Écrans et adolescents, trouver un juste milieu entre l’interdiction et la consommation saine : la version moderne du Saint-Graäl

Marie-Josée ArchambaultQu’on se le dise!

Être parent aujourd’hui, c’est loin d’être toujours simple! Il suffit en effet de penser à toutes ces injonctions qui nous sont faites constamment, parmi lesquelles nous nous retrouvons désormais à devoir légiférer en plus sur la consommation des écrans par nos chers ados!

Je l’avoue, je suis en plein là-dedans avec mon fils de douze ans, bientôt treize.

Il me semble en effet que plus de 90 % de nos échanges consistent à tenter de contrôler cet abysse numérique dans lequel celui-ci menace toujours d'être aspiré, un peu comme dans un trou noir sans fond. Et moi, comme un perroquet, à répéter encore et encore des « lâche ton écran! », « Viens souper! » et « Ça suffit! ». Petites phrases répétées une quantité infinie de fois et sur tous les tons, jusqu’à ce que j’explose!

Et je ne me fais pas d’illusion! Je suis tout à fait consciente que je suis loin d’être la seule dans cette situation comme je l’ai réalisé en discutant avec des amies, elles-aussi mères d’ados « drogués de numérique »!

Car le problème est bien loin de se limiter à la sphère familiale, comme je l’ai découvert il y a quelques semaines. Une amie me racontait justement qu’elle avait reçu un message de la direction de l'école secondaire de sa fille, rappelant « chaudement » aux parents l’importance et le bien-fondé de garder les tablettes et autres modes de communication numérique hors de la chambre des jeunes. Cela après qu’une nuit, le système internet de l’école eut littéralement disjoncté pour cause de trop nombreux messages échangés, au moment où ils auraient pourtant du dormir.

La raison de cette surabondance d’échanges en pleine nuit? L’Événement avec un « E » majuscule dans la vie de bien des ados. Deux étudiants ayant rompu et dont la fin de l’amourette est instantanément devenu le sujet viral de l’heure, alimentant les discussions en ligne une bonne partie de la nuit... Au point, d’une façon un peu surréaliste, de saturer le réseau à la vitesse d’une épidémie de grippe!

Je me dis qu’entre le bannissement total des écrans pour les enfants, comme le prône un certain courant de pensée que l’on retrouve sur internet, et le bar ouvert sans restriction, il doit bien exister un juste milieu. Mais la vérité c’est que trop souvent, devant mon ado qui ne semble jamais à court d’argument pour prolonger « quelques minutes encore » ce qui était pourtant une limite connue de son temps d’écran, je fini parfois par penser que c’est un peu un éternel combat. Car après avoir répété trois cent fois à mon fils de laisser de côté son écran – tablette, émission de télé, jeu sur téléphone – il m’arrive de me dire que c’est un peu comme le mythe de Sisyphe, un éternel recommencement, rien de moins que la plus grande absurdité qui soit.

Et honnêtement, ça ne me console pas tellement de savoir que je ne suis pas la seule dans cette situation.  

HabiloMédias a mis en ligne récemment un très intéressant rapport sur lequel je me suis penché. Intitulé Le bien-être numérique des familles canadiennes, celui-ci a été produit suite à un sondage effectué sur un échantillon de parents d’enfants de la naissance à quinze ans et portant justement sur les utilisations et activités numériques de ces derniers. Et qu’on se le dise! Le rapport est sans appel pour démontrer que je suis bien loin d’être la seule à trouver difficile cette « gestion » de la consommation numérique familiale!

Quelques faits plutôt questionnants que cette étude met en lumière :

  • 3 familles sur 4 possèdent un appareil mobile (ordinateur, tablette, téléphone intelligent, etc.);
  • Au quotidien, ça se passe surtout avec le téléphone intelligent;
  • Ça commence tôt : 42 % des enfants de 0 à 4 ans ont déjà leur propre téléphone intelligent (et je souligne ici : il n’y ont pas seulement accès, ils ont le leur!). Pour les enfants en général (tous âges confondus), on parle de 53 % soit une majorité - qui déclare avoir son propre accès;
  • Inévitablement, les parents se sentent obligés d’être restrictifs en ce qui a trait au temps d’utilisation des écrans. Au point de culpabiliser parce qu’ils n’y arrivent vraisemblablement pas toujours. 43 % des parents rapportant en effet que la plus grande source de conflits est justement – O surprise! – l’utilisation excessive des appareils numériques.

En parcourant cette étude, je me suis fait cette réflexion que décidément, en tant que parents, nous ne sommes pas sortis de l’auberge tant le problème semble dépasser l’anecdotique ! Cela, en même temps qu’il est difficile de s’y retrouver et du même coup, de trouver la solution parfaite à cet envahissement de nos vies par les écrans, et, de plus en plus tôt celle de nos enfants. Et je ne parle même pas ici de tous ces articles qui viennent tour à tour nous prévenir contre les ravages potentiels d’une consommation excessive des écrans. Puis, nous dire, comme dans ce rapport, que le temps passé sur les écrans ne serait finalement peut-être pas si dramatique. À peine plus dommageable que de manger des pommes de terre…. Et que finalement, nous paniquons peut-être trop en pensant à la question.

Misère!

Face à tous ces questionnements qui viennent inévitablement avec le fait de devoir réglementer l’utilisation familiale des écrans, j’ai parfois le sentiment que les solutions concrètes ne sont pas si nombreuses qu’on le voudrait bien. Et que, parmi l’abondance d’articles portant sur la question que l’on commence à retrouver, notamment sur internet tout autant que dans les livres dédiés à la question, il ne semble finalement pas y avoir vraiment de solution miracle, du genre qui soit vraiment efficace. Une abondance d’information qui, qu’on se le dise, affirme une chose et son contraire. Au point de donner constamment à la mère que je suis ce sentiment d’être inadéquate.  Et le défi il est là je pense, tout entier. Réglementer, sans devenir fous. Et surtout, sans que ça devienne un stress permanent.

Sur son site internet, HabiloMédias a justement préparé une fiche-conseils proposant quatre conseils pour parvenir à mieux gérer le temps d’écran des plus jeunes. On propose ici de notamment minimiser le temps d’écran chez les plus petits; d’aider les plus vieux à comprendre que la capacité de gérer son utilisation des écrans est rien de moins qu’une question de santé et d’hygiène de vie, au même titre que le brossage des dents après les repas. Et enfin, d’établir des limites – ah ces fameuses limites auxquelles on revient toujours !

« Maman, j’ai lâché ma tablette, est-ce que je peux regarder la télé maintenant? »

Hum! Soyons Zen!

Et on revient au point de départ !

En fin de compte, c’est l’évidence qu’on ne reviendra pas en arrière et que par conséquent, il faut apprendre à vivre avec les écrans. C’est pourquoi je suis d’avis que plutôt que d’interdire, il est sans doute préférable de rechercher des moments, dans le genre « zones numériquement imperméables », pendant lesquels nous convenons en famille de vivre dans le réel, et sans écrans. Pour ma part, j’ai fini par me dire que si nous pouvions à tout le moins établir des règles visant à au moins prendre nos repas ensemble, et, après le souper de choisir de garder les écrans fermés, ce serait déjà une réelle victoire.

Parce qu’il faut choisir nos combats, n’est-ce pas ? Et que surtout, il faut commencer quelque part.

Pour aller plus loin si la question vous intéresse :