La peur et les médias
Fiche-conseil
Document
- Des recherches ont révélé que les enfants sont plus susceptibles d’être effrayés lorsque :
- Des personnages ont une apparence étrange ou menaçante, ou agissent de manière menaçante;
- Des personnages auxquels ils s’identifient sont menacés et se trouvent dans une situation d’impuissance
- Les parents ou tuteurs du personnages meurent ou disparaissent;
- Des situations réelles dangereuses ou effrayantes sont représentées, qu’ils aient ou non vécu ces situations eux-mêmes;
- Le danger s’introduit dans des espaces sûrs, comme une poupée prenant vie ou un enfant menacé dans sa chambre;
- De la musique et des sons signalent un danger; et
- Il y a des morts ou des blessés, même si « tout est bien qui finit bien ». Par exemple, un épisode de la série télévisée Arthur dans lequel le personnage principal avait une coupure qui s’est infectée a causé de la peur chez une fillette de sept ans, même si le personnage s’est rétabli à la fin.1
Ce qui effraie les enfants peut changer au fur et à mesure qu’ils vieillissent et qu’ils comprennent mieux les différences entre l’imaginaire et la réalité. Voici un guide rapide de ce qui fait le plus peur aux enfants selon leur âge :
- Les 3 à 5 ans : cette tranche d’âge est la plus effrayée par ce qui paraît effroyable ; que la chose soit vraiment dangereuse – ou même réelle – a beaucoup moins d’importance. Un animal, une personne ou une chose qui a l’air effrayant dans l’obscurité est ce qui a le plus d’impact. Comme ils ne sont pas encore capables de distinguer la réalité de l’imaginaire, les sorcières, les fantômes, et les monstres (même les versions en bande dessinée qui font rire les plus vieux) peuvent leur sembler très effroyables. Des personnages qui sembleraient simplement étranges aux enfants plus âgés peuvent être effrayants pour les plus jeunes, comme les bananes humanoïdes dans Les bananes en pyjama. Les enfants de cet âge ne comprennent pas non plus la plupart des indices médiatiques qui sont utilisés pour montrer que certaines scènes ne doivent pas être prises au pied de la lettre, comme un écran flou avant une séquence de rêve, de sorte qu’ils peuvent être effrayés par des scènes dont les enfants plus âgés peuvent se distancer et qu’ils sont tout aussi susceptibles d’être effrayés par l’animation que par les médias en prise de vue réelle.
- Les 6 à 8 ans : à cet âge, les enfants sont encore surtout apeurés par les images d’apparence horrifiante, mais ils commencent à comprendre la différence entre l’imaginaire et la réalité. Ils sont également de plus en plus intéressés par une programmation axée sur l’action, comme les films et les dessins animés de super-héros, qui peuvent contenir des éléments effrayants ou perturbants. À cet âge, les enfants comprennent mieux les relations de cause à effet et sont donc plus susceptibles d’avoir peur en anticipant une scène effrayante avant qu’elle ne se produise. Les 6 à 8 ans sont plus susceptibles que les plus jeunes de regarder des médias conçus pour les enfants plus âgés et pour lesquels ils ne sont peut-être pas prêts.
- Les 9 à 12 ans : les préadolescents ou « Préados » sont beaucoup moins susceptibles d’avoir peur d’images horrifiantes ou de créatures imaginaires ; leurs peurs sont plutôt centrées sur les dangers de la vie réelle, comme une blessure ou la mort. Les enfants de cette tranche d’âge sont plus susceptibles de craindre pour leur sécurité personnelle et pour le bien-être de leurs proches, donc il peut être très bouleversant pour eux de voir des enfants ou des parents en danger dans les médias. Ces enfants commencent aussi à consommer des médias destinés aux adultes ; ainsi, les fictions télévisées et les actualités peuvent alimenter leurs craintes, particulièrement le suspense de longue haleine, où ils peuvent prédire l’issue des mauvaises décisions d’un personnage.
- Les adolescents : les jeunes adolescents ont de nombreuses craintes communes avec les 9 à 12 ans et commencent en plus à éprouver certaines craintes qu’ont les adultes. Par exemple, ils peuvent craindre l’embarras ou l’exclusion, ou une catastrophe à grande échelle comme un désastre naturel ou une guerre. Les adolescents et les adultes qui sont de grands consommateurs de médias peuvent être atteints de ce qu’on appelle le « syndrome du grand méchant monde », qui mène à une plus grande crainte de la criminalité et à une méfiance envers les autres.2 Cela est attribuable à la quantité démesurée de criminalité violente représentée par les médias d’actualité et de divertissement, ce qui entraîne les gens à croire que ces types de crime se produisent à des taux plus élevés qu’en réalité. (Par exemple, malgré un taux de criminalité à la baisse, les grands consommateurs de télévision pensent que la criminalité est à la hausse.)3
- Les préadolescents et les adolescents sont fortement attirés par des expériences médiatiques palpitantes, car elles leur procurent du plaisir et leur permettent de se mettre à l’épreuve et de repousser leurs limites. Une expérience palpitante est une expérience qui présente certaines caractéristiques de la peur mais qui, en fin de compte, ne présente aucun danger, comme le fait de voir un personnage en danger alors que l’on sait qu’il finira par l’emporter. Les enfants plus jeunes sont moins enclins à ressentir de l’excitation, car ils n’ont pas encore acquis le contexte et la culture médiatique nécessaire pour se sentir en sécurité. Quant aux enfants plus âgés, ils peuvent parfois surestimer leur capacité à faire face à des contenus effrayants.
Ce que les parents peuvent faire
Il existe plusieurs façons d’aider vos enfants à faire face aux craintes provoquées par les médias, certaines étant toujours efficaces, d’autres dépendant de l’âge et la maturité de l’enfant :
- Encouragez vos enfants à communiquer avec vous. Les enfants ont souvent peur de se confier à leurs parents après avoir vu quelque chose d’effrayant, de peur de s’attirer des ennuis — que ce soit pour avoir regardé quelque chose que leurs parents n’approuvaient pas, ou pour avoir contourné les contrôles parentaux sur le contenu en ligne. Bien qu’il soit compréhensible d’imposer des conséquences pour avoir enfreint les règles de la maison, cela ne doit se faire qu’après avoir aidé votre enfant à gérer ce qu’il a vu. En général, s’il est venu vous voir pour vous parler de quelque chose de bouleversant qu’il a vu, une meilleure approche que la punition consistera à travailler avec lui pour l’aider à éviter qu’une telle chose ne se reproduise à l’avenir.
- Respectez leurs craintes : n’insistez pas pour que vos enfants regardent des médias qu’ils trouvent effrayants, ne les ridiculisez pas et ne dites pas qu’ils sont déraisonnable ou « bébés » s’ils ont peur. Les enfants interprètent de telles réactions en pensant qu’ils doivent vous cacher leurs craintes. Lorsque vous regardez quelque chose qui pourrait effrayer vos enfants, rassurez-les en leur indiquant que vous éteindrez l’appareil s’ils ont trop peur, et demandez-leur s’ils souhaitent que vous éteigniez l’appareil chaque fois qu’il y a des scènes effrayantes. Tout contenu médiatique peut être effrayant pour certains enfants, même des émissions pour enfants comme Arthur ou Pingu.
- Respectez la classification : les guides parentaux de classification existent pour vous. Évitez d’exposer vos enfants à des émissions de télévision, à des films ou à des jeux vidéo qui sont classés pour un âge supérieur. Si possible, prévisualisez l’émission et jugez par vous-même ; vous pouvez également demander conseil à d’autres parents ou chercher de l’information sur un film, un jeu ou une émission de télévision spécifique sur l’un des nombreux sites Internet de critique destinés aux parents. Gardez à l’esprit les types d’éléments qui effraient les enfants de son âge lorsque vous prenez votre décision : pour les plus jeunes enfants, une bande dessinée ne sera pas nécessairement moins effrayante que des scènes réelles.
- Aidez vos enfants à choisir un produit médiatique approprié pour leur âge et qui comporte des héros et des héroïnes ayant confiance en eux-mêmes et contrôlant leur peur. Des recherches ont révélé que les protagonistes étant sûrs de soi permettent aux enfants de frissonner de plaisir plutôt que de peur lorsqu’ils voient des représentations du danger. Les médias qui contiennent des éléments effrayants mais qui ont également une touche d’humour sont plus susceptibles de procurer de l’excitation que de la peur chez les enfants d’âge intermédiaire et les enfants plus âgés. (Scooby-Doo a été donné en exemple parce que bien que plusieurs personnages aient visiblement peur, certains autres personnages principaux n’en démontrent pas. De plus, les jeunes réalisent rapidement, après avoir vu quelques épisodes, que les monstres seront démasqués à la fin de l’épisode.)4
- Accompagnez-les dans leur visionnement : En expliquant les conventions des médias et des genres, comme le fait que les monstres dans Scooby-Doo ne sont jamais réels, vous pouvez aider les enfants à mieux gérer leur peur. Vous pouvez souligner comment la musique, l’éclairage et les angles de caméra peuvent rendre quelque chose effrayant, et dire des choses comme « Bien sûr qu’Harry Potter va s’en sortir, il y a encore six autres films ». Lorsque les actualités font état d’une tragédie ou d’une catastrophe, il est important de parler de ces événements avec vos enfants. (Vous pouvez consulter la fiche-conseil d’HabiloMédias Comment éviter que les jeunes soient bouleversés par la couverture médiatique de guerres ou de catastrophes pour avoir des idées de façons pour aborder ce problème). Assurez-vous que vos enfants comprennent qu’il est rare que de tels événements se produisent et qu’il est peu probable qu’ils en soient victimes.
- Favorisez l’adoption de mécanismes d’adaptation : les mécanismes d’adaptation physique, comme tenir la main ou câliner, sont des moyens efficaces de passer à travers une scène effrayante pour les jeunes enfants. Pour aider les enfants à surmonter une expérience effrayante, vous pouvez les aider à se distraire, par exemple en leur proposant de lire un livre qu’ils connaissent bien, et en leur assurant que vous êtes là pour eux s’ils ont besoin de vous.
- Aidez-les à surmonter leurs peurs : Les adultes peuvent aider les enfants à apprendre des stratégies mentales pour faire face aux contenus effrayants dans les médias. Bien que ces stratégies soient plus efficaces avec les enfants plus âgés, la plupart des enfants peuvent commencer à les développer dès l’âge de huit ans. Ces stratégies comprennent :
- en apprendre davantage sur un sujet effrayant, comme les serpents, pour mieux comprendre le contexte et se sentir plus en contrôle;
- revoir le contenu dans un contexte plus sécurisé, comme en présence des parents ou avec le son coupé;
- s’engager de manière créative avec le contenu effrayant, comme dessiner une scène où un personnage effrayant est vaincu ou imaginer que sa couverture est un bouclier invincible; et
- se rappeler que ce que l’on a vu n’est pas réel. (Cependant, les enfants plus âgés peuvent encore avoir peur des éléments réalistes d’une scène : ils peuvent savoir qu’un fantôme ne viendra pas dans leur chambre la nuit, par exemple, mais peuvent encore avoir peur que quelqu’un entre dans leur chambre).
- Encouragez le co-visionnement entre frères et sœurs et amis : les jeunes enfants admirent les plus vieux de la famille et veulent participer aux mêmes activités relatives aux médias. Encouragez les plus vieux à être compatissants à l’égard des craintes de leur petit frère ou de leur petite sœur et de les réconforter en leur tenant simplement la main ou en leur faisant un câlin. Aussi, demandez-leur de tenir compte de leur petit frère ou leur petite sœur dans leur choix de visionnement. La présence d’amis et de membres de la famille aide l’enfant à se souvenir qu’il est en train de regarder quelque chose, et a une influence majeure sur le fait que le contenu soit effrayant ou excitant.
- Fournissez des directives de sécurité : si les enfants développent une crainte spécifique, comme la peur de se noyer, indiquez-leur des règles de sécurité ou inscrivez-les à une formation qui les aidera à accroître leur sentiment de contrôle. (Ne les forcez pas à continuer si cela les effraie ou les agite). Ils gagneront ainsi la confiance de vaquer à leurs occupations sans manquer d’occasion et une meilleure conscience des risques.
- Götz, M., Lemish, D., & Holler, A. (2019). Fear in Front of the Screen: Children’s Fears, Nightmares, and Thrills from TV. Rowman & Littlefield.
- Gerbner, Gross, Morgan et Signorielli. « Growing Up With Television: Cultivation Processes, » Media Effects: Advances in Theory and Research (2e édition), Jennings Bryant et Dolf Zillmann, eds. Hillsdale, NJ : Erlbaum, 2002. 43-67.
- Champagne-Buckley, L. (2019) Media Influence on Perceptions of Crime. Master’s Project, University of Houston-Clear Lake.
- Unterstell, Sabrina and Amelie Muller. “‘I loved it! I t was so creepy but not in a way that made me scared.’ Thrills in front of the screen.” Televizion, Summer 2014.