Stratégies de lutte contre la cyberintimidation

La cyberintimidation est l’affaire de tout le monde, et la meilleure réponse réside dans l’action et la prévention. La base qui permettra de minimiser les risques liés à l’utilisation d’Internet est d’instaurer le plus tôt possible un échange ouvert avec son enfant sur ses activités en ligne, et d’établir avec lui des règles qui évolueront avec son âge.

La cyberintimidation est fortement liée au désengagement moral[i], c’est-à-dire à la façon dont nous pouvons nous tromper en pensant qu’il est normal de faire quelque chose que nous savons être mal ou de ne pas faire quelque chose que nous savons être juste. Favoriser l’empathie et le jugement moral chez les enfants est donc un aspect important pour la prévenir.

Stratégies pour les maisons et les écoles

Afin de combattre efficacement la cyberintimidation, il faut changer la culture dans laquelle elle se produit, en commençant par aider les enfants à comprendre que ce qui peut sembler une blague au départ peut avoir un effet profond sur quelqu’un d’autre. Il est également important de leur apprendre que la cyberintimidation est moins commune qu’ils ne pourraient le croire : les enfants et les adolescents surestiment souvent à quel point la cyberintimidation se produit réellement malgré le fait que la plupart d’entre eux disent que leurs expériences en ligne sont positives.[ii] Le fait de connaître les faits est important puisque lorsque les jeunes croient que la cyberintimidation est un comportement normal, ils sont plus susceptibles d’en faire et de la tolérer – et lorsqu’ils comprennent qu’il s’agit d’un comportement peu commun en réalité, les cas de cyberintimidation diminuent.[iii]

Les stratégies à la maison

  • Tant l’école que les parents devraient établir une entente ou un contrat d’utilisation de l’ordinateur, en collaboration avec les jeunes. Veillez à ce que votre entente comprenne des règles claires sur le comportement éthique en ligne. Des études ont montré que le taux d’intimidation baisse lorsque les enfants comprennent qu’un geste est contraire aux règles et qu’ils savent comment signaler ce geste.[iv]Servez-vous de nos fiches-conseils Entente familiale sur l’utilisation d’Internet et Règles d’utilisation des médias sociaux pour vous aider à créer des règles appropriées pour votre famille.
  • En ce qui concerne les jeunes enfants qui visitent les sites de jeux, les règles devraient porter sur les interactions en ligne : ne jamais donner de renseignements personnels et ne pas partager ses mots de passe avec les amis.
  • Au moment de l’adolescence, où l’activité sociale en ligne est intense, il est temps de discuter avec votre jeune sur la nature de ces interactions, et plus largement sur une utilisation responsable d’Internet : les sextos peut aussi prêter le flanc à la cyberintimidation, notamment lorsque la relation tourne court.

Que votre enfant soit un préadolescent ou un adolescent, parlez-lui de l’utilisation responsable d’Internet.

  • Dites à votre enfant qu’il doit s’adresser à un adulte dès le premier signe de problème. Ne tenez pas pour acquis que votre enfant le fera : seulement 8 % des adolescents qui ont été victimes d’intimidation en ligne en ont parlé à leurs parents[v].
  • Il est important de sensibiliser les jeunes aux règles de l’école et de la maison concernant l’intimidation : plutôt que de se concentrer sur les sanctions, assurez-vous qu’ils savent clairement quel comportement est attendu d’eux. Les règles doivent être souples et viser à résoudre la situation, plutôt qu’à punir l’auteur des faits. Les politiques de tolérance zéro et les punitions sévères rendent les jeunes moins susceptibles de signaler l’intimidation lorsqu’elle se produit, et la criminalisation d’un comportement normal, comme les taquineries mutuelles, les amène à ne pas respecter la loi. Des procédures claires et bien établies qui permettent aux jeunes de savoir quoi faire lorsqu’ils sont témoins ou la cible d’intimidation sont encore plus importantes que des lois strictes.
  • Mais cela ne fonctionne que si les règles écrites sont les mêmes que les règles implicites. Si nous disons aux enfants de venir nous voir lorsqu’ils ont un problème, mais que nous les punissons lorsqu’ils le font (p. ex. en coupant leur accès à Internet ou en leur retirant leur cellulaire), ils apprendront rapidement quelles sont les véritables règles[vi].
  • Pour les enfants plus jeunes, il est essentiel de les aider à développer leur empathie et leur santé émotionnelle. Il est également important de leur communiquer clairement nos attentes en matière de comportement et de les aider à développer une pensée morale davantage axée sur les règles et les codes sociaux que sur la peur de la punition.
  • Une fois qu’ils ont atteint l’âge de la préadolescence et de l’adolescence, nous devons commencer à leur enseigner les relations saines, et comment reconnaître les relations malsaines. C’est à cet âge que les enfants sont les plus sensibles aux normes sociales. Leur faire prendre conscience de la rareté de la cyberintimidation, et travailler à la rendre socialement inacceptable, est l’approche la plus efficace. Parallèlement, nous devons pousser les adolescents à développer une moralité personnelle moins légaliste et indépendante des règles sociales. (Dans une étude, les élèves des écoles intermédiaires qui exprimaient une conviction morale personnelle selon laquelle l’intimidation était inadmissible étaient les seuls à s’y opposer systématiquement[vii].)
  • L’accent mis sur l’empathie et la santé émotionnelle est particulièrement utile pour éviter que le drame ne se transforme en harcèlement et prévenir la forme de conflit mutuel de la violence relationnelle. En apprenant aux enfants à reconnaître à quel moment une taquinerie a dépassé les limites, ils seront plus susceptibles d’intervenir lorsqu’ils seront témoins d’intimidation[viii].
  • En plus d’aider les enfants à développer de l’empathie, nous pouvons leur enseigner des habitudes émotionnelles saines qui les empêcheront de réagir de manière à aggraver une situation. Encouragez-les à ne jamais publier ou répondre à quelqu’un sous le coup de la colère, mais plutôt à « s’éloigner » de la situation et à attendre qu’ils se calment. Dites-leur de se souvenir qu’une grande partie des indices que nous utilisons pour savoir si quelqu’un plaisante (ainsi que ceux que nous utilisons pour savoir si nous avons blessé quelqu’un) n’existe pas lorsque nous communiquons en ligne, et qu’il faut donc toujours commencer par supposer le meilleur de l’autre personne et ensuite parler des conflits en personne plutôt qu’en ligne. Rassurez vos enfants en leur disant qu’ils n’ont pas à vivre cette situation seuls. Parlez-leur des problèmes en ligne dès le début, avant que les choses tournent mal, et continuez d’en parler à mesure qu’ils grandissent pour qu’ils sachent qu’ils peuvent venir vous voir en cas de problème.
  • Tout cela est également vrai en ce qui concerne les relations amoureuses : il faut apprendre aux préadolescents et aux adolescents à reconnaître les signes avant-coureurs d’une relation malsaine (p. ex lorsqu’un partenaire tente de contrôler, d’isoler ou d’humilier l’autre). 
  • Les jeunes se tournent également vers les normes sociales, notamment leur famille, leurs pairs et les médias, pour savoir ce qui est normal dans les relations amoureuses. Lorsque les enfants commencent à s’intéresser aux relations, assurez-vous de savoir ce qu’ils regardent, à quoi ils jouent et ce qu’ils écoutent et soyez prêt à parler de la façon dont ces médias dépeignent les relations : les émissions de télévision, la musique, les jeux vidéo et la publicité peuvent tous présenter comme étant normales des attitudes malsaines comme la possessivité, les conflits et même la violence[ix].

Nous devons également apprendre aux enfants comment réagir lorsque quelqu’un est méchant avec eux en ligne. Montrez‑leur la fiche-conseil « Que faire si quelqu’un est méchant envers toi en ligne » et assurez-vous qu’ils en comprennent les points essentiels.

  • Ne riposte pas. Souvent, l’intimidateur cherche à te faire fâcher. En ripostant, il obtient exactement ce qu’il souhaitait.
  • Enregistre les éléments de preuve. Dite à votre enfant de s’assurer d’enregistrer les preuves si quelqu’un a été méchant envers eux en ligne. Si quelque chose leur a été envoyé directement, assurez-vous qu’ils en fassent une sauvegarde. Si c’est quelque chose qui peut être effacé (un micromessage, une mise à jour de statut, etc.) demandez-leur de faire une capture d’écran (www.commentcamarche.net/faq/398-capture-d-ecran).
  • Parles-en à quelqu’un. Assurez-vous que vos enfants sachent qu’ils venir vous voir ou aller voir un autre adulte en qui ils ont confiance en tout moment s’ils ont des ennuis. S’ils n’ont personne à qui parler hors ligne, rappelez-leur qu’ils peuvent contacter Jeunesse, J’écoute (http://www.jeunessejecoute.ca) et se confier à un de leurs conseillers spécialement formés.
  • Rappelez-leur que ce n’est pas de leur faute s’ils sont victimes de cyberintimidation. Il n’y a rien dans leur façon d’agir qui puisse justifier que quelqu’un soit méchant envers eux et il n’y a rien dans leur personne qui puisse justifier que quelqu’un soit méchant envers eux.

Consultez notre Guide de la cyberintimidation à l’intention des parents pour en savoir davantage et notre section Ressources pour parents pour obtenir des outils pratiques pour aider vos enfants à éviter et à traiter de la cyberintimidation.

Les stratégies à l’école

Les écoles ont commencé à adopter une approche plus proactive pour confronter l’intimidation, mais trop souvent, ces efforts tombent dans le stéréotype, mettent l’accent sur les pires scénarios et les plus invraisemblables, et se limitent à une intervention unique. Les jeunes interrogés dans le cadre de l’étude Jeunes Canadiens dans un monde branché effectuée par HabiloMédias, ont dit à maintes reprises avoir suivi des programmes de lutte contre la cyberintimidation – habituellement une conférence unique – qui non seulement n’ont trouvé aucun écho chez eux, mais qui leur ont aussi fait prendre la question moins au sérieux. Très souvent, ils hésitent à signaler l’intimidation parce qu’ils estiment que la présence d’un enseignant va envenimer la situation, peut-être parce que les enseignants doivent appliquer les politiques de tolérance zéro.[x]

Les jeunes surestiment souvent la fréquence de l’intimidation (et donc leur niveau d’acceptation sociale), et cela a un effet sur la fréquence à laquelle ils adoptent ce comportement. La bonne nouvelle est que lorsqu’ils sont mis au courant de la fréquence peu élevée de l’intimidation, ils sont moins susceptibles d’adopter ce comportement.[xi] Il est également possible de changer les normes sociales, et les taux d’intimidation, en demandant à des enfants très respectés et à des gens qui sont des modèles de rôle pour les jeunes de dénoncer l’intimidation.[xii]

Par contre, les programmes d’intervention efficaces présentent un certain nombre de caractéristiques communes : ils s’adressent à toute l’école ; après un incident, ils offrent un soutien tant aux jeunes ciblés qu’aux intimidateurs ; et ils fonctionnent à divers niveaux – dans la classe, à la grandeur de l’école et de concert avec les parents et la communauté.[xiii] 

En ce qui concerne les interventions, il est surtout important de mettre l’accent sur l’empathie lorsque l’on compose avec des intimidateurs-victimes : les intimidateurs « purs » sont trop bons pour trouver des raisons pour ne pas ressentir d’empathie pour que cette approche fonctionne et peuvent même en tirer profit en victimisant encore davantage leurs cibles.[xiv]

En enseignant aux jeunes à prendre de sages décisions en ligne et à utiliser la technologie de façon acceptable et responsable ; en aidant les adolescents à réfléchir avant d’agir lorsqu’ils communiquent en ligne ; et en les aidant à devenir des citoyens actifs pour créer des communautés virtuelles dans lesquelles nous aimerions tous vivre, nous pouvons donner aux jeunes les outils pour qu’ils blâment et dénoncent les comportements d’intimidation – où qu’ils se produisent.

Consultez notre section Ressources pour les enseignants pour obtenir des outils pratiques pour apprendre aux élèves à se comporter de façon éthique en ligne et pour savoir comment traiter de la cyberintimidation dans votre école.

Stratégies pour habiliter les témoins

Les témoins de cyberintimidation jouent un rôle important. Lorsqu’ils interviennent, ils peuvent mettre fin à ces actes, en atténuer les conséquences douloureuses pour la cible et même changer la culture des espaces en ligne. Cependant, malgré le fait que la majorité des jeunes Canadiens et Canadiennes veulent intervenir lorsqu’ils sont témoins de cyberintimidation, ils choisissent souvent de ne pas le faire. La plupart du temps, c’est parce qu’ils s’inquiètent d’empirer les choses pour la cible ou de devenir eux-mêmes une cible.

La bonne nouvelle est que de nombreux jeunes qui sont témoins d’intimidation interviennent. Selon le sondage, 71 % des élèves ayant participé à l’étude de HabiloMédias ont déclaré avoir fait quelque chose pour aider une personne qui était victime de méchanceté en ligne[xv].

C’est un fait bien établi que lorsque des témoins d’intimidation défendent la victime, cela peut faire une différence énorme et positive, mais pas dans toutes les situations. Il y a probablement tout autant de cas où une intervention peut faire plus de tort que de bien à la victime, au témoin, ou aux deux, et les témoins peuvent avoir un certain nombre de raisons valides de ne pas vouloir signaler un cas d’intimidation lorsqu’ils en voient un. Il ne fait également aucun doute qu’il soit possible que les témoins fassent plus de tort que de bien, soit en se joignant directement à l’intimidation, en encourageant l’auteur ou même en revictimisant la cible en partageant une vidéo ou un message intimidant.

Afin d’habiliter nos enfants et nos adolescents à être des témoins actifs et éthiques, nous devons leur donner de meilleurs conseils. Il ne suffit pas de leur dire de « défendre » une victime. Chaque situation de cyberintimidation est différente et complexe, et nous devons enseigner aux enfants le principe voulant que les témoins ne causent pas de tort : avant de faire quoi que ce soit comme témoin, ils doivent réfléchir à la façon dont leur intervention pourrait aggraver la situation. Imaginons un instant qu’un jeune hétérosexuel ou homosexuel « dans le placard » soit harcelé de commentaires homophobes et qu’un témoin bien intentionné le défende en disant qu’il n’y a rien de mal à être homosexuel. Malgré ses bonnes intentions, le témoin aura involontairement contribué à l’intimidation.

En plus de leur apprendre à réfléchir avant d’agir, nous pouvons leur enseigner à prendre certaines mesures lorsqu’ils sont témoins d’intimidation. Confronter l’auteur publiquement peut être efficace, mais cette intervention peut parfois mettre l’auteur sur la défensive (surtout s’il estime être une victime) : une confrontation privée peut être plus efficace, surtout entre amis. Lorsque les situations dramatiques penchent du côté du harcèlement, il peut être important d’agir comme médiateur. Documenter le cas d’intimidation et le signaler peuvent également être des mesures appropriées, surtout dans les cas où le processus de signalement des cas d’intimidation est clair. Assurez-vous que les jeunes savent comment signaler un cas d’intimidation dans un environnement en ligne, comme les réseaux sociaux et les jeux virtuels, et qu’ils connaissent la procédure de leur école s’il en existe une. Réconforter la victime peut avoir un effet extraordinaire : les recherches ont démontré que les victimes d’intimidation croient souvent qu’ils méritent ce qui leur arrive puisque personne ne les soutient.[xvi]

Agis! Comment avoir une influence positive quand tu es témoin de cyberintimidation est une ressource qui peut être utilisée à la maison ou en salle de classe pour encourager et habiliter les jeunes à agir lorsqu’ils sont témoins de cyberintimidation.

Agis! a été créé suite à une étude sur les expériences de la cyberintimidation des jeunes Canadiens menée en 2015 par HabiloMédias et PREVNet, l’autorité canadienne sur la recherche et les ressources portant sur la prévention de l’intimidation. Cet ensemble de ressource vise à habiliter les jeunes à faire face à la cyberintimidation en leur fournissant une gamme de stratégies pour agir, à leur donner une occasion de pratiquer le déploiement de ces stratégies et à les aider à choisir les stratégies appropriées à des situations différentes. Nous avons choisi le titre « Impact » pour deux raisons : en premier lieu pour souligner que la méchanceté et la cruauté en ligne – même quand c’est « juste pour rire » ou dans le contexte d’une situation dramatique – peuvent avoir de graves conséquences; en second lieu pour faire comprendre aux élèves qu’ils peuvent exercer un impact lorsqu’ils sont témoins de cyberintimidation.

La pièce maîtresse du programme Impact! est un outil interactif qui guide les jeunes dans leur processus de prise de décision en leur posant des questions telles que « Sais-tu clairement qui fait l’intimidation et qui en est la cible? » et « Penses-tu que la cible est menacée ou en danger dans l’immédiat? ». Chaque réponse guide l’élève vers une liste d’options appropriées pour la situation en question et des exemples de phrases à dire lorsqu’ils parlent aux cibles ou aux intimidateurs.

Cet outil est complété par un plan de cours pour les jeunes de la 7e à la 9e année (secondaire 1 à secondaire 3) qui comprend des jeux de rôle pour développer leur empathie et permettre aux élèves de pratiquer les stratégies qu’ils apprendront ainsi qu’un ensemble d’affiches pour la salle de classe qui remettent en question les raisons que les élèves donnent souvent pour ne pas intervenir, par exemple « Je veux dire quelque chose, mais je ne sais pas si ça va faire une différence » et « J’ai peur qu’en défendant cette personne je devienne la prochaine cible ».

Dilemmes moraux liés à la cyberintimidation

Nous pouvons aider les jeunes à développer une moralité personnelle qui les guidera à prendre de bonnes décisions en discutant des dilemmes moraux qui touchent aux différents aspects de la question. Il faut se rappeler qu’il est important qu’un dilemme moral n’ait pas de réponse correcte claire afin que les jeunes pratiquent leur raisonnement moral.

Pour aider les jeunes à savoir quoi faire lorsqu’ils sont témoins de situations d’intimidation, nous pouvons utiliser un dilemme moral comme celui-ci : alors qu’il joue à un jeu en ligne, François constate que son ami Michel est harcelé par un autre joueur, Alain, qui « tue » le personnage de Michel et lui tend une embuscade chaque fois qu’il retourne au jeu (ce que l’on appelle « camper », une violation grave de l’étiquette dans la culture du jeu). Cependant, François sait que Michel a abusé verbalement Alain dans le passé, lui criant des noms et refusant de le laisser se joindre à des équipes. Bien que François et Michel jouent souvent ensemble, François n’a jamais rien fait lorsque Michel intimidait Alain. Que devrait-il faire?

L’enfant peut alors se poser de nombreuses questions : Michel a-t-il « mérité » le traitement en raison de ce qu’il a fait à Alain? Quelle différence de gravité y a-t-il entre les deux comportements (abus verbal et exclusion par rapport à l’impossibilité de jouer au jeu)? Est-il important de savoir que le comportement de Michel est fréquent et accepté dans la culture du jeu alors que celui d’Alain ne l’est pas? François devrait-il prendre en considération les conséquences possibles de dénoncer Michel ou Alain aux modérateurs du jeu? En vous rappelant que les jeunes donnent habituellement plus de poids à un argument moral à un niveau supérieur au leur, vous pourriez suggérer à un enfant du stade I ou II (motivé par l’espoir d’une récompense ou la peur d’une punition) comment il croit que le comportement de Michel et d’Alain, et toute mesure prise par François, affectera la communauté au sein du jeu et la capacité de tous de s’amuser. Un enfant du stade III ou IV (qui se soucie principalement des lois et des codes sociaux) peut être encouragé à considérer quelle mesure correspondrait le mieux à l’esprit des règles du jeu (lesquelles visent toutes à s’assurer que tous peuvent jouer au jeu et s’amuser) ou au principe voulant que tous aient droit au respect.

En plus d’être témoin d’intimidation, les jeunes peuvent être tentés d’adopter un comportement intimidant. Imaginons qu’Emma, alors qu’elle édite une vidéo pour la danse de l’école pour l’album annuel, trouve des séquences d’une fille prénommée Geneviève qui ne sait apparemment pas qu’elle a une large tache de sauce à pizza sur son t-shirt. Geneviève faisait autrefois partie du cercle d’amis d’Emma, mais en a été exclue au cours des derniers mois et est devenue la cible de beaucoup de taquineries. Emma sait que si elle publie la vidéo, tous ses amis la partageront et « l’aimeront » et que Geneviève, en raison de la tache de sauce à pizza, se fera taquiner beaucoup sur son poids. Que devrait faire Emma? Voici quelques questions à se poser : Cela fait-il une différence que la vidéo ait été faite lors d’un événement public et que les gens puissent avoir déjà vu la tache? La situation est-elle pire parce que Geneviève était auparavant l’amie d› Emma? La situation est-elle pire parce qu’Emma a trouvé la vidéo pendant qu’elle faisait un travail scolaire plutôt que de l’avoir filmé elle-même?

Les enfants du stade I ou II peuvent être encouragés à penser s’il est bon pour un groupe de tourner le dos à ses membres, et à se demander si la même chose pourrait arriver à Emma si elle encourage ce type de comportement. Les enfants du stade III ou IV peuvent se demander si Emma devrait se sentir davantage responsable parce qu’elle utilise l’équipement de l’école et a été mise en position de confiance (elle n’aurait pas accès aux séquences si elle ne travaillait pas sur l’album annuel) et si les gens ont le droit à la dignité, même s’ils renversent de la sauce à pizza sur leur t-shirt. Qu’est-ce qu’Emma voudrait que Geneviève fasse si les positions étaient inversées?

Cette question montre que ce ne sont pas seulement les témoins et les auteurs d’intimidation qui font face à des dilemmes moraux, mais les cibles d’intimidation également. Imaginons que Florence, une élève dont les vidéos de danse ont reçu de nombreux commentaires méchants d’un élève plus âgé nommé Daniel et de ses amis, visite sa page Facebook au laboratoire d’informatique de l’école et constate que Daniel avait utilisé l’ordinateur pour visiter sa propre page Facebook et qu’il n’a pas fermé sa session. Elle a maintenant l’occasion de voir toutes ses photos privées, d’envoyer des messages méchants en prétendant être Daniel ou de changer son mot de passe pour lui barrer l’accès à son compte. Que devrait-elle faire?

Les enfants du stade I ou II du développement moral peuvent être encouragés à penser à l’impact que la situation aura sur d’autres personnes et l’école en général (les gens pourraient vraiment être blessés par les faux messages, et Facebook pourrait être bloqué à l’école) et à propos du fait que Facebook a établi des règles strictes contre la personnification d’une autre personne. Ceux du stade III ou IV peuvent se demander si le droit de Daniel de contrôler sa propriété rend la personnification pire que ces commentaires méchants sur YouTube (essentiellement un espace public) et si le principe voulant qu’on ne guérisse pas le mal par le mal s’applique dans cette situation.

 

[i] Lo Cricchio, M. G., García-Poole, C., te Brinke, L. W., Bianchi, D., & Menesini, E. (2021). Moral disengagement and cyberbullying involvement: A systematic review. European Journal of Developmental Psychology, 18(2), 271-311.

[ii] Teens, Kindness and Cruelty on Social Network Sites. Pew Research Institute, 9 novembre 2011.

[iii] Mihiri Udabage. « What Makes Teenagers Stand Up for Bullying Victims? » HappyChild.com, 20 février 2013. <http://www.happychild.com.au/articles/what-makes-teenagers-stand-up-for-bullying-victims>

[iv] Tannenbaum, Barbara. « Bullying: How Educators Can Make Schools Safer, » Edutopia, 19 septembre 2010.

[v] Mishna, Faye, Alan McLuckie, and Michael Saini. Real-World Dangers in an Online Reality: A Qualitative Study Examining Online Relationships and Cyber Abuse, 2009.

[vi] Mishna, Faye, Alan McLuckie, and Michael Saini. Real-World Dangers in an Online Reality: A Qualitative Study Examining Online Relationships and Cyber Abuse, 2009.

[vii] Silvia Diazgranados Ferrans, Robert L. Selman and Luba Falk Feigenberg. Rules of the Culture and Personal Needs: Witnesses’ Decision-Making Processes to Deal with Situations of Bullying in Middle School. Harvard Educational Review, Winter 2012. <http://hepg.org/her-home/issues/harvard-educational-review-volume-82-number-4/herarticle/witnesses%E2%80%99-decision-making-processes-to-deal-with>

[viii] Mihiri Udabage. « What Makes Teenagers Stand Up for Bullying Victims? » HappyChild.com, 20 février 2013. <http://www.happychild.com.au/articles/what-makes-teenagers-stand-up-for-bullying-victims>

[ix] Nance Haxton. « Cartoons, TV and pollies ‘create school bullies.” PM, 18 février 2010. <http://www.abc.net.au/news/2010-02-18/cartoons-tv-and-pollies-create-school-bullies/335914>

[x] Steeves, Valerie. Jeunes Canadiens dans un monde branché phase III : Discuter de la vie en ligne entre parents et jeunes. HabiloMédias, 2012.

[xi] Mihiri Udabage. « What Makes Teenagers Stand Up for Bullying Victims? » HappyChild.com, 20 février 2013. <http://www.happychild.com.au/articles/what-makes-teenagers-stand-up-for-bullying-victims>

[xii] Hinduja, Sameer. « Anonymous Reporting for Bullying and Cyberbullying Incidents. » Cyberbullying Research Center, 29 novembre 2012. http://cyberbullying.us/blog/anonymous-reporting-for-bullying-and-cyberbullying-incidents.html

[xiii] Craig, Wendy. Testimony before the Senate Committee on Human Rights, 12 décembre 2011.

[xiv] Nicole Brady. « Empathy Work Lost on One in Five Cyber Bullies. » Sydney Morning Herald, 19 aout 2012. <http://www.smh.com.au/national/empathy-work-lost-on-one-in-five-cyber-bullies-20120818-24f3g.html>

[xv] Johnson, M., Li, J. H. S., & Craig, W. (2015). Les expériences de la cyberintimidation des jeunes Canadiens. HabiloMédias.

[xvi] Jacquine Miller. « Stop bullying? Make it socially unacceptable, says psychologist. » Ottawa Citizen, 21 octobre 2012.