La nétiquette à l’heure de la pandémie

Marie-Josée ArchambaultCe qu’il y a de fascinant avec l’adolescence je trouve – celle de nos ados en particulier, parce qu’en tant que parent, on est amené à l’observer de près – c’est qu’une situation qu’on pensait sous contrôle une journée peut s’avérer nécessiter certains ajustements du jour au lendemain. Aussi, je pense que d’avoir un adolescent à la maison, c’est un peu avoir cet immense privilège de voir en direct et à la seconde précise ce moment venu d’aborder certaines questions précises avec notre adolescent.

Parfois, comme pour les questions liées à la sexualité, ça peut s’avérer déstabilisant, qu’on se le dise!  Mais à d’autres moments, comme je l’ai vécu il y a quelques semaines, on comprend d’un coup que le moment est venu d’avoir «la» conversation. Celle traitant de savoir-vivre sur les médias sociaux et dans le monde numérique en général.  Car alors que nous pensions avoir appris à notre jeune les règles minimales de savoir-vivre, on découvre que tout un pan de la question avait été oublié. Un autre angle tout aussi essentiel, je dirais. Celui de la citoyenneté numérique, un domaine qui m’apparaissait un peu abstrait, je l’avoue, lorsque j’étudiais en Analyse des médias à l’université il y a longtemps. Mais qui prend tout son sens aujourd’hui dans notre monde bombardé d’écrans, de rencontres virtuelles en Zoom et de cours donnés sur Teams.

Si dans le temps de nos parents, l’étiquette c’était l’équivalent de règles rigides de bienséance permettant d’évoluer dans le monde, aujourd’hui on parle plutôt de «nétiquette». Un terme formé de l’assemblage des mots «Net» et «étiquette» qui comme défini par l’Office de la langue française du Québec, se  résumerait un peu par  cet ensemble de conventions de bienséance qui devraient régir nos comportements sur internet et autres univers numériques. Ce qui inclut évidemment les échanges sur les médias sociaux ou au moyen de courriels, textos et autres modes de communication instantanée dont notre monde moderne est plutôt friand.

En bref, la Nétiquette c’est l’équivalent d’un véritable guide du savoir-vivre en ligne qu’on a, de façon générale, trop souvent tendance à banaliser je trouve. Il suffit d’ailleurs de se promener un peu sur internet et dans certains forums pour réaliser à quel point l’aire publique ressemble trop souvent à une cour d’école…. Ça ne vole pas toujours très haut quand il est question de politesse, de savoir-vivre et de respect, qu’on se le dise! Aussi, avec les insultes et l’agressivité que l’on retrouve de plus en plus en ces lieux et qui sont parfois presque palpables sur les médias sociaux, on peut aisément comprendre cette importance renouvelée de remettre au goût du jour une certaine forme d’éducation à la politesse, cette chère Netiquette comme on l’appelle maintenant.

Il y a quelques semaines donc, j’ai compris que mon adolescent était passé en l’espace d’une seconde et quart à une autre étape. Celle de l’hyper socialisation. Vous savez! Ce moment où notre adolescent, en temps normal et hors pandémie, se serait mis à avoir l’air d’un fantôme tellement il est souvent parti «chiller on ne sait où avec ses amis». Mais situation qui en temps de Covid, de restrictions sanitaires, de couvre-feu et autres limitations de nos déplacements impose forcément certaines discussions qui ne manquent pas de provoquer certaines étincelles, disons-le ainsi.

D’un côté les limitations qu’implique un couvre-feu. De l’autre, comme cela s’est justement produit chez nous, les amis qui arrivaient devant notre porte une demi-heure avant l’échéance du couvre-feu et qui se mettaient soudainement à texter frénétiquement l’ado pour qu’il aille les rejoindre sur le champ. Le but ? Aller «chiller» quelque part bien sûr, marcher jusqu’au Centre d’achats le plus proche venant en tête de liste. L’idée qu’un samedi soir les centres d’achats soient fermés, et qu’en tant de pandémie surtout, il faille oublier l’idée même de traîner dans un centre d’achats en plein jour ne leur avaient même pas effleuré l’esprit!

N’empêche! Je me suis retrouvée d’un côté du ring comme la mère qui semble dire non juste pour dire non. Et de l’autre, les amis qui tentaient de convaincre l’ado… qu’il avait des parents trop sévères («Ben voyons donc, moi je vais où je veux depuis que j’ai neuf ans!»)… Et, au milieu bien sûr, l’adolescent déchiré entre son désir d’écouter nos consignes… et sa crainte d’avoir l’air, aux yeux de ses amis, de trop écouter ses parents… Parce qu’évidemment, la pire des choses au monde pour un adolescent, avouons-le, c’est clairement d’avoir l’air trop docile n’est-ce pas ? Aucun ado au monde ne veut ça, c’est clair!

Bref! Ça a été une belle occasion que j’ai saisie au bond d’aborder avec lui la nécessité de réfléchir, de ne pas nécessairement se conformer à la pression des autres, de prendre soi-même des décisions pour soi. Et cela, peu importe ce que les autres en pensent.

Mais surtout, une super occasion d’aborder avec lui le fait que cette façon d’écrire des textos en majuscules comme le faisaient ses amis, de lui envoyer le même message plus de cinquante fois pour lui mettre la pression, c’était un peu équivalent à du harcèlement en ligne. Que ce n’était pas acceptable. Et qu’il fallait vraiment mettre ses limites.

La mère que je suis a au passage compris une chose avec cette expérience finalement très banale dans la vie de n’importe quelle famille. Je ne pourrai définitivement pas contrôler tout ce que fera mon fils dans sa vie ainsi que dans ses relations avec les autres. Mais si, à travers nos discussions, je peux l’emmener à se poser les bonnes questions, à développer son sens critique et à n’avoir pas peur de prendre des décisions pour lui, je pourrai dormir sur mes deux oreilles avec l’assurance qu’il pourra faire face à toutes les situations que la vie numérique l’emmènera à vivre.

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