Comment les spécialistes du marketing ciblent les enfants

La publicité est partout 

Non, ce n’est pas votre imagination. Le volume de publicité et de marketing auquel nous sommes exposés quotidiennement a explosé : en moyenne, nous voyons plus de 4 000 publicités par jourx. Que ce soit à la pompe à essence, au cinéma, dans les toilettes, sur des autocollants apposés sur les fruits, lors d’événements sportifs ou dans les médias sociaux, il est pratiquement impossible d’éviter la publicité. 

Un paysage urbain montrant de nombreuses publicités extérieures.

Les formes traditionnelles de publicité, comme les publicités télévisées, étant de moins en moins efficaces[1], les spécialistes du marketing sont contraints de trouver des moyens encore plus innovants et agressifs de se débarrasser du « fouillis publicitaire » ou de la « fatigue publicitaire » de la vie moderne. Aussi, la popularité des services de diffusion en continu comme Netflix et Disney+ signifie que les enfants d’aujourd’hui voient en moyenne 400 heures de moins de publicités télévisées que s’ils regardaient la télévision commerciale[2], rendant les annonceurs d’autant plus déterminés à les rejoindre par d’autres moyens.

Publicité en ligne

Internet est un outil particulièrement attirant pour les spécialistes du marketing qui veulent cibler les enfants.

  • Internet fait partie de la culture des jeunes. Il fait partie du quotidien et de la routine de la génération actuelle des jeunes.
  • Les parents ne comprennent généralement pas à quel point les enfants sont exposés à la publicité en ligne.
  • Les enfants sont souvent seuls en ligne, sans supervision parentale.
  • Grâce à des technologies perfectionnées, il est facile de recueillir des informations auprès des jeunes à des fins de recherche en marketing et de cibler des enfants individuels par des publicités personnalisées.
  • Même si la publicité destinée aux enfants est soumise au Code canadien des normes de la publicité[3] et à la Loi sur la concurrence[4], elle est toujours autorisée (sauf au Québec).
  • En créant des environnements stimulants et interactifs fondés sur des produits et des noms de marques, les entreprises peuvent facilement établir une fidélité à la marque dès le plus jeune âge.

Les publicités dans les médias sociaux ressemblent généralement à des publicités télévisées ou imprimées ou font intervenir des influenceurs, une tendance toutefois appelée à changer puisque des plateformes plus récentes comme TikTok introduisent des formats publicitaires qui ressemblent davantage à des messages non payés. Spark Ads, un format qui permet aux annonceurs d’utiliser les messages organiques des utilisateurs dans le cadre de leurs campagnes publicitaires sur l’application, est conçu pour tirer parti de la popularité des produits qui explose soudainement sur TikTok. Alors que ces vagues de popularité se produisent généralement sans l’aide de la publicité, ce nouveau format vient brouiller la distinction entre les publicités et les messages, faisant en sorte que les utilisateurs de la plateforme ont de la difficulté à déterminer à quel moment ils sont ciblés par de la publicité[5].

Voici quelques-uns des différents types de publicités diffusées sur les sites Web.

  • Bannière : Publicité qui se trouve en haut ou en bas de la page. De plus en plus de bannières publicitaires sont rémanentes, c’est-à-dire qu’elles restent en place lorsque vous faites défiler la page vers le haut ou le bas.
  • Barre : Publicité qui apparaît dans la marge gauche ou droite du site.
  • Modale : Publicité qui recouvre le contenu du site et qui doit être fermée avant que vous puissiez voir ou utiliser le site.
  • Intracontenu : Publicité qui apparaît dans différentes parties du site.
  • Pré-vidéo : Publicité diffusée avant que vous puissiez voir ou utiliser le site.
  • Lecture automatique : Publicité vidéo diffusée automatiquement lorsque vous visitez le site[6].

Étant donné la façon dont nous interagissons avec le contenu dans les médias sociaux, tout ce que les gens partagent, des GIF[7] aux mèmes[8], peut constituer de la publicité. De nombreuses applications destinées aux jeunes enfants présentent également des publicités. En fait, une étude portant sur 135 applications pour enfants a révélé que chaque application gratuite contenait de la publicité, de même que 88 % des applications payantes[9].

Moteurs de recherche

Les moteurs de recherche comme Google, Bing et DuckDuckGo affichent également des publicités. Bien qu’aucun de ces sites ne permette aux annonceurs de payer pour influencer l’endroit où les publicités apparaissent dans les résultats de recherche « organiques », les utilisateurs considèrent souvent qu’il s’agit d’une promotion de produits puisque les publicités payantes apparaissent au-dessus des résultats de recherche (et se ressemblent, à l’exception d’une balise indiquant « annonce »).

Image
Un résultat de recherche Google pour la litière pour chat affichant une annonce au-dessus des résultats de recherche.

Influenceurs

Une publication de l'influenceuse Instagram Alice Barbier faisant la promotion d'ASOS.

Les influenceurs sont devenus l’un des principaux moyens pour les annonceurs de rejoindre les enfants et les jeunes, et les spécialistes du marketing les prennent au sérieux : Disney, par exemple, offre un cours de huit semaines aux influenceurs en herbe sur la façon de promouvoir la marque de l’entreprise en ligne[10]. Si les annonceurs paient souvent les influenceurs pour qu’ils fassent la promotion de leurs produits, une autre méthode consiste à leur envoyer des échantillons gratuits, en espérant qu’ils en parleront à leurs abonnés. De même, les influenceurs offrent souvent des promotions non rémunérées pendant qu’ils construisent un public dans l’espoir d’obtenir des échantillons gratuits et, ultérieurement, un contrat de promotions rémunérées. Ces promotions de produits ont tendance à avoir beaucoup de succès. La moitié des utilisateurs de médias sociaux préfèrent recevoir des informations sur les produits de la part des influenceurs plutôt que directement de l’entreprise elle-même, et 34 % ont découvert des marques en voyant le message d’un influenceur[11].

Le jouet Studio Creator 2 de Canla Toys

Même si nous croyons que les influenceurs s’adressent principalement aux adolescents, ils touchent également les plus jeunes. Le PDG d’une entreprise de jouets a déclaré que son budget pour la télévision cette année est de zéro : « L’année dernière, je n’ai utilisé que des influenceurs, et cette année, j’utilise encore uniquement des influenceurs. Je ne me vois pas revenir en arrière. » En fait, le jouet phare de cette entreprise est une trousse qui comprend un trépied, un écran vert et une perche à égoportrait (selfie), aidant ainsi les enfants à devenir eux-mêmes des influenceurs[12]. Certains influenceurs populaires auprès des jeunes enfants, comme Ryan Kaji, ont même sorti leurs propres gammes de jouets[13].

Les influenceurs ne se trouvent pas seulement sur les réseaux sociaux : les annonceurs qui tentent de cibler les joueurs, conscients qu’ils sont de grands utilisateurs de bloqueurs de publicité, se sont tournés vers les instavidéastes (streamers) sur des plateformes comme Twitch, qui sont payés pour présenter des boissons énergisantes, des casques d’écoute et d’autres produits tout en se diffusant eux-mêmes en train de jouer à des jeux vidéo[14].

YouTube a adopté de nouvelles règles concernant la publicité destinée aux enfants en 2019 : les influenceurs ont ainsi plus de difficulté à diffuser des publicités avant ou après leurs vidéos. La plupart du temps, les youtubeurs sont désormais « partenaires » directement avec une seule entreprise, ce qui complique la tâche des enfants lorsque vient le temps de reconnaître que de la publicité leur est présentée[15]. Aujourd’hui, les trois quarts des influenceurs disent gagner la majeure partie de leur revenu grâce à des partenariats, contre seulement 5 % qui le gagnent principalement grâce aux publicités qu’ils diffusent sur leur chaîne[16].

Bien que certains influenceurs soient devenus célèbres dans le monde entier, les annonceurs s’associent de plus en plus à des « micro » ou « nano » influenceurs, dont le public est plus restreint, mais plus fidèle. Plus encore que les influenceurs grandement populaires, il est facile d’oublier que les nano‑influenceurs vendent quelque chose. Selon Jasmine Enberg de la société eMarketer, « les nano et les micro-influenceurs peuvent diffuser des messages de marque d’une manière particulièrement authentique. Les abonnés des nano-influenceurs les considèrent comme des pairs et ont tendance à faire confiance à leurs recommandations de marques et de produits plutôt qu’à celles d’influenceurs plus populaires[17]. »

Les influenceurs ne sont pas tous rémunérés. La vidéo de « déballage », dans laquelle le créateur (souvent un enfant ou un adolescent) se filme en train d’ouvrir un paquet et de réagir à ce qu’il contient, est un format particulièrement populaire. Si certaines vidéos de déballage sont des partenariats rémunérés, bon nombre d’entre elles sont réalisées par des créateurs qui espèrent décrocher un partenariat ou simplement trouver un public, ce qui a amené Isaac Larian, PDG du géant des jouets MGA Entertainment, à développer « le jouet de déballage ultime » : LOL Surprise[18]. Alors que des milliers d’enfants sont prêts à faire des annonces gratuitement, il n’est pas surprenant que le « déballage » soit devenu une caractéristique essentielle de tout nouveau jouet.

Cliquer pour acheter

De plus en plus, les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, TikTok et Snapchat permettent d’acheter les produits annoncés dans les publicités, ou dont les influenceurs font la promotion, sans jamais quitter l’application. Combinés à la capacité des réseaux sociaux de vous montrer des publicités et des messages ciblés en fonction des données qu’ils ont recueillies à votre sujet, ils sont en mesure de guider toute votre expérience d’achat, de la découverte d’un produit pour la première fois à son achat[19]. La moitié des utilisateurs de TikTok disent avoir acheté des produits dont ils avaient vu la publicité sur l’application[20]. Sur Snapchat, il est même possible d’appliquer virtuellement du rouge à lèvres grâce à la réalité augmentée, puis de l’acheter d’un simple toucher si vous l’aimez[21].

Consultez la section sur le commerce en ligne pour en savoir plus sur la façon dont les enfants achètent des produits en ligne.

Marketing viral

Qu’il s’agisse de partager la dernière vidéo virale sur YouTube ou de faire circuler la dernière application ou le dernier jeu cool, les spécialistes du marketing comptent sur les amis pour influencer leurs amis et les inciter à acheter ou à utiliser leurs produits. Ils savent aussi très bien associer leurs produits à des personnes spécifiques, et par association, à leurs amis, sur les sites de réseaux sociaux, en plaçant des publicités sur les écrans d’accueil, les fils d’actualité et les pages de déconnexion. Certains spécialistes du marketing créent même des produits spécialement conçus pour devenir viraux, comme le « frappuccino licorne » de Starbucks[22].

Même si leur objectif n’est pas de devenir des influenceurs, les enfants peuvent devenir des « ambassadeurs de marque » dans les médias sociaux. Les enfants s’inspirent souvent de leurs marques préférées lorsqu’ils créent des vidéos ou jouent à des jeux en ligne. Des plateformes comme TikTok, qui permettent aux utilisateurs de collaborer et de remixer les vidéos des autres, facilitent également la participation des enfants aux dernières tendances virales.

Une photo de la Place Banque Scotia

Droits d’appellation

Les entreprises ont transformé les espaces publics en marchandises en achetant les droits d’appellation d’arénas, de théâtres, de parcs, d’écoles, de musées et même de métros. Les villes à court d’argent voient dans les droits d’appellation un moyen d’obtenir les revenus dont elles ont tant besoin sans augmenter les impôts.

 

 

Jeux vidéo

Les jeux en ligne qui s’articulent autour de marques, de produits ou de personnages liés à une marque, communément appelés « publidivertissements », sont le véhicule idéal pour créer des relations entre les enfants et les marques. En général, les jeunes ne reconnaissent pas le publidivertissement comme des publicités en ligne : la plupart croient qu’il s’agit de « simples jeux ». Amusants, dynamiques et interactifs, il est facile de voir l’énorme avantage des publidivertissements par rapport aux publicités ordinaires. Ces publicités immersives offrent aux annonceurs ce qu’ils appellent des utilisateurs « persistants », c’est-à-dire des utilisateurs qui restent sur le site pendant de longues périodes.

Les publicités apparaissent également dans ou pendant les jeux, en particulier les jeux sur appareils mobiles, soit avant le jeu, pendant le jeu ou en tant que contenu de marque dans le jeu. Certaines publicités récompensent même les enfants qui les regardent en leur donnant des devises qu’ils peuvent utiliser pour acheter des objets dans le jeu[23].

Même l’habillage (communément appelé « skins » en anglais), c’est-à-dire des costumes ou d’autres objets qui modifient l’apparence d’un personnage, sont utilisées comme des publicités, les annonceurs les offrant aux joueurs pour qu’ils les portent, comme des t-shirts de marque. Comme les t-shirts, ils ne déclenchent souvent pas notre sens critique comme le font les publicités plus intrusives : 4 enfants sur 10 ne reconnaîtraient pas les « skins » de marque comme étant de la publicité[24].

Un nombre alarmant de jeux destinés aux enfants d’âge préscolaire comportent des publicités qui leur demandent de dépenser de l’argent réel pour améliorer leur jeu ou continuer de jouer. Ces enfants sont manipulés, alors que la plupart du temps, ils sont incapables de faire la différence entre une publicité et les composantes du jeu auquel ils jouent. Josh Grolin, directeur de la campagne « Commercial-Free Childhood » (une enfance sans publicité), affirme qu’il « est fondamentalement injuste de manipuler un jeune enfant qui ne sait pas ce qui se passe[25] ».

Une annonce pop-up apparaissant sur un site de jeu en ligne.

Malheureusement, comme l’affirme Richard Freed, psychologue pour enfants et adolescents, « il y a trop d’argent à gagner » pour ne pas faire de publicité auprès des enfants. Candy Crush et Minecraft rapportent respectivement 2 et 2,5 milliards de dollars américains par année à leurs sociétés mères[26]. Ces fenêtres publicitaires dans les applications peuvent également afficher des produits familiers que vous avez déjà vus ou recherchés en ligne puisque votre adresse IP a été repérée ou que vous avez accepté des témoins. Si un utilisateur n’est pas disposé à payer pour la version « supérieure » d’un jeu, son expérience sera probablement inondée de publicités pour des produits qu’il a déjà consultés en ligne[27].

Marketing croisé

Une affiche pour le film Black Panther.

Une vague de fusions dans le secteur des médias a donné naissance à une poignée de puissants conglomérats qui possèdent désormais tous les principaux studios de cinéma, réseaux de télévision, stations de radio et de télévision, chaînes câblées, maisons d’édition de livres et de magazines et sociétés de musique. Ces conglomérats géants utilisent leurs divers actifs dans les médias pour promouvoir des produits et des artistes par le biais de campagnes massives de promotion croisée[28]. Par exemple, le film Black Panther, sorti en 2018, a connu un succès non seulement au box-office, mais aussi grâce à son marketing croisé. Tout en faisant la promotion du film lui-même, Marvel a également lancé une campagne dans les médias sociaux pour l’une de ses chansons vedettes, interprétée par Kendrick Lamar. Marvel a fait la promotion de la chanson de Kendrick Lamar sur ses propres pages, ainsi que sur les pages personnelles de ce dernier, permettant ainsi à des millions de consommateurs d’y accéder par le biais de leurs comptes de médias sociaux. Les médias sociaux sont devenus impératifs dans la publicité pour les médias et les films en raison de la croissance massive de leur popularité et de leur accessibilité, les célébrités pouvant promouvoir leurs projets directement auprès de leurs abonnés sur des plateformes de médias sociaux comme Instagram[29].

Les jeux vidéo participent souvent eux aussi au marketing croisé. Fortnite, l’un des jeux vidéo les plus populaires, a fait du marketing croisé avec des marques aussi diverses que la Coupe du monde, la chanteuse Ariana Grande et Marvel, en s’associant à des événements comme la sortie du film Avengers: Endgame en 2018 (qui a donné aux joueurs la possibilité d’incarner à la fois les héros et le méchant du film)[30].

Les chaînes de restauration rapide, comme McDonald’s, utilisent en moyenne 59 % de leur budget de marketing pour « acquérir des jouets et des jeux à distribuer avec un repas pour enfants[31] ». Les restaurants rapides utilisent aussi souvent des liens avec des films, des émissions de télévision et des personnages populaires afin d’attirer les enfants et de faire en sorte que leurs aliments malsains semblent plus désirables ou amusants.

Placement de produit

Une photo de la série Netflix Stranger Things dans laquelle une canette de Coca-Cola est mise en évidence.

L’avenir du placement de produit en tant qu’outil publicitaire efficace a été affirmé après que le film E.T., sorti en 1982, ait présenté des Reese’s Pieces dans une scène cruciale, faisant bondir les ventes de cette friandise de 65 %. Depuis, le placement de produit dans les films, à la télévision, dans les médias sociaux et, de plus en plus, dans les jeux vidéo est devenu une technique de marketing courante, un domaine publicitaire spécialisé à part entière.


Depuis l’arrivée de services de diffusion en continu comme Netflix et Amazon Prime, qui n’ont pas de pauses publicitaires, le placement de produit prend encore plus d’importance, comme le démontre l’accord de placement de produit de Netflix avec Coca-Cola dans la série Stranger Things.

Comme de nombreux formats publicitaires, le placement de produit fonctionne en nous empêchant de remarquer qu’il s’agit de publicité. Des recherches ont montré que la publicité est moins efficace lorsque nous remarquons que de la publicité nous est présentée. La forme la plus efficace de placement de produit est celle que nous sommes le moins susceptibles de reconnaître comme étant de la publicité, c’est-à-dire lorsque le produit ou la marque est mentionné par les personnages, mais pas montré[32].

De plus en plus, les annonceurs vont au-delà du placement de produit traditionnel et se tournent vers la « réalisation de marque », en créant des publicités d’une durée d’un épisode, voire d’un long métrage. Par exemple, le documentaire ÐamNation de la marque de vêtements de plein air Patagonia met en lumière les engagements environnementaux de l’entreprise. La ligne entre la publicité et la programmation est encore plus floue lorsque les publicités deviennent des émissions de télévision : alors que la série Cavemen de 2007, basée sur la campagne publicitaire de Geico, a été un flop célèbre, Ted Lasso sur Apple TV, basé sur une série de publicités sportives de NBC, est devenu un succès critique et commercial[33].

Même s’ils ne créent pas un film entier, les annonceurs peuvent également payer pour qu’une intrigue particulière soit présentée. Par exemple, dans un épisode de la série Black-ish, un personnage a parlé de la campagne de service public de Procter & Gamble[34]. Compte tenu de la longue durée de vie des émissions sur les services de diffusion en continu, une intrigue marquante, comme l’épisode de The Office dans lequel une déchiqueteuse Staples est utilisée à des fins absurdes, notamment pour préparer une salade, peut rapporter des dividendes pendant des décennies.

Il est beaucoup plus difficile de reconnaître les formes de placement de produit, et d’interagir avec elles, de manière critique que la publicité traditionnelle. Comme le dit Dipanjan Chatterjee de la société de conseil Forrester, « si la bonne histoire a les bons ingrédients et qu’elle devient intéressante à partager, elle n’apparaît pas comme une publicité intrusive. Elle ressemble davantage à un élément naturel de notre vie[35]. »

Dans les médias pour enfants, la fusion de la publicité et de la programmation remonte à plusieurs décennies. De nombreuses séries populaires sont en fait créées par des entreprises de jouets. Que les enfants regardent LEGO Ninjabo sur Netflix ou Paw Patrol sur la télévision publique, il ne fait aucun doute que pour la plupart des émissions destinées aux jeunes enfants, le marketing fait la pluie et le beau temps de la programmation[36]. Les émissions pour enfants peuvent même être annulées malgré les fortes cotes d’écoute si les ventes de jouets ne sont pas suffisamment élevées[37].

Encarts publicitaires numériques

Un match de baseball dans lequel une publicité pour YouTube est mise en avant.

Les encarts publicitaires numériques vont un peu plus loin que le placement de produit en utilisant la technologie informatique pour ajouter des produits à des scènes qui n’ont jamais existé au départ. Cette pratique est courante dans la couverture des événements sportifs, où les publicités sont insérées numériquement sur les panneaux d’affichage, les panneaux latéraux et les surfaces de jeu dans les arénas et les stades.

Grâce à la publicité ciblée, il est même possible d’ajouter différents produits à la même séquence en fonction de ce que l’on connaît du public. Ainsi, un mangeur de viande qui regarde une comédie pourra voir un hamburger sur la table de cuisine tandis qu’un végétalien verra des fruits et des légumes[38].

Alors que les publicités numériques sont principalement utilisées dans la couverture des sports, la publicité virtuelle commence à faire son entrée dans le monde du divertissement, les producteurs insérant numériquement des produits dans la programmation après le tournage des scènes. La technologie permet également de modifier le nom des produits dans les scènes, ouvrant la voie à de nouveaux revenus publicitaires lorsque les séries sont vendues en syndication. Par exemple, dans les deux images ci-dessous, nous pouvons voir que le logo de Coca-Cola a été ajouté dans une émission de télévision chinoise.

Image
A scene from a TV show from Chinese streaming service Tencent Video, with a Coca-Cola ad digitally added.

Publicité ambiante

52 / 5,000 Translation results Translation result Une jardinière en forme de mug annonçant Bigelow Tea.

La publicité ambiante désigne les publicités dans les lieux publics. En raison de la montée en flèche du coût de la publicité dans les médias traditionnels et de l’abondance de publicités qui rivalisent pour attirer l’attention des consommateurs, les spécialistes du marketing recherchent activement de nouveaux véhicules publicitaires. Les voitures, les vélos, les taxis et les autobus sont devenus des publicités mobiles. Les publicités ambiantes apparaissent sur le plancher des magasins, les pompes à essence, les murs des ascenseurs, les bancs de parc, les téléphones, les fruits, dans les cabines de toilettes et même dans le sable des plages.

Une histoire sponsorisée faisant la promotion des montres Longines.

Publicité native

Ce format publicitaire est difficile à reconnaître pour les enfants comme pour les adultes. Les publicités natives ressemblent au contenu non publicitaire en compagnie duquel elles apparaissent, comme une publicité dans un journal ou un site d’information qui ressemble à un article d’information. Bien qu’elles doivent être identifiées comme des publicités, elles utilisent souvent la même police de caractères et le même format que le contenu authentique, et les recherches montrent que ces balises ne sont pas efficaces pour aider les gens à faire la différence[39]. Ces publicités sont souvent créées par le média où elles sont diffusées « afin de ressembler au journalisme apparemment objectif qu’elles imitent[40] ».

Il n’est donc pas surprenant que ces publicités soient particulièrement populaires auprès des marques et des industries qui veulent changer la façon dont le public les perçoit, comme les entreprises de combustibles fossiles et de tabac[41].

Emballage, marques et affichage numérique

Les publicités que les enfants voient le plus souvent sont en fait les plus traditionnelles : des étiquettes et des emballages (les écrans, peu importe le type, arrivent en quatrième position)[42]. Plus encore que certaines des publicités mentionnées ci-dessus, nous ne considérons pas toujours des produits comme une boîte de céréales ou une casquette de baseball comme étant de la publicité. Ce n’est pas parce que nous ne les considérons pas comme des publicités qu’elles n’ont pas été soigneusement choisies et disposées : une étude menée dans 15 épiceries choisies au hasard en Ontario a révélé que près de 3 000 boîtes de céréales avaient été placées à hauteur d’enfant, et que la moitié d’entre elles comportaient au moins un élément destiné à attirer les enfants[43]. L’emballage est l’une des seules formes de publicité qui n'est pas réglementée par le Code canadien des normes de la publicité.

Commercialisation dans l’éducation

L’école était autrefois un lieu où les enfants étaient protégés de la publicité et des messages de consommation qui imprégnaient leur monde, mais ce n’est plus le cas. En fait, une étude a révélé que les enfants voient plus de publicités à l’école que partout ailleurs[44].

Les entreprises réalisent le pouvoir de l’environnement scolaire pour promouvoir leur marque et leurs produits. Le cadre scolaire offre un public captif de jeunes et suppose l’approbation des enseignants et du système éducatif. Les écoles qui autorisent les entreprises à faire de la publicité sont en mesure de récolter des millions de dollars pour le bien-être de leurs élèves et enseignants. Cynthia Calvert, propriétaire de Steep Creek Media aux États-Unis, affirme qu’en 11 ans, elle a contribué à recueillir des millions de dollars pour des écoles du Texas. Cet argent « a permis d’acheter de nouveaux ordinateurs, des manuels scolaires, des fournitures et bien d’autres choses encore[45] ». David Monahan, directeur de campagne de l’entreprise Commercial-Free Childhood, voit les choses différemment. Il croit que les enfants voient trop de publicités dans leur vie quotidienne et qu’il n’est pas approprié d’en montrer à l’école puisque « les enfants sont à l’école pour apprendre, pas pour aider les entreprises à gagner de l’argent[46] ».

Les spécialistes du marketing s’empressent d’exploiter cette forme de publicité de plusieurs façons :

  • le matériel éducatif commandité : par exemple, une trousse d’« alimentation saine » de Kraft enseigne le Guide alimentaire canadien (en utilisant des produits Kraft), ou encore, les plans de leçons pour le primaire de l’entreprise forestière Canfor font passer son objectif commercial comme un effort de gestion de l’environnement plutôt qu’une activité d’exploitation forestière;
  • la fourniture de technologies aux écoles en échange d’une grande visibilité de l’entreprise;
  • des accords exclusifs avec des entreprises de restauration rapide ou de boissons gazeuses pour offrir leurs produits dans une école ou un district;
  • de la publicité affichée dans les salles de classe et les autobus scolaires, sur les ordinateurs, etc., en échange de financement;
  • des concours et des programmes incitatifs : par exemple, le programme d’incitation à la lecture Book It! de Pizza Hut récompense les enfants par des certificats pour une pizza gratuite s’ils atteignent un objectif mensuel de lecture, ou encore, le projet Labels for Education de Campbell fournit des ressources éducatives aux écoles en échange d’étiquettes de soupe que les élèves collectionnent;
  • le parrainage d’événements scolaires : par exemple, l’entreprise canadienne ShowBiz organise des soirées dansantes avec vidéos mobiles dans les écoles pour présenter les produits de divers commanditaires;

Une capture d'écran du jeu éducatif Prodigy encourageant les joueurs à obtenir des abonnements payants.

  • des jeux éducatifs utilisés ou recommandés par les enseignants : le site de jeux éducatifs ABCya! présente de nombreuses publicités de malbouffe, tandis que le site de jeu de rôle mathématique Prodigy affiche des publicités pour les membres payants et limite ce que les utilisateurs peuvent faire gratuitement (p. ex. seuls les membres payants peuvent avoir des animaux de compagnie virtuels). Comme le dit John Golin, directeur général de la campagne Commercial-Free Childhood, « les écoles s’inscrivent en pensant que c’est gratuit et ne comprennent pas qu’une énorme pression commerciale s’exerce sur les enfants et les familles lorsqu’ils jouent à la maison[47] ».

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Ressources pour les parents
Ressources pour les enseignants


[1] Shapiro, B.T., Hitsch, G.J., et Tuchman, A.E. (2021). « TV advertising effectiveness and profitability: Generalizable results from 288 brands ». Econometrica, 89(4), 1855-1879.

[2] Vonau, M. (2019). « Netflix saves our kids from up to 400h of advertisements, study finds ». Android Police. Consulté à l’adresse : https://www.androidpolice.com/2019/05/15/netflix-saves-our-kids-from-up-to-400h-of-advertisements-study-finds/.

[3] Normes de la publicité (2007). « Interprétation du Code : Publicité destinée aux enfants ». Consulté à l’adresse : https://adstandards.ca/fr/code-canadien/interpretation-du-code/.

[4] Szentesi, S. (sans date). « Internet & New Media Advertising ». Canadian Advertising & Marketing Law. Consulté à l’adresse : https://www.canadianadvertisinglaw.com/online-advertising/.

[5] Jennings, R. (2021). « TikTok made me buy it ». Vox.

[6] Nielsen, J. (2004). « The most hated advertising techniques ». Jakob Nielsen Alertbox (6 décembre 2004).

[7] Monllos, K. (2018). « That GIF You Just Shared? It Might Actually Be an Ad ». Brand Knew Mag. Consulté à l’adresse : https://www.brandknewmag.com/that-gif-you-just-shared-it-might-actually-be-an-ad/.

[8] Ajello, T. (2021). « What Memes Can Tell Us About Building Brands ». AdAge. Consulté à l’adresse : https://adage.com/article/opinion/what-memes-can-teach-us-about-building-brands/2359681.

[9] Meyer, M., Adkins, V., Yuan, N., Weeks, H.M., Chang, Y.J., et Radesky, J. (2019). « Advertising in young children’s apps: A content analysis ». Journal of developmental & behavioral pediatrics, 40(1), 32-39.

[10] Sloane, G. (2021). « Disney Looks to Develop Rising TikTok and Instagram Creators ». AdAge. Consulté à l’adresse : https://adage.com/article/digital-marketing-ad-tech-news/disney-looks-develop-rising-tiktok-and-instagram-creators/2366456.

[11] Williams, R. (2019) «Social media users trust fellow consumers more than brands, study finds ». MarketingDive. Consulté à l’adresse : https://www.marketingdive.com/news/social-media-users-trust-fellow-consumers-more-than-brands-study-finds/552994/

[12] Verdon, J. (2021). « Santa’s Top Toy Sellers This Year Are Influencers ». Forbes. Consulté à l’adresse : https://www.forbes.com/sites/joanverdon/2021/11/14/santas-top-toy-sellers-this-year-are-influencers/?sh=5cabbf221235.

[13] Steele, C. (2020). « Earning Millions on YouTube Is SO Easy, Children Are Doing It ». PC Mag. Consulté à l’adresse : https://www.pcmag.com/news/earning-millions-on-youtube-is-so-easy-children-are-doing-it.

[14] Paoletta, R. (2018). « How Advertisers Are Using Twitch To Reach People Who Hate Ads ». Ad Exchanger. Consulté à l’adresse : https://www.adexchanger.com/ad-exchange-news/how-advertisers-are-using-twitch-to-reach-people-who-hate-ads/.

[15] Verdon, J. (2021). « Santa’s Top Toy Sellers This Year Are Influencers ». Forbes. Consulté à l’adresse : https://www.forbes.com/sites/joanverdon/2021/11/14/santas-top-toy-sellers-this-year-are-influencers/?sh=5cabbf221235.

[16] Yurieff, K. (2021). « How Influencers Make Money ». The Information.

[17] Wheless, E. (2021). « Why Nano-Influencers are Important for Brands ». AdAge. Consulté à l’adresse : https://adage.com/article/digital-marketing-ad-tech-news/why-nano-influencers-are-important-brands/2366426. [traduction]

[18] Stratton, A. (2017). « Toymakers Are Targeting Your Children Via YouTube’s Kid Influencers ». Bloomberg Businessweek. Consulté à l’adresse : https://www.bloomberg.com/news/articles/2017-10-18/toymakers-curry-favor-with-precocious-youtube-influencers?cmpid=socialflow-twitter-businessweek#xj4y7vzkg.

[19] Thompson, B. (2022). « Digital Advertising in 2022 ». Stratechery. Consulté à l’adresse : https://stratechery.com/2022/digital-advertising-in-2022/.

[20] Hale, J. (2021). « Half Of TikTok Users Buy Products They See Advertised On The Platform (Survey) ». TubeFilter. Consulté à l’adresse : https://www.tubefilter.com/2021/05/31/tiktok-users-buy-products-advertised-ecommerce-adweek/.

[21] Sloane, G. (2021). « How TikTok, Instagram and Snapchat sell everything from ranch dressing to lip gloss ». AdAge. Consulté à l’adresse : https://adage.com/article/media/how-tiktok-instagram-and-snapchat-sell-everything-ranch-dressing-lip-gloss/2335766.

[22] Brown, R. (2017). « Starbucks whips up Unicorn Frappuccino frenzy on social media ». Marketing Dive. Consulté à l’adresse : https://www.marketingdive.com/news/starbucks-whips-up-unicorn-frappuccino-frenzy-on-social-media/441053/.

[23] (2016). « We Asked 1,000 Kids What They Thought About Online Advertising ». SuperAwesome.

[24] Ibidem.

[25] Lieber, C (2018). « Apps for preschoolers are flooded with manipulative ads, according to a new study ». Vox. Consulté à l’adresse : https://www.vox.com/the-goods/2018/10/30/18044678/kids-apps-gaming-manipulative-ads-ftc. [traduction]

[26] Ibidem.

[27] Williams, R. (2019). « Google rolls out smart targeting for in-game ads ». Mobile Marketer. Consulté à l’adresse : https://www.marketingdive.com/news/google-rolls-out-smart-targeting-for-in-game-ads/550457/.

[28] Tatum, M. (2020). « What is cross merchandizing? ». Wisegeek. Consulté à l’adresse : https://www.wise-geek.com/what-is-cross-merchandising.htm.

[29] Keller, J. (2020). « Get the Word Out: The Role of Social Media in Film Marketing ». INN. Consulté à l’adresse : https://investingnews.com/innspired/social-media-film-marketing-promotion/.

[30] Hernandez, P. (2019). « Fortnite is basically a giant, endless advertisement now ». Polygon. Consulté à l’adresse : https://www.polygon.com/2019/5/23/18635920/fortnite-jumpman-john-wick-marvel-brand-advertisement.

[31] Healthy Eating Research (2014). « Food Marketing: Using toys to market childrens’ meals ». Consulté à l’adresse : https://healthyeatingresearch.org/wp-content/uploads/2014/07/her_marketing_toys_AUGUST_14.pdf. [traduction]

[32] Fossen, B.L., et Schweidel, D.A. (2019). « Measuring the impact of product placement with brand-related social media conversations and website traffic ». Marketing Science, 38(3), 481-499.

[33] Sperling, N., et Hsu T. (2021). « With Fewer Ads on Streaming, Brands Make More Movies ». The New York Times. Consulté à l’adresse : https://www.nytimes.com/2021/03/23/business/media/branded-content-movies.html.

[34] Sweney, M. (2018). « Forget product placement: now advertisers can buy storylines ». The Guardian. Consulté à l’adresse : https://www.theguardian.com/media/2018/jan/20/forget-product-placement-advertisers-buy-storylines-tv-blackish.

[35] Sperling, N., et Hsu T. (2021). « With Fewer Ads on Streaming, Brands Make More Movies ». The New York Times. Consulté à l’adresse : https://www.nytimes.com/2021/03/23/business/media/branded-content-movies.html. [traduction]

[36] Fetters, A. (2020). « Toy Commercials Are Being Replaced by Something More Nefarious ». The Atlantic. Consulté à l’adresse : https://www.theatlantic.com/family/archive/2020/02/how-toys-are-marketed-kids-without-cable-tv/605920/.

[37] Campbell, A.J. (2016). « Rethinking Children’s Advertising Policies for the Digital Age ». Loy. Consumer L. Rev.,
29, 1.

[38] (2020). « Advertisers can digitally add product placements in TV and movies – tailored to your digital footprint ». The Current. Consulté à l’adresse : https://www.cbc.ca/radio/thecurrent/the-current-for-jan-31-2020-1.5447280/advertisers-can-digitally-add-product-placements-in-tv-and-movies-tailored-to-your-digital-footprint-1.5447284.

[39] Wojdynski, B.W., et Evans, N.J. (2016). « Going native: Effects of disclosure position and language on the recognition and evaluation of online native advertising ». Journal of Advertising, 45(2), 157-168.

[40] Amazeen, M. (2022.) « Researchers looked at nearly 3,000 native ads across five years. Here’s what they found ». NiemanLab. Consulté à l’adresse : https://www.niemanlab.org/2022/02/researchers-looked-at-nearly-3000-native-ads-across-five-years-heres-what-they-found/.

[41] Ibidem.

[42] Watkins, L., Gage, R., Smith, M., McKerchar, C., Aitken, R., et Signal, L. (2022). « An objective assessment of children’s exposure to brand marketing in New Zealand (Kids’ Cam): a cross-sectional study ». The Lancet Planetary Health.

[43] Rachel, P. (2017). « Food marketing to children in Canada: a settings-based scoping review on exposure, power and impact ». Health promotion and chronic disease prevention in Canada: research, policy and practice, 37(9), 274.

[44] Watkins, L., Gage, R., Smith, M., McKerchar, C., Aitken, R., et Signal, L. (2022). « An objective assessment of children’s exposure to brand marketing in New Zealand (Kids’ Cam): a cross-sectional study ». The Lancet Planetary Health.

[45] (2018). « Should Kids See Ads at School? ». Junior Scholastic. Consulté à l’adresse : https://junior.scholastic.com/issues/2018-19/100818/should-kids-see-ads-at-school.html. [traduction]

[46] Ibidem. [traduction]

[47] Solon, O. (2021). « Child protection nonprofit alleges ‘manipulative’ upselling with math game Prodigy ». NBC News. Consulté à l’adresse : https://www.nbcnews.com/tech/tech-news/child-protection-nonprofit-alleges-manipulative-upselling-math-game-prodigy-n1258294. [traduction]