Conseils en matière de sécurité dans les médias : Adolescents
Deux idées importantes concernent les adolescents : le public imaginaire et la fable personnelle. Le public imaginaire les amène à surestimer l’attention que les autres leur prêtent, ce qui les conduit à prendre davantage conscience de leur propre personne et à considérer la vie privée principalement d’un point de vue de gestion de l’impression, c’est-à-dire qu’ils essayent de contrôler la façon dont les autres les voient. La fable personnelle amène les adolescents à se considérer comme le personnage principal d’une histoire et, par conséquent, à croire que les malheurs ne leur arriveront tout simplement pas.
Les adolescents sont conscients des problèmes du « monde réel » et souhaitent généralement contribuer à trouver des solutions. Ils aiment devenir compétents dans des activités d’adultes et démontrer leurs compétences.
Risques liés aux médias
Les risques auxquels les enfants sont exposés dans les médias se répartissent en quatre catégories :
- les risques liés au contenu, lorsque les enfants sont exposés à des contenus préjudiciables comme la violence, la haine et les médias sexualisés, ou qu’ils s’y engagent;
- les risques liés au comportement, qui découlent de ce que font les enfants ou de leurs interactions avec d’autres utilisateurs;
- les risques pour les consommateurs liés à l’argent, à la publicité et à la collecte de données;
- les risques liés aux contacts avec d’autres personnes.
Contenu
Les adolescents s’engagent plus activement dans les médias que les enfants plus jeunes. Ils ont une grande variété d’activités et choisissent parmi une plus grande variété d’œuvres médiatiques, et sont plus susceptibles de sélectionner des médias pour eux-mêmes en fonction de leurs propres besoins. Parallèlement, les choix médiatiques individuels sont plus importants pour l’identité des adolescents qu’ils ne le sont pour les enfants plus jeunes.
Le modèle de pratique des médias de Jane Brown suggère qu’il existe un cycle dans lequel les préférences et l’identité des adolescents les amènent à choisir et à interagir avec des œuvres médiatiques en particulier. Ils appliquent ensuite ces œuvres médiatiques à leur vision d’eux‑mêmes et du monde, en copiant ou rejetant possiblement ce qu’ils ont vu. Ils développent ainsi leur identité, les incitant à sélectionner d’autres œuvres médiatiques.
Les médias sociaux ont le plus grand impact sur le bonheur des garçons au début (14 à 15 ans) et à la fin (19 ans) de cette période. Ils ont moins d’effet sur les filles au début et au milieu de cette période, mais leur impact augmente à partir de l’âge de 19 ans.
Les médias influencent particulièrement l’identité des rôles de genre à cet âge. Bien qu’ils ne soient pas des destinataires passifs des messages médiatiques, ils s’inspirent souvent des médias pour trouver des « scénarios » sexuels ou romantiques à suivre, qui peuvent inclure des scénarios romantiques malsains (comme la possessivité) ou sexuels tirés de médias explicites, y compris la pornographie.
C’est à cet âge qu’ils sont les plus susceptibles de rechercher des informations et un soutien en matière de santé mentale. Ils peuvent rechercher des contenus liés à des comportements à risque (drogues, tabac, troubles alimentaires, etc.) et également se voir recommander ces contenus par des algorithmes.
Comportement
Les adolescents ne sont pas nécessairement plus susceptibles de prendre des risques que les plus jeunes. Ils sont exposés à davantage de risques et sont plus influencés par leurs pairs que les enfants plus jeunes. Toutefois, les considérer comme des « preneurs de risques stéréotypés » peut les amener à prendre des risques. Ils sont plus confiants dans leur identité que les préadolescents, mais par conséquent, ils peuvent être influencés par les groupes ou les sous-cultures dans lesquels ils ont trouvé leur place.
À cet âge, ils commencent à prendre conscience de l’influence de la conception des outils médiatiques sur la manière dont ils les utilisent et des difficultés de communication qu’ils peuvent engendrer. Ils sont très sensibles aux signaux sociaux envoyés par les différentes fonctionnalités des applications (suivre, aimer, etc.). Ils développent des normes sociales fortes relatives à leur utilisation et ressentent souvent certaines obligations envers leurs amis et leurs pairs, ce qui peut les empêcher de dormir suffisamment puisqu’ils ont souvent l’impression qu’ils doivent être disponibles à tout moment pour soutenir leurs amis ou leur répondre.
Contact
La plupart des groupes de pairs des adolescents sont établis et davantage influencés par leurs pairs que les adultes. Les jeunes timides ou peu confiants peuvent commencer à préférer passer du temps avec des personnes en ligne plutôt que hors ligne.
Bon nombre d’entre eux commencent à nouer des relations amoureuses, ce qui peut engendrer de nouveaux défis. Ils doivent apprendre à fixer des limites appropriées en matière de confiance et de respect de la vie privée.
Les jeunes de cet âge sont les plus susceptibles d’avoir rencontré en personne quelqu’un qu’ils ont d’abord connu en ligne (1 sur 5 l’a fait, contre 1 préadolescent sur 10, et seulement 1 enfant de moins de 11 ans sur 20). Dans la plupart des cas, les jeunes disent que cette expérience est positive pour eux, mais lorsqu’elle tourne mal, elle peut être très dangereuse.
Consommateur
Même à un stade avancé de l’adolescence, les enfants comprennent encore mal la collecte de données par les entreprises et ses répercussions, ainsi que la longue « portée » que leur présence en ligne peut projeter. Ils se concentrent sur le contrôle des publics connus (parents, amis, etc.), mais ne savent généralement pas quelles informations les applications et les sites Web recueillent eux-mêmes, combien de temps ils les conservent, ni ce qu’ils peuvent en faire.
À cet âge, ils sont très vulnérables au marketing d’influence. Ils ne réalisent peut-être pas à quel point les publicités qu’ils voient sont influencées par leur profil de données.
Bon nombre d’adolescents sont également exposés à des publicités pour des jeux d’argent, mais ils ne comprennent pas les risques et les coûts de ces jeux d’argent.
Conseils de sécurité
Il existe quatre stratégies principales pour aider les enfants à devenir plus résilients face aux risques en ligne. Nous pouvons :
- sélectionner les expériences médiatiques de nos enfants;
- contrôler qui peut accéder à nos enfants et à leurs données;
- co-visionner les médias avec nos enfants;
- encadrer l’utilisation des médias de nos enfants.
Sélectionner
Les filtres ne fonctionnent pas bien à cet âge, à moins que les adolescents n’aient participé à leur mise en place. Près de la moitié des adolescents prennent des mesures pour éviter de voir de la pornographie ou d’autres contenus inappropriés en ligne. Il est donc utile de leur montrer comment utiliser les filtres eux-mêmes ainsi que les termes de recherche et les paramètres de contenu (p. ex. le mode restreint sur YouTube ou TikTok). Assurez-vous qu’ils connaissent des sources d’information de qualité sur une sexualité saine, comme lesexeetmoi (une ressource offerte par la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada) et About Sex de la CBC. C’est aussi la période où les enfants sont susceptibles d’éprouver des problèmes de santé mentale. Assurez-vous donc qu’ils connaissent les ressources en matière de santé mentale comme Mind Your Mind et les services de consultation comme Jeunesse, J’écoute.
De nombreux réseaux sociaux offrent par défaut une expérience plus sûre aux jeunes adolescents. Il est donc important de s’assurer que les enfants donnent leur âge exact lorsqu’ils s’inscrivent. Vous pouvez également aider les adolescents à apprendre à sortir du « piège » de contenus malsains en faisant en sorte que les algorithmes de recommandations, comme la barre « Vidéo suivante » de YouTube et la page « Pour toi » de TikTok, oublient ce qu’ils savent d’eux et s’entraînent à leur montrer des contenus plus sains.
Vous pouvez également les aider à refuser d’avoir des appareils dans leur chambre la nuit : comme ils se sentent obligés de rester en contact avec leurs amis, ils aimeront peut-être que vous jouiez le rôle du méchant. Si vous modifiez les règles concernant les heures d’utilisation des appareils, ou si vous leur retirez un appareil en raison de leur comportement, donnez-leur la possibilité d’en informer leurs amis afin que ces derniers ne pensent pas qu’ils les « abandonnent ».
Contrôler
Examinez les paramètres de confidentialité et de collecte de données de leurs appareils et applications. Rappelez-leur de le faire chaque fois qu’ils acquièrent un nouvel appareil ou téléchargent une nouvelle application. S’il s’agit d’un appareil iPhone, allez dans les réglages, puis dans le menu « Confidentialité et sécurité », puis « Suivi » et désactivez l’option « Autorisation du suivi par les apps ». Sur un téléphone Android, téléchargez l’application DuckDuckGo et activez la protection contre le suivi des applications. Montrez à vos enfants comment procéder et explorez ensemble de quelle façon vous pouvez limiter la collecte de données sur d’autres applications, navigateurs et sites Web.
Aidez-les à réfléchir à la manière dont ils souhaitent être perçus par leurs futurs publics et commencez à bâtir un « curriculum vitæ en ligne » qui met en valeur leurs loisirs, leur travail bénévole, leur créativité, etc.
Co-visionner
Bien qu’ils soient de plus en plus indépendants, les adolescents sont plus susceptibles que leurs parents de dire qu’ils s’intéressent à des expériences en ligne partagées.
Les adolescents se font une idée précise des relations qu’ils sont censés entretenir à partir des médias. Soyez attentifs aux contenus qu’ils regardent, auxquels ils jouent et qu’ils écoutent et soyez prêts à parler de la façon dont ces contenus dépeignent les relations amoureuses et les stéréotypes de genre. Les enfants qui voient dans les médias des relations de violence physique ou psychologique sont plus susceptibles d’être violents envers leur partenaire. Parlez à vos enfants de la représentation des relations amoureuses dans les médias et des stéréotypes de genre. Parler des rôles de genre peut aider les jeunes à résister à la pression de leur partenaire et de leurs pairs qui les incitent à envoyer des photos de nature sexuelle à leur partenaire ou à les partager avec leurs amis.
Les enfants de cet âge commencent souvent à regarder volontairement des films d’horreur et d’autres contenus dérangeants, et sont également susceptibles de voir du matériel dérangeant sans le chercher. Mieux ils comprennent comment les médias sont créés, plus ils sont capables de gérer leurs expériences, mais ils doivent aussi savoir qu’ils peuvent toujours venir vous voir s’ils voient des contenus qui les perturbent.
Encadrer
Les adolescents doivent apprendre à évaluer les risques et à reconnaître les facteurs qui les rendent plus susceptibles d’adopter des comportements à risque. Ne partez pas du principe que tous les adolescents prennent des risques ou sont incapables de prendre de bonnes décisions : cette approche pourrait influencer la façon dont ils se perçoivent et les amener à prendre plus de risques qu’ils ne l’auraient fait autrement. S’ils connaissent un moyen sûr de faire quelque chose qu’ils veulent faire, ils préféreront généralement ce moyen à un autre plus risqué.
Ne pensez pas que les enfants n’ont plus besoin d’être guidés une fois qu’ils ont atteint la fin de l’adolescence. C’est à la fin de l’adolescence que les médias sociaux ont le plus d’impact sur le bonheur des enfants. Il s’agit d’une autre période d’indépendance accrue, et des changements importants surviennent souvent dans leurs réseaux sociaux hors ligne. C’est aussi la période où ils sont le plus susceptibles de vouloir faire une différence positive en ligne. Demandez-leur de quelle façon leurs influenceurs ou youtubeurs préférés ont fait une différence en ligne (ou hors ligne). Discutez des choses qui sont considérées comme normales ou qui sont récompensées dans leurs espaces en ligne. Sont-ils d’accord? Si ce n’est pas le cas, que peuvent-ils faire pour changer les choses?
Même à l’adolescence, les règles établies à la maison ont une influence sur le comportement des enfants en ligne. Ces règles doivent être moins axées sur des routines et des procédures spécifiques que sur des valeurs et des principes généraux comme « être gentil avec les autres en ligne » et « réfléchir à deux fois avant de partager une photo avec n’importe qui ». Il est également important de se méfier de la « surcorrection », c’est-à-dire assouplir les règles pour ensuite les resserrer dès qu’un problème se présente. Les conflits n’en seront que plus nombreux avec les enfants et ces derniers seront moins susceptibles de respecter les règles.
Les adolescents sont susceptibles de surestimer à la fois les risques et les avantages possibles de toute action. Ils surestiment également le nombre de leurs pairs qui font la même chose qu’eux. Lorsque vous leur parlez de risques, concentrez-vous sur les conséquences qui semblent probables et directement pertinentes. La neuroscientifique britannique Sarah-Jayne Blakemore donne comme exemple le fait d’avertir les adolescents que fumer « donne une mauvaise haleine ou met les plus jeunes enfants en danger. » Comme ils sont très attachés à leur nouvelle indépendance, ils « réagissent aussi à l’idée qu’il s’agit d’une industrie pour adultes qui les exploite pour gagner de l’argent ».
Assurez-vous que les adolescents comprennent ce qu’est une relation saine et malsaine et l’importance de ne pas se sentir obligés de faire des choses qu’ils ne veulent pas faire, comme prendre des photos explicites d’eux-mêmes. Dites-leur qu’il n’y a jamais de bonne raison de partager une photo ou une vidéo intime ou embarrassante sans l’autorisation de la personne qui y figure.
Expliquez-leur pourquoi il est répréhensible que des adultes aient des relations sexuelles ou amoureuses avec des mineurs et assurez-vous qu’ils comprennent que les prédateurs en ligne ne sont souvent pas des « étrangers », mais des personnes qu’ils connaissent déjà et qui utiliseront des outils numériques pour communiquer en privé avec eux. Aidez-les à reconnaître les « signaux d’alarme » qui suggèrent qu’une personne en ligne, qu’il s’agisse d’une personne rencontrée en ligne ou qu’ils connaissent déjà hors ligne, pourrait les manipuler psychologiquement pour les préparer à une relation sexuelle :
- en les complimentant, en particulier sur leur apparence;
- en leur demandant de communiquer en privé ou de les rencontrer en personne;
- en intégrant le sexe ou des sujets à caractère sexuel à la conversation;
- en partageant ou en leur proposant de partager des images à caractère sexuel, soit de la pornographie ou des photos explicites;
- en leur demandant de ne pas parler de la conversation ou de la relation à leurs parents ou amis.
Vous pouvez leur donner des moyens de quitter rapidement une conversation s’ils voient l’un de ces signes, par exemple en disant à la personne que vous l’appelez. Il est également important qu’ils sachent qu’ils doivent vous prévenir si un adulte qu’ils connaissent hors ligne demande à communiquer avec eux dans un espace privé en ligne, et qu’ils ne doivent jamais rencontrer quelqu’un qu’ils ont rencontré en ligne sans vous en parler d’abord.
Les adolescents sont très conscients de l’hypocrisie. Il est donc plus important que jamais de veiller à ce que l’utilisation que vous faites des médias soit un bon exemple pour eux.
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