Cyberintimidation - Aperçu

Pour la plupart des jeunes, Internet c’est avant tout un lieu où développer des relations et si la majorité des interactions sociales sont positives[1], certains se servent de la technologie pour intimider et harceler les autres – un phénomène qui a pour nom « cyberintimidation ».

Voici quelques statistiques pour illustrer l’ampleur du problème : environ un tiers des jeunes Canadiens (32 %) disent avoir été la cible de cyberintimidation[2]. Cependant, le risque n’est pas le même pour tous les élèves. Plusieurs des facteurs qui exposent un jeune à l’intimidation hors ligne – en particulier, un jeune ayant une incapacité, issu de la communauté 2SLGBTQINA+[3], ou ayant une plus forte corpulence[4] – accroissent la possibilité qu’il soit aussi victime de cyberintimidation. En fait, les jeunes peuvent devenir des cibles en raison de marqueurs de différence aussi arbitraires que celui de ne pas avoir de « skin » (la présentation graphique personnalisable des personnages) dans des jeux en ligne comme Fortnite[5].

Le terme « cyberintimidation » n’est peut-être pas très juste. La définition traditionnelle de l’intimidation implique une inégalité de pouvoir ou de force entre l’intimidateur et la victime ; or, plusieurs des actes que les adultes qualifient de cyberintimidation se produisent entre des personnes ayant plus ou moins le même statut. De plus, en matière de cyberintimidation, il est parfois difficile de distinguer clairement entre la cible et l’intimidateur. Enfin, une bonne partie des comportements abusifs observés dans les relations hors ligne peuvent aussi se produire dans l’espace virtuel et la technologie numérique peut même encourager ces comportements[6].

À l'évidence, la cyberintimidation est traumatique pour les jeunes : les personnes étant victimes de cyberintimidation sont plus susceptibles de « souffrir d’une mauvaise santé mentale, de dépression, d’anxiété et de troubles alimentaires, d’avoir des idées suicidaires et de faire des tentatives de suicide[7] », de ressentir des effets psychosomatiques, comme des maux de tête, des troubles du sommeil et des douleurs abdominales[8], et d’avoir des problèmes de consommation de substances et de rendement scolaire[9]. Elle rend également les jeunes plus vulnérables à la radicalisation exercée par des groupes ou des mouvements haineux[10]. (Toutefois, il est important de souligner qu’une étude sur les liens entre l’intimidation et le suicide a révélé qu’il s’agissait d’un facteur pertinent dans seulement 6 % des décès par suicide chez les jeunes, et que la cyberintimidation n’était d’ailleurs un facteur dans aucun de ces cas[11], tandis qu’une autre étude réalisée sur une période de 50 ans a révélé que les « personnes qui ont fréquemment été victimes d’intimidation étaient légèrement plus susceptibles de décéder par suicide lorsque aucun autre facteur de risque n’est pris en compte[12] ».)

Les victimes de cyberintimidation ne sont pas les seules à ressentir ces effets : les témoins et les auteurs de ces actes les ressentent également[13]. Malheureusement, les jeunes sous-estiment habituellement les torts que peut causer l’intimidation : en particulier, ils sont susceptibles de « ne pas considérer les comportements d’intimidation des garçons comme de l’intimidation puisqu’ils correspondent aux normes de genre masculines[14] ». Les jeunes considèrent généralement que l’intention consciente de faire du tort à quelqu’un est un élément essentiel de la cyberintimidation[15], un facteur observé dans l’intimidation relationnelle associée de manière stéréotypée aux filles[16], mais pas dans la simple plaisanterie qui est plus courante chez les garçons[17].

Si la cyberintimidation peut causer plus de préjudices que l’intimidation hors ligne, c’est en partie parce qu’elle est perpétrée en présence de témoins ou de collaborateurs invisibles, de sorte que la victime ne sait plus qui est au courant ou qui il faut craindre. La technologie décuple la portée que peut avoir l'intimidateur en lui permettant d'intimider partout et en tout temps. Il faudrait rapporter l'intimidation, mais comment parler de cette agression qui ne laisse pas de traces physiques, commise par des agresseurs sans nom ? En parler à un adulte, oui, mais les conséquences ne risquent-elles pas d'être pires que l'intimidation elle-même ? Les adultes veulent aider, mais beaucoup se sentent mal équipés pour traiter un problème d'intimidation dans le monde numérique.


 

[1] Erreygers, S., Vandebosch, H., Vranjes, I., Baillien, E., & De Witte, H. (2017). Nice or naughty? The role of emotions and digital media use in explaining adolescents’ online prosocial and antisocial behavior. Media psychology, 20(3), 374-400.

[2] MediaSmarts. (2023). “Young Canadians in a Wireless World, Phase IV: Relationships and Technology - Online Meanness and Cruelty.” MediaSmarts. Ottawa.

[3] MediaSmarts. (2023). “Young Canadians in a Wireless World, Phase IV: Relationships and Technology - Online Meanness and Cruelty.” MediaSmarts. Ottawa.

[4] Thompson, I., Hong, J. S., Lee, J. M., Prys, N. A., Morgan, J. T., & Udo-Inyang, I. (2020). A review of the empirical research on weight-based bullying and peer victimisation published between 2006 and 2016. Educational Review, 72(1), 88-110.

[5] Hernandez, P. (2019) Fortnite is free but kids are getting bullied into spending money. Polygon. https://www.polygon.com/2019/5/7/18534431/fortnite-rare-default-skins-bullying-harassment

[6] Hasse, A., Cortesi, S., Lombana-Bermudez, A., & Gasser, U. (2019). Youth and cyberbullying: Another look. Berkman Klein Center Research Publication, (2019-4).

[7] Kingsbury, M., & Arim, R. (2023). Cybervictimization and mental health among Canadian youth. Health reports, 34(9), 3-13. [traduction]

[8] Popovac, M., Fine, P. A., & Hicken, S. A. (2024). Children and adolescents’ experiences of cyberaggression and cyberbullying on social media and priorities for intervention and prevention efforts. In Handbook of Social Media Use Online Relationships, Security, Privacy, and Society Volume 2 (pp. 3-36). Academic Press.

[9] Sam, J. A. (2020). A mixed-method study exploring the relationship among resiliency, cyberbullying, and cyber-victimization with youth mental health and academic achievement (Doctoral dissertation, University of British Columbia).

[10] Miklikowska, M., Jasko, K., & Kudrnac, A. (2023). The making of a radical: The role of peer harassment in youth political radicalism. Personality and Social Psychology Bulletin, 49(3), 477-492.

[11] Sinyor, M., Schaffer, A., & Cheung, A. H. (2014). An observational study of bullying as a contributing factor in youth suicide in Toronto. The Canadian Journal of Psychiatry, 59(12), 632-638.

[12] Geoffroy, M. C., Arseneault, L., Girard, A., Ouellet-Morin, I., & Power, C. (2023). Association of childhood bullying victimisation with suicide deaths: findings from a 50-year nationwide cohort study. Psychological medicine, 53(9), 4152-4159. [traduction]

[13] Popovac, M., Fine, P. A., & Hicken, S. A. (2024). Children and adolescents’ experiences of cyberaggression and cyberbullying on social media and priorities for intervention and prevention efforts. In Handbook of Social Media Use Online Relationships, Security, Privacy, and Society Volume 2 (pp. 3-36). Academic Press.

[14] Mishna, F., Schwan, K. J., Birze, A., Van Wert, M., Lacombe-Duncan, A., McInroy, L., & Attar-Schwartz, S. (2020). Gendered and sexualized bullying and cyber bullying: Spotlighting girls and making boys invisible. Youth & society, 52(3), 403-426. [traduction]

[15] Alipan, A., Skues, J. L., Theiler, S., & Wise, L. (2020). Defining cyberbullying: a multifaceted definition based on the perspectives of emerging adults. International journal of bullying prevention, 2, 79-92.

[16] Mishna, F., Schwan, K. J., Birze, A., Van Wert, M., Lacombe-Duncan, A., McInroy, L., & Attar-Schwartz, S. (2020). Gendered and sexualized bullying and cyber bullying: Spotlighting girls and making boys invisible. Youth & society, 52(3), 403-426.

[17] MediaSmarts. (2023). “Young Canadians in a Wireless World, Phase IV: Relationships and Technology - Online Meanness and Cruelty.” MediaSmarts. Ottawa.