Comment les jeunes intimident en ligne

En ligne, la violence verbale ou psychologique est la forme la plus fréquente d’intimidation. L’intimidation sociale, une autre forme répandue – particulièrement chez les filles – comprend l’exclusion sociale et la propagation de médisances et de rumeurs.

Une autre technique d’intimidation particulièrement courante dans le contexte des relations consiste à rendre public le contenu censé être privé – par exemple une photo ou une vidéo. Enfin, on peut avoir recours à l’usurpation d’identité ou à la mystification – lorsqu’une personne se fait passer pour la victime – pour intimider. Ces formes d’intimidation psychologique peuvent être encore plus dévastatrices lorsqu’elles s’exercent par le biais des médias numériques.

On ne s’étonnera pas que les jeunes soient le plus souvent intimidés sur les réseaux sociaux. Les messages textes et services de messagerie instantanée viennent au second rang, YouTube occupant la troisième place, loin derrière. Les sextos peuvent aussi prêter le flanc à la cyberintimidation : les messages personnels, les photos compromettantes, même envoyées à de vrais amis – ou petits amis – peuvent se révéler embarrassants si la relation tourne au vinaigre, et que les photos privées se voient divulguées.

Les jeux multijoueurs en ligne et les mondes virtuels possèdent un mode « chat » qui permet aux joueurs d’interagir et de se concerter. Des recherches ont révélé que 8 personnes sur 10 qui jouent à des jeux multijoueurs en ligne ont été victimes d’une forme de harcèlement, et que près de 7 sur 10 ont subi des gestes plus graves comme des menaces, du harcèlement et de l’intimidation soutenue[i].

Formes de cyberintimidation

Bien qu’il existe différentes façons d’adopter des comportements intimidants (personnification, messages abusifs, rumeurs, affichage de contenu privé, etc.), on peut les décrire comme correspondant à quatre différentes formes, selon que la victime connaît l’intimidateur, qu’il s’agit d’un incident unique ou persistent, et qu’il se produit en public ou en privé. Toutefois, les limites entre ces quatre modèles ne sont pas toujours claires : une situation peut d’abord être une certaine forme d’intimidation et évoluer vers une autre, et une même personne peut adopter ou être victime de plus d’un type d’intimidation.

Enquiquinement

L’enquiquinement (« griefing » en anglais) est possiblement la forme la plus commune d’intimidation en ligne, visant à irriter ou à embêter les gens. (Ce comportement est parfois également appelé « narguer », ce qui, à l’origine, était une façon de provoquer les gens et de les faire fâcher.) L’enquiquinement est généralement partiellement ou entièrement anonyme puisque l’auteur peut cibler quelqu’un qu’il ne connaît pas ou connaît seulement en ligne. L’enquiquinement est généralement un événement isolé, qui se poursuit seulement une fois que l’enquiquineur a obtenu la réaction qu’il veut, bien que cela puisse également s’avérer être du harcèlement persistant. L’enquiquinement est également presque toujours public puisque l’enquiquineur cherche à impressionner ses pairs autant qu’à obtenir une réaction de sa cible.

Situations dramatiques

Les situations dramatiques (« drama » en anglais) sont également une autre forme commune d’intimidation, des termes qu’utilisent souvent les jeunes pour décrire des querelles sur les médias numériques. Contrairement à l’enquiquinement, les gens impliqués dans des situations dramatiques se connaissent, presque toujours hors ligne ainsi qu’en ligne. Il est souvent difficile de déterminer qui est l’auteur et qui est la cible. Élément important, les situations dramatiques sont considérées comme des incidents isolés, des situations qui peuvent « se calmer », après quoi les personnes concernées redeviennent des amis, une raison pour laquelle les jeunes préfèrent ne pas considérer les situations dramatiques comme étant de l’intimidation. Comme le nom le suggère, les situations dramatiques sont en quelque sorte une prestation publique à l’intention des amis et des pairs, et les amis appuieront souvent l’une ou l’autre des parties concernées.

Harcèlement

Lorsque l’intimidation est personnelle et persistante, on peut la décrire comme étant du harcèlement. C’est le type qui ressemble le plus à notre idée traditionnelle d’intimidation, des situations où une personne (et parfois un groupe) s’en prend à quelqu’un d’autre. L’une des principales différences entre les situations dramatiques et le harcèlement est que les personnes concernées par les situations dramatiques ont à peu près le même « pouvoir social » (tout comme dans une situation physique, une différence de taille peut être une différence entre une situation d’intimidation et une simple querelle). Toutefois, si plus de témoins appuient une personne plus que l’autre, ou qu’un élément vient affaiblir le statut social d’une personne, les situations dramatiques peuvent facilement devenir du harcèlement.

Une situation peut également être du harcèlement dès le départ et se produire principalement en privé, comme l’envoi de menaces ou de messages textes abusifs, bien qu’il soit rare qu’il n’y ait aucun témoin.

Violence dans les relations

La violence dans les relations peut se produire partiellement ou entièrement par l’intermédiaire des médias numériques. Selon une étude réalisée en 2020, 28,1 % des jeunes âgés de 12 à 17 ans qui ont eu une relation amoureuse au cours de la dernière année ont déclaré avoir été victimes d’au moins une forme d’abus en ligne dans le cadre de rencontres en ligne[ii]. Ces actions se déroulent principalement entre l’auteur et la cible, mais dans certains cas (comme lorsque l’auteur répand des rumeurs sur la cible ou partage du contenu embarrassant) les auteurs peuvent utiliser un public pour empirer les choses. L’abus dans les relations en ligne se limite rarement au monde numérique : 81 % des jeunes qui ont été victimes d’abus dans les rencontres en ligne ont également été victimes d’abus hors ligne[iii].

Compte tenu du lien étroit entre l’intimidation en ligne et hors ligne, il n’est pas étonnant qu’une grande partie du harcèlement en ligne se produise dans le contexte des relations. Les garçons et les filles déclarent commettre des actes d’intimidation et être victimes de la violence dans les relations en ligne dans à peu près les mêmes proportions, et il y a un lien très étroit entre être victime de la violence en ligne et être victime de la violence dans les fréquentations hors ligne. Comme d’autres formes de cyberintimidation, la violence dans les relations en ligne tire parti du fait que les jeunes sont constamment branchés au monde numérique, par l’ordinateur ou le téléphone cellulaire. Cela est particulièrement vrai dans le cas de cyberharcèlement – la surveillance incessante d’un partenaire passé, actuel ou potentiel. Parce que le monde en ligne fait inextricablement partie de la vie sociale des jeunes, il arrive souvent que les victimes ne puissent bloquer l’accès aux harceleurs sans s’isoler complètement.

 

[i] League, A. D. (2019). Free to Play?: Hate, Harassment and Positive Social Experiences in Online Games. Center for Technology & Society.

[ii] Patchin, J et al (2020). Digital Dating Abuse among a national sample of U.S. Youth. Journal of Interpersonal Violence.

[iii] Ibid.