Une telle attirance nous porte à croire que ces deux médias ont une action indirecte parce qu’ils influencent la perception de l’image corporelle au sein des groupes et des communautés culturelles. Prenons pour exemple la télésérie Friends, qui a fracassé des records de popularité dans les années ’90 et qui est souvent diffusée en reprises encore aujourd’hui. Selon des chercheurs, les jeunes femmes sont insatisfaites de leur apparence après avoir visionné un segment de dix minutes de Friends [2] .Comme le contenu de ce segment ne traite pas directement du poids ou de l’image corporelle, on peut présumer que le visionnement d’émissions semblables aurait le même effet.
On peut sans doute expliquer ce phénomène par le nombre très restreint, au petit écran, de femmes ayant un poids moyen ou un surpoids. Selon le chercheur Gregory Fouts, les femmes de poids inférieur à la moyenne sont surreprésentées dans les émissions où seulement cinq p. cent des femmes sont en surpoids. Quand une femme plantureuse apparaît à la télévision, elle reçoit souvent les commentaires peu élogieux de ses partenaires de plateau qui se prononcent sur son apparence physique. Des commentaires souvent suivis de rires « en boîte », indiquant à l’auditoire qu’il est de bon ton de s’allier à ce genre d’humour [3]. Dans la télésérie Friends, on nous présente en flashback le personnage de Monica à l’époque où elle faisait de l’embonpoint – personnifié par la même comédienne, revêtue cette fois d’un « juste-au-corps rembourré » - et dont le surpoids fait l’objet de blagues à répétition. Des chercheurs ont étudié des émissions jeunesse présentées à la télévision et ont noté la présence de plusieurs personnages affichant un poids moyen ou un surpoids, ce qui reflète assez bien la réalité de tous les jours. Mais d’autres découvertes les attendaient, plus troublantes celles-là : les personnages Afro-américains étaient beaucoup plus souvent représentés comme obèses, en comparaison aux personnages Blancs et, qui plus est, un obèse sur quatre jouait le rôle d’une personne impopulaire ou sans amis [4].
Il semble que d’autres genres d’émissions jeunesse, fort populaires – comédies dramatiques et téléréalités diffusées à grandes heures d’écoute – auraient les mêmes effets. Des émissions comme Gossip Girls et Dre Grey, leçons d’anatomie, où la minceur est associée à d’autres qualités convoitées comme être riche et désirable, renforce l’idée voulant qu’il vaut mieux être maigre – une perception que partagent et les gars et les filles [5]. De plus, les filles qui suivent régulièrement les téléréalités seront plus sujettes à croire que leur beauté est ce qui importe le plus dans leur vie et à affirmer qu’elles préfèrent être reconnues pour leur beauté extérieure qu’intérieure [6].
Le cinéma – y compris celui qui s’adresse aux enfants – ne réussit pas davantage à donner une image réaliste de la femme. Dans le cadre d’une recherche menée en 2008, on a découvert que les personnages féminins campés dans des films d’animation cotés G sont plus souvent dotés de tailles fines et de seins proéminents que les personnages féminins tirés de films d’action – et ce, même en les comparant à des personnages de films cotés R [7].
Fort heureusement, il existe des gens qui oeuvrent pour changer les choses, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’industrie du cinéma et de la télévision. Soulignons à ce titre l’œuvre de l’Institut Geena Davis (http://www.seejane.org/) dont la mission est de publier des résultats de recherches et des ressources pour les parents et les enseignants, dans le but d’améliorer l’image de la femme véhiculée au cinéma et à la télévision. L’Institut américain organise une conférence bi-annuelle sous le thème deL’égalité des sexes dans les médias où activistes, universitaires et partenaires de l’industrie du divertissement se rencontrent dans le but précis de promouvoir l’égalité des sexes dans les médias.
[1] YPulse Report 28 juillet-11 août 2011.
[2] Want, S.C., Vickers, K. & Amos, J. (2009). The influence of television programs on appearance satisfaction: Making and mitigating social comparisons to “Friends”. Sex Roles, 60, 642-655.
[3] Fouts, G., & Vaughan, K. (2002). Television situation comedies: Male weight, negative references, and audience reactions. Sex Roles, 46(11/12), 439-442.
[4] Robinson T, Callister M, Jankoski T. Portrayal of body weight on children’s television sitcoms: a content analysis. Body Image. 2008:5: 141–151.
[5] Tiggemann, M., 2005. Television and adolescent body image: the role of program content and viewing motivation. Journal of Social and Clinical Psychology, 24(3), 361-381.
[6] “Real to Me: Girls and Reality TV.” Girl Scout Research Institute, octobre 2011.
[7] Stacy L. Smith and Crystal Allene Cook, “Gender Stereotypes: An Analysis of Popular Films and TV” (Los Angeles: Geena Davis Institute for Gender and Media, 2008).