leurs parents qui vont parfois même jusqu'à les encourager avec leurs commentaires, comme on le racontait si justement sur Atlantico.
C’est incontestable que nous sommes des modèles pour nos enfants. Et que par conséquent, ils apprennent en observant nos comportements. Alors quand on sait qu’aujourd’hui, selon une étude britannique, un bébé sur huit, à peine né, aurait déjà un compte sur un réseau social, on est en droit de se questionner ! Et à mon sens, il est là le défi! Dans cette importance incontournable de se conscientiser en tant que parent sur la nécessité d’imposer des règles à son enfant.
Mais surtout, de soi-même s’y conformer afin de donner un exemple qui puisse sembler concordant, entre ce qu’on dit et ce qu’on fait.
S’il est évident que la technologie nous permet aujourd’hui de produire et partager une quantité phénoménale de souvenirs liés à l’évolution de nos enfants. Il est tout aussi clair que parfois, ce culte de l’image va trop loin! Comme c’est sans doute le cas pour ces petites filles dont je vous parlais en début de billet. Or, certains parents, c’est l’évidence, semblant en effet avoir un peu trop confiance en internet et ses dérivés. Pleins de bonnes intentions mais un peu inconscients, je dirais, d’entre les mains de qui ces photos pourraient avoir le malheur de tomber…
Et il ne faut pas oublier que les risques, même s’ils ont parfois l’air un peu abstraits et hypothétiques, n’en sont pas moins bien réels.
Mais, il y a sans doute un élément qui est peut-être plus important encore à considérer dans tout ce questionnement d’afficher ou pas les photos de nos enfants sur internet. Et cet élément, à mon avis, c’est que le fait que publier ces photos sans d’abord nous questionner, ça nous fait peut-être perdre là la meilleure occasion qui soit d’apprentissage, tant pour le parent que nous sommes, que pour notre enfant. Car il est indéniable que de prendre le temps de demander à notre enfant «Est-ce que c’est correct que je publie cette photo de toi?», ou encore, «Penses-tu que tu sentiras de la même façon en voyant ces photos dans plusieurs années, lorsque tu seras grand?», c’est une occasion en or de transmettre cette idée que c’est important et nécessaire d’obtenir le consentement de quelqu’un avant d’afficher sa photo ou que ce soit.
Au final, en tant que parent, la meilleure règle que nous puissions nous-même nous imposer, c’est peut-être justement de réaliser que si nous ne croyons pas que notre enfant est en mesure de donner son consentement valable (parce qu’il est trop jeune pour comprendre, par exemple), c’est peut-être mieux de n’afficher sa ou ses photo(s) qu’à l’intérieur d’un réseau d’amis. Ou de ne carrément pas les afficher du tout.
Clairement, en tant que parent, il faut donc être d’autant plus vigilant qu’à notre époque, les réseaux sociaux renvoient constamment les jeunes à leur image. Devant l’écran, c’est un peu tragiquement tout le rapport à l’intimité et à la pudeur qui se trouve ainsi bafoué. Comment pourrait-il en être autrement, je me le demande, pour ces jeunes à qui on reproche d’en montrer trop? Alors que la vérité est que leurs propres parents les ont déjà montrés sous toutes leurs coutures, et cela avant même qu’ils n’aient émis leur premier cri!
La question est peut-être alors de savoir comment espérer d’eux qu’ils soient en mesure de juger de ce qui se fait ou ne se fait pas alors que toute leur vie, leur image a été publiée et partagée sur les réseaux sociaux par ces mêmes parents qui voudraient maintenant qu’ils en montrent moins.
Aussi, je me dis que, peut-être qu’au-delà de toutes les formations qui pourraient être pensées pour faire de nos jeunes des citoyens numériques responsables, l’importance serait-elle avant toutes choses de mettre en place un discours de prévention.
À l’usage des parents celui-là.
Pour aller plus loin :
Un guide sur les médias sociaux et vos enfants
Sur la question du consentement :
Conseils d’utilisation des médias sociaux :