Commerce en ligne

Les enfants ne font pas que voir des publicités dans les médias : de plus en plus, ils achètent des choses directement à partir de leur écran. Cette section examine les modes d’achat en ligne des jeunes et la façon dont ils peuvent être manipulés pour dépenser.

Magasiner en ligne

Les jeunes ont de plus en plus de moyens d’acheter des produits en ligne, non seulement sur des sites de commerce électronique comme Amazon, mais aussi sur des boutiques d’applications, dans les jeux vidéo et même dans des applications de réseaux sociaux. Voici quelques éléments essentiels que les parents et les enfants doivent connaître.

Achats intégrés aux applications

De nombreux jeux et applications populaires proposent un modèle semi-payant ou gratuit pour jouer, ce qui signifie que la version de base est gratuite, mais que vous devez payer pour accéder au contenu complet ou que vous êtes encouragé à acheter des articles complémentaires comme des filtres et des costumes. Bon nombre de ces fonctionnalités font également l’objet d’une publicité agressive dans les jeux[1].

Elles se retrouvent le plus souvent dans les jeux commerciaux, mais aussi dans les jeux éducatifs comme Prodigy.

Voici quelques façons dont les jeux et les applications encouragent les enfants à dépenser de l’argent.

  • Compétition : Les utilisateurs peuvent faire des achats intégrés aux applications, soit pour se mesurer littéralement aux autres (comme acheter des armes exclusives dans un jeu) ou pour une compétition sociale (p. ex. avoir un « skin » personnalisé ou acheter le même filtre photo que tous leurs amis)[2].
  • Monnaie du jeu : Dans de nombreux jeux et plateformes, il n’est pas possible d’acheter directement des choses au moyen d’argent réel : il faut plutôt acheter une monnaie virtuelle. Par exemple, la plateforme de jeu Roblox exige que les utilisateurs achètent des « Robux » pour acheter quoi que ce soit dans l’un de ses jeux. La monnaie du jeu doit généralement être achetée en quantités arrondies, de sorte qu’il en reste souvent une certaine quantité, vous encourageant ainsi à en obtenir davantage pour pouvoir acheter autre chose.
  • Interaction parasociale : Comme pour les promotions de produits, les influenceurs et les personnages de marque, l’interaction parasociale, c’est-à-dire croire qu’une personne que vous connaissez par le biais des médias est vraiment votre ami, peut influencer les achats intégrés aux jeux. Des jeux et des applications comme Barbie Magical Fashion et Strawberry Shortcake Bake Shop voient leurs personnages encourager les utilisateurs à acheter des articles ou à passer à la version payante[3].
  • « Payer pour passer » : Certains jeux font en sorte qu’il soit plus difficile ou plus long de jouer sans faire un achat intégré à l’application. Ils nous encouragent souvent à dépenser de l’argent pour que nous évitions de faire des actions répétitives (« grinding ») ou fixent des limites artificielles à la fréquence à laquelle vous pouvez faire quelque chose[4].
  • Randomisation : Les « coffres aux trésors » représentent l’un des types d’achats intégrés aux applications les plus populaires. Ils contiennent des objets aléatoires qui ne sont révélés qu’après avoir été achetés[5]. Même si les joueurs trouvent frustrante cette façon de jouer, ils dépensent plus pour les coffres aux trésors qu’ils ne le feraient pour acheter le même article sur un marché ouvert[6]. Parfois, les jeux se rapprochent de l’expérience du jeu de hasard en montrant une roue qui tourne ou une animation semblable à celle d’une machine à sous avant que le contenu de la boîte ne soit révélé, et se terminent souvent par une « quasi-réussite » qui suggère que le joueur a presque gagné le prix le plus désiré[7].
  • Interaction sociale : Dans certains jeux, les fonctionnalités qui vous permettent d’interagir avec d’autres joueurs ne sont disponibles que si vous avez un compte payant ou par le biais d’achats intégrés, ou limitent le nombre d’amis que vous pouvez avoir dans le jeu, à moins que vous ne payiez pour pouvoir en ajouter[8].
  • Débloquer du contenu : Il s’agit ici de payer pour accéder à une partie du jeu ou de devoir s’abonner pour accéder à certaines fonctionnalités, comme un animal de compagnie ou une maison dans l’univers du jeu[9].

Il est essentiel que les enfants comprennent comment fonctionnent les achats intégrés aux applications et comment un jeu ou une application peut tenter de les manipuler, d’autant plus qu’ils ne se rendent souvent pas compte qu’ils dépensent de l’argent réel ou qu’ils ont du mal à savoir combien ils ont dépensé[10].

Tactiques trompeuses

Les environnements commerciaux ont toujours été conçus pour nous faire dépenser le plus d’argent possible : les épiceries entassent les céréales pour enfants à la hauteur des yeux, cachent les produits essentiels bon marché de sorte que vous devez passer devant des articles à marge supérieure pour les atteindre, et placent les achats impulsifs près de la caisse.

L’expérience des médias numériques étant façonnée par les outils que nous utilisons, ce n’est rien comparativement à la façon dont une plateforme virtuelle comme une application ou un site Web peut vous manipuler. Bon nombre emploient ce que l’on appelle des « tactiques trompeuses » pour vous inciter à cliquer sur des publicités, à acheter des choses, à payer plus ou à fournir des renseignements personnels, et vous utilisent même parfois comme porte-parole[11].

Voici quelques-unes des tactiques trompeuses les plus courantes.

  • Ajout d’obstacles : En ajoutant des obstacles, les sites vous empêchent de faire ce qu’ils ne veulent pas que vous fassiez : ils ajoutent parfois un bouton indiquant « Êtes-vous certain? » lorsque vous essayez de quitter une application ou un site Web ou d’annuler une adhésion ou un abonnement. Les applications et les jeux peuvent également essayer de réduire les obstacles pour les actions qu’ils veulent que vous fassiez, comme donner vos informations de carte de crédit lors de votre inscription afin que vous n’ayez pas à les saisir chaque fois que vous achetez quelque chose.
  • Appât : Bouton ou autre outil qui fait autre chose que ce à quoi les utilisateurs s’attendent, comme un bouton « En savoir plus » qui vous renvoie en fait à une page d’inscription.
  • Langage prêtant à confusion : Formuler une action de manière à nous confondre quant à ce qui va se passer. (Ici la phrase lit “Ne vendez pas mes données privées pour des fins promotionnelles” avec l’option “Oui” ou “Non”)
  • Décision immédiate : Obliger l’utilisateur à faire quelque chose, comme créer un compte ou accepter une politique de confidentialité, pour pouvoir utiliser le site ou le service.
  • Prix dynamique : Modifier le prix d’un article pour vous faire payer le plus possible. Le prix peut être fondé sur l’heure de la journée (les prix sont généralement plus élevés le matin lorsque davantage de personnes font des achats) ou sur ce que le site sait de vous (p. ex. si vous utiliser un ordinateur personnel ou un Mac, un historique de navigation qui suggère que vous êtes un consommateur plus soucieux de son budget ou préférant le luxe).
  • Fausse popularité ou rareté : Donner faussement l’impression qu’un article est presque épuisé ou sur le point de devenir indisponible, ou vous faire sentir sous pression en disant qu’un certain nombre de personnes regardent le même article. Les objets virtuels peuvent être rendus artificiellement rares en ayant un nombre limité d’exemplaires disponibles ou en les mettant en vente pendant une durée limitée.
  • Courrier indésirable d’amis : Obtenir l’accès à votre liste de contacts ou à votre compte de réseau social, puis envoyer des messages de marketing à vos amis.
  • Manipulation émotionnelle : Faire en sorte que les personnages à l’écran encouragent un choix particulier ou disent qu’ils sont tristes si l’utilisateur ne fait pas quelque chose (p. ex. faire un achat intégré).
  • Coûts cachés : Cacher des coûts comme les frais d’expédition et de manutention jusqu’au tout dernier moment.
  • Option de refus cachée : Faire en sorte qu’il soit aussi difficile que possible de trouver le moyen de refuser quelque chose, comme en plaçant une case de refus de partage de données au fin fond d’un long document sur les conditions d’utilisation.
  • Limitation des choix : Faire en sorte qu’il soit difficile pour les utilisateurs de faire une chose en particulier (p. ex. ne proposer que les options « Ok » et « Pas maintenant », de sorte que l’utilisateur doit reconfirmer son choix ultérieurement).
  • Langage tendancieux : Formuler les choix d’une manière qui rend l’un d’entre eux beaucoup plus attrayant que l’autre ou qui donnent l’impression qu’une chose est moins alarmante (p. ex. « personnaliser les publicités » au lieu de « utiliser mes renseignements personnels pour cibler les publicités que je vois »).
  • Éléments graphiques trompeurs : Utiliser des éléments comme la couleur et la mise en page pour inciter l’utilisateur à faire une action particulière. Il peut s’agir de mettre en gris les options que le site ne veut pas que vous choisissiez (donnant l’impression qu’ils sont désactivés) ou d’utiliser le bleu vif pour les boutons sur lesquels il veut que vous cliquiez. Une publicité sur mobile donnait même l’impression qu’un cheveu était dans l’écran pour que les utilisent cliquent sur la publicité lorsqu’ils essayent d’enlever le cheveu de l’écran!
  • Accord par défaut : Donner l’impression que vous devez acheter ou opter pour une chose en particulier, alors que vous devez faire le contraire.
  • Auto-référencement : Les sites de commerce électronique comme Amazon vendent leurs propres marques aux côtés de produits d’autres entreprises. Il n’est pas toujours évident de déterminer qu’il s’agit de marques maison, mais elles sont généralement mieux classées dans les résultats de recherche et les recommandations que les autres marques. Les marques d’Amazon, par exemple, représentent la moitié des résultats de recherche non commandités pour la plupart des types de produits, même si elles ne représentent que 6 % des produits disponibles. Des marques comme Happy Belly Cinnamon Crunch apparaissent au-dessus de marques concurrentes beaucoup plus connues et mieux notées[12].

[1] Petrovskaya, E., et Zendle, D. (2021). « Predatory Monetisation? A Categorisation of Unfair, Misleading and Aggressive Monetisation Techniques in Digital Games from the Player Perspective ». Journal of Business Ethics, 1‑17.

[2] Hamari, J., Alha, K., Järvelä, S., Kivikangas, J.M., Koivisto, J., et Paavilainen, J. (2017). « Why do players buy in-game content? An empirical study on concrete purchase motivations ». Computers in Human Behavior, 68, 538‑546.

[3] Meyer, M., Adkins, V., Yuan, N., Weeks, H.M., Chang, Y.J., et Radesky, J. (2019). « Advertising in young children’s apps: A content analysis ». Journal of developmental & behavioral pediatrics, 40(1), 32-39.

[4] Hamari, J., Alha, K., Järvelä, S., Kivikangas, J.M., Koivisto, J., et Paavilainen, J. (2017). « Why do players buy in-game content? An empirical study on concrete purchase motivations ». Computers in Human Behavior, 68, 538‑546.

[5] Ball, C., et Fordham, J. (juillet 2018). « Monetization is the message: A historical examination of video game microtransactions ». Dans DiGRA’18–abstract proceedings of the 2018 DiGRA international conference: The game is the message (p. 25-28).

[6] Diaczok, M.P., et Tronier, P. « An Investigation of Monetization Strategies in AAA Video Games ».

[7] Cobb, C. (2017). « Video Game Monetization Strategies ». Game Developer. Consulté à l’adresse : https://www.gamedeveloper.com/business/video-game-monetization-strategies.

[8] Hamari, J., Alha, K., Järvelä, S., Kivikangas, J.M., Koivisto, J., et Paavilainen, J. (2017). « Why do players buy in‑game content? An empirical study on concrete purchase motivations ». Computers in Human Behavior, 68, 538‑546.

[9] Ibidem.

[10] Lupiáñez-Villanueva, F., Gaskell, G., Veltri, G.A., Theben, A., Folkvord, F., Bonatti, L., et Codagnone, C. (2016). « Study on the impact of marketing through social media, online games and mobile applications on children’s behaviour ».

[11] Narayanan, A., Mathur, A., Chetty, M., et Kshirsagar, M. (2020). « Dark Patterns: Past, Present, and Future: The evolution of tricky user interfaces ». Queue, 18(2), 67-92.

[12] Jeffries, A., et Yin L. (2021). « Amazon Puts Its Own "Brands" First Above Better-Rated Products ». The Markup. Consulté à l’adresse : https://themarkup.org/amazons-advantage/2021/10/14/amazon-puts-its-own-brands-first-above-better-rated-products.