Image corporelle – Publicité et magazines

La publicité, surtout celle qui traite de mode et de cosmétiques, semble avoir un grand impact sur l’image de soi et sur l’apparence que nous « devrions » avoir. Les publicités ont aussi une grande influence sur l’image et l’insatisfaction corporelles : la moitié des publicités diffusées dans les magazines pour adolescents utilisent une « beauté sexualisée » pour vendre des produits, créant une mentalité dès leur plus jeune âge voulant que pour être beaux, il faut agir d’une certaine façon et avoir un certain look[1].

À gauche: publicité de Calvin Klein avec une photo de Justin Beiber. À droite: photo originaleCes magazines passent des messages via le contenu et via les images représentant des corps féminins – et, de plus en plus, des corps masculins. La femme américaine moyenne, par exemple, porte des vêtements de taille 14, alors que l’Association of Model Agents recommande que les mannequins professionnelles ne portent pas plus qu’une taille 2 [2].

Même ces mannequins dangereusement maigres ne sont pas assez minces, aux yeux des éditeurs de magazines, qui ont recours à Photoshop et autres outils de retouche photo pour créer des femmes « d’une minceur invraisemblable » - ou pour retoucher les photos de célébrités soucieuses de se conformer à cette norme. Les images d’hommes dans les magazines sont aussi souvent manipulées pour donner l’apparence mince et musclée idéale [3].

Comment expliquer cette volonté farouche de voir les mannequins devenir de plus en plus maigres, au point d’effacer certaines parties de leur anatomie ? [4] Ce n’est pas sorcier, les annonceurs sont persuadés que la maigreur des mannequins est le facteur gagnant, c’est ce qui fait vendre leurs produits. Pendant près d’un siècle, les annonceurs ont fait appel – ou contribué – à l’insécurité des femmes dans l’espoir de leur vendre la solution  [5]. En fait, on associe étroitement publicité et sentiment d’insécurité; à telle enseigne que lorsqu’on présente aux femmes une publicité fictive annonçant des produits comme des chaussures, un parfum ou un désodorisant, elles seront plus enclines à être négatives en répondant à des questions comme « Dans quelle mesure êtes-vous attrayante ? » ou « Dans quelle mesure aimez-vous votre apparence physique ? » que si ces mêmes produits leur sont présentés dans un cadre neutre  [6].

À gauche: photo de Britney Spears. À droite: photo originaleC’est un fait - quand des femmes ayant un poids normal ou un surpoids voient des photos de femmes très maigres, elles se jugent de façon négative  [7]. Mais de récentes recherches ont démontré que la pratique ayant cours dans le monde de la mode et de la publicité fait erreur, en adoptant de telles pratiques, car les consommatrices et consommateurs se détournent graduellement des produits qui éveillent, chez eux, de l’insécurité. (Toutefois, cette même recherche montre qu’en présence de mannequins faisant de l’embonpoint, les femmes voient leur niveau d’estime personnelle chuter.)  [8]

Publicité de la collection Aerie "Real Me" mettant en vedette des femmes de différents types de corps.Certains médias font cependant des efforts pour renverser cette tendance dans l’industrie de la mode. Depuis plusieurs années, le magazine québécois Coup de Pouce présente régulièrement des femmes rondes dans ses pages de mode et le magazine Châtelaine s’est engagé à ne pas retoucher les photos qu’il publie et à ne pas présenter de mannequins ayant moins de 25 ans. [9] Certains détaillants de vêtements s’engagent à ne plus embaucher de mannequins d’une maigreur excessive, notamment Aerie. En 2014, l’entreprise Aerie a promis de ne pas retoucher les images utilisées dans ses publicités pour ses vêtements dans le cadre de la campagne #Aerie REAL. Ce changement dans sa publicité a entraîné une hausse de ses bénéfices de 26 % en 2016, suggérant que cette tendance fait écho à l’évolution des perspectives mondiales concernant l’image corporelle [10].

L’industrie, de l’intérieur comme de l’extérieur, résiste au changement : le jour où le magazine australien New Woman a choisi de présenter un mannequin de forte taille en page couverture, la direction a reçu des tonnes de lettres de lectrices reconnaissantes saluant leur courage, mais les annonceurs se sont plaints et le magazine est revenu à ses mannequins qui n’ont plus que la peau et les os [11]. Selon Kirstie Clements, ancienne rédactrice en chef du magazine Australian Vogue, cette réponse n’est pas inhabituelle : « Les rédacteurs en chef sont tellement emballés par le look d’un vêtement sur une mannequin de taille 4 qu’ils ne voient pas le danger inhérent du message. Bon nombre de maisons de couture sont horrifiées à l’idée de produire une taille 14 et ne voudraient certainement pas l’afficher dans les pages des magazines [12]. »

Les influenceurs en ligne sont aussi une autre forme de publicités auxquelles sont exposés les adolescents et une autre source de problèmes d’image corporelle. Certains réseaux sociaux populaires auprès des jeunes ont pris des mesures pour traiter de la question. Par exemple, Instagram a changé ses politiques en 2019 pour mettre fin à la promotion de produits amaigrissants et de procédures esthétiques. Selon Emma Collins, gestionnaire des politiques publiques pour Instagram, « nous voulons qu’Instagram soit un environnement positif pour toutes les personnes qui l’utilisent, et cette politique fait partie de nos efforts continus pour réduire la pression que ressentent parfois les gens en raison des médias sociaux ». Que ces réseaux fassent ou non la promotion de produits amaigrissants, l’exposition constante à des images de corps parfaits, souvent photomanipulées, d’hommes et de femmes a un impact, même lorsque les utilisateurs savent que les images ont été altérées [13]. Contrairement aux publicités traditionnelles, les publicités des influenceurs côtoient des photos des pairs des jeunes, ce qui a un effet similaire sur les perceptions de leur corps [14]. Par conséquent, bon nombre d’adolescents estiment que la seule façon d’atteindre ce « statut de mannequin » est d’utiliser les produits amaigrissants qui leur sont présentés en ligne montrant des mannequins dont l’image a été numériquement manipulée à qui ils essaient de ressembler [15].

 

 

[1] Wang, K (2017). The impact of advertisements: How female readers in China perceive fashion magazine advertisements and white ski. Kansas State University. p.11)

[2] Jones B. (2017) Model Diversity in Fashion Advertising: The Influence of Self-Model Congruity on Body Appreciation. University of Minnesota.

[3] «The Complicated Art of Airbrushing Abdominals.» Jezebel, 7 octobre 2010. http://jezebel.com/5658169/the-complicated-art-of-creating-abdominals?tag=photoshopofhorrors

[4] “May Vogue Visits The Future And The Future Is Missing A Clavicle.” Jezebel, May 6, 2008. <http://jezebel.com/387701/may-vogue-visits-the-future-and-the-future-is-missing-a-clavicle>

[5] Copeland, Libby. «How advertisers create body anxieties women didn’t know they had and then sell them the solution.» Slate, 14 avril 2011.

[6] «The Self-Activation Effect of Advertisements: Ads Can Affect Whether and How Consumers Think About the Self,” by Debra Trampe, Diederik A. Stapel and Frans W. Siero, The Journal of Consumer Research.

[7] Dirk Smeesters, Thomas Mussweiler, and Naomi Mandel. «The Effects of Thin and Heavy Media Images on Overweight and Underweight Consumers: Social Comparison Processes and Behavioral Implications.» Journal of Consumer Research: avril 2010.

[8] «Real curves on models don’t always appeal.» 17 mars 2010.

[9] Schlossberg, M (2016) These unretouched photos show why a teen retailer is giving Victoria’s Secret a run for its money. Business Insider. Retrieved from https://www.businessinsider.com/aerie-ad-photos-are-not-airbrushed-2015-7

[10] Kilbourne, J. (1999). Can’t buy my love. New York, NY: Simon & Schuster

[11] Peter Walker. “Young, white and super skinny? We don’t buy it, women tell advertisers.» The Guardian, 10 janvier 2010.

[12] Clements, K (2013). Former Vogue Editor: The truth about Size Zero. The Guardian. Retrieved from https://www.theguardian.com/fashion/2013/jul/05/vogue-truth-size-zero-kirstie-clements

[13] Mariska Kleemans, Serena Daalmans, Ilana Carbaat & Doeschka Anschütz (2018) Picture Perfect: The Direct Effect of Manipulated Instagram Photos on Body Image in Adolescent Girls, Media Psychology, 21:1, 93-110, DOI: 10.1080/15213269.2016.1257392

[14] Jasmine Fardouly, Lenny R. Vartanian, Negative comparisons about one’s appearance mediate the relationship between Facebook usage and body image concerns, Body Image, Volume 12, 2015, Pages 82-88, ISSN 1740-1445, https://doi.org/10.1016/j.bodyim.2014.10.004.

[15] Thorbecke, K (2019) Instagram announces new policies for promoting diet products, cosmetic procedures. ABC News. Retrieved from https://abcnews.go.com/Business/instagram-announces-policies-promoting-diet-products-cosmetic-procedures/story?id=65716682