Jeux vidéo - Les inquiétudes

Dans l'industrie du divertissement, c'est le secteur des jeux vidéo qui connaît la croissance la plus rapide, devancé uniquement par la musique pour ce qui est de la rentabilité. En 2011, les ventes globales de logiciels de jeux vidéo ont atteint près de 17 milliards de dollars aux États-Unis [1].

Presque tous les enfants et les adolescents s’adonnent aux jeux vidéo : plus de 80 pour cent des Canadiens âgés de 6 à 17 ans disent jouer régulièrement des jeux vidéo [2]. Cependant, les jeux gagnent la faveur du grand public de sorte que les enfants représentent une part plus faible du marché et qu’un nombre croissant de jeux parmi les plus populaires sont classés « M » (s’adressent aux 17 ans et plus). Si l’industrie du jeu vidéo s’abstient généralement de vendre les jeux classés M aux enfants (une étude publiée en 2011 révèle que seulement 13 pour cent des jeunes qui ont tenté d’en acheter ont pu le faire [3]), plusieurs enfants les jouent tout de même : les deux tiers des garçons de 12 à 14 ans ainsi qu’un quart des filles déclarent avoir joué un jeu classé M « souvent dans les six derniers mois » [4].

Malgré l’impact considérable des jeux vidéo sur la culture des jeunes, il existe peu de recherches sur le sujet et celles dont on dispose résistent mal à l’examen critique. Ce manque d’analyse signifie que nous connaissons très peu l’effet potentiel des jeux vidéo sur le développement et la socialisation des enfants. Même si les jeux vidéo présentent plusieurs aspects positifs, cette forme de divertissement très interactif suscite également un certain nombre de problèmes.

Pratique excessive des jeux vidéo

Selon des études internationales, de sept à onze pour cent des joueurs de jeux vidéo manifestent des symptômes associés à la dépendance [5]. Certains adolescents sont des utilisateurs assidus des jeux de rôle tels que World of Warcraft et de jeux multijoueur tels que Call of Duty, dans lesquels ils interagissent avec d’autres joueurs en temps réel. Ces adolescents négligent souvent leur travail scolaire et d’autres aspects de leur vie quotidienne lorsqu’ils s’immergent dans ces jeux. Bien qu’il ne soit pas clair si on peut effectivement parler de « dépendance », l’American Medical Association a identifié la consommation excessive de jeux vidéo en tant que comportement et pourrait l’inclure dans une prochaine édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM).

Plus de dix millions d’adeptes du monde entier jouent World of Warcraft, un des jeux les plus populaires sur Internet ; en général, les joueurs passent plus de 20 heures par semaine à jouer. De plus, des jeux occasionnels tels que Farmville et Angry Birds – conçus pour se jouer en plusieurs courtes séances par jour, souvent sur Facebook ou sur une tablette électronique – sont devenus un secteur très lucratif de l’industrie – et pourraient créer une dépendance autant que d’autres types de jeux.

Les effets potentiellement négatifs sur la santé physique constituent une autre préoccupation liée à la pratique excessive des jeux vidéo. Si un enfant passe de longues périodes de temps à jouer des jeux vidéo, cela pourrait se faire aux dépens de passe-temps plus actifs.

Les adultes qui s’inquiètent du temps que consacre un adolescent aux jeux vidéo devraient néanmoins se souvenir qu’il est normal pour les jeunes de se lancer corps et âme dans un passe-temps. Pour déterminer si la pratique du jeu vidéo devient excessive, considérez les effets que cette activité a sur l’adolescent : est-ce qu’il passe moins de temps avec ses amis ? Est-ce que ses notes baissent à l’école ? Son sommeil ou l’état général de sa santé s’en trouvent-ils affectés ?

Lorsqu’il devient difficile pour un enfant ou un adolescent de contrôler sa consommation de jeu, un adulte peut l’aider en fixant des limites de temps sur le jeu et en l’encourageant à participer à d’autres activités.

La violence

Il est difficile pour les jeunes enfants de faire la distinction entre le réel et l’imaginaire, ce qui les rend plus vulnérables aux effets de la violence dans les médias. S’ils sont exposés à des niveaux élevés de violence dans les jeux vidéo, ils peuvent devenir plus agressifs et plus craintifs.

Les enfants ont facilement accès à des jeux informatiques et des jeux vidéo violents. Ils achètent rarement ces jeux eux-mêmes (une étude de la Commission fédérale américaine du commerce (FTC) révélait en 2011 que 13 pour cent des « clients mystère » âgés de moins de 18 ans ont réussi à acheter un jeu classé M[6]), mais ils les jouent. Une étude réalisée par la Kaiser Family Foundation montre que 65 pour cent des jeunes de la 7e à la 12e année (y compris les trois quarts des garçons) avaient joué Grand Theft Auto, un jeu classé M [7] tandis qu’une autre étude révèle que les deux tiers des garçons de 12 à 14 ans jouent souvent ces jeux [8].

L'industrie du divertissement fait activement la promotion de productions violentes auprès des jeunes enfants. En septembre 2000, la Commission fédérale du commerce des États-Unis (FTC) a publié un rapport dénonçant la façon dont les industries des médias diffusent activement auprès des jeunes des contenus violents destinés aux adultes [9]. Presque toutes les sociétés de jeux vidéo examinées par la FTC font régulièrement la promotion de jeux violents classés M auprès des enfants. Par exemple, LittleBigPlanet, un jeu classé E, comprend du contenu destiné à promouvoir un autre jeu Sony, Metal Gear Solid 4, qui est classé M. Dans leur livre Grand Theft Childhood, les docteurs Cheryl Olson et Lawrence Kutner affirment que les enfants qui jouent surtout des jeux classés M (que le contenu soit violent ou sexuel) sont plus susceptibles de participer à des bagarres ou à des actes d’intimidation. 

Les parents devraient prêter attention si leur enfant consomme de façon excessive des productions violentes – films, musique, émissions de télévision et jeux vidéo – et si son comportement est agressif ou dépressif. Si vous avez des inquiétudes, il est important d’obtenir du counseling par le biais de l’école, des services médicaux ou des services sociaux pour répondre aux besoins en santé mentale de votre enfant.

Le Entertainment Software Ratings Board (ESRB) classe les jeux vidéo disponibles au Canada en fonction de critères tels que la violence et le contenu pour adultes. Tous les jeux vidéo vendus au Canada doivent afficher la cote de classement ESRB qui signale le contenu pouvant poser un problème. 

Stéréotypes liés au genre 

Comme toutes les formes de médias populaires, les jeux vidéo peuvent influencer la façon dont les jeunes se perçoivent et perçoivent les autres. La plupart des jeux vidéo sont conçus par des hommes pour des hommes. C’est pourquoi certains jeux vidéo, y compris les plus populaires classés M tels que la série Grand Theft Auto, véhiculent du contenu misogyne et admettent la violence envers les femmes, permettant et même récompensant des comportements tels que la violence dans les relations sexuelles avec les prostituées, le viol et le meurtre. Comme l’explique le docteur Karen Dill, « Lorsqu’on montre sans cesse les femmes comme des objets sexuels plutôt que des protagonistes, qu’on les représente constamment de façon humiliante et dégradante, qu’on les décrit continuellement comme soumises, on admet et on soutient la violence contre les femmes, la coercition exercée contre les femmes et les attitudes hostiles aux femmes » [10].

Les jeux vidéo peuvent également confirmer les stéréotypes liés au genre. Une étude de 2007 révèle que les personnages masculins sont plus susceptibles d’être représentés comme agressifs (83 pour cent des hommes contre 62 pour cent des personnages féminins), tandis que les personnages féminins sont plus souvent représentés sous un angle sexuel (60 pour cent des femmes contre seulement un pour cent des personnages masculins) [11].

Mais il y a aussi des signes d’amélioration. On trouve dans les jeux vidéo des personnages féminins qui ne sont pas des objets sexuels depuis que Samus Aran a enlevé son armure à la fin du premier Métroid ; ces dernières années, on a vu des personnages réalistes jouer des rôles de premier plan dans des jeux connus tels que Portal, Half-Life 2 et Mirror’s Edge. Vous trouverez plus d’information sur la promotion de jeux non sexistes dans la section « Les enjeux particuliers pour les filles ».

Stéréotypes raciaux

Bien que des personnes de nombreuses cultures jouent des jeux vidéo, cette diversité ne se reflète habituellement pas dans les jeux. Dans la majorité des jeux populaires, les personnages blancs et masculins dominent, tandis que les personnages non blancs tiennent plutôt les rôles secondaires traditionnels de faire-valoir ou de méchants ou sont limités à un éventail restreint de genres.

Selon une étude de 2011, seulement trois pour cent des personnages de jeux vidéo sont hispaniques, moins de 11 pour cent sont afro-américains et aucun n’est autochtone ou biracial [12]. D’autres études montrent que les personnages afro-américains sont limités à un éventail restreint de genres comme les jeux de sport et les jeux associés à une célébrité tels que 50 Cent [13] et qu’ils incarnent le plus souvent les méchants et sont présentés sous des traits particulièrement terrifiants [14].

L’interactivité fait des jeux vidéo un puissant outil de diffusion des messages négatifs découlant des stéréotypes. La fiche-conseils Parlons des stéréotypes raciaux aux enfants [hyperlien] permet de discuter des représentations raciales négatives avec les enfants. Lors des conversations sur les stéréotypes raciaux dans les jeux vidéo, il faudrait entre autres parler de ce qu’est un stéréotype, des raisons pour lesquelles les concepteurs de jeux vidéo ont recours à ces stéréotypes, de la façon dont les stéréotypes raciaux influencent notre perception des personnes d’une autre origine ethnique et des moyens que nous pouvons prendre pour remettre en question ces représentations négatives.

Un des moyens les plus efficaces de faire entendre votre voix sur cette question est d’exercer votre pouvoir de consommateur et de refuser d’acheter ou de louer des jeux qui contiennent des stéréotypes raciaux et sexuels.

 


 

[1] Takahashi, Dean. "Video Game Sales Drop 21 percent in December and fall 8 percent in 2011." Venturebeat, 12 janvier 2012.
[2] 2011 Essential Facts About the Canadian Computer and Video Game Industry. Entertainment Software Association of Canada, 2011.
[3] "Study suggests retailers successfully restricting sales of M-rated games." Globe and Mail blog, 21 avril 2011. Retrieved from http://www.theglobeandmail.com/news/technology/video-games/controller-freak/study-suggests-retailers-successfully-restricting-sales-of-m-rated-games/article1995017/
[4] Olson, Cheryl K. and Lawrence A. Kutner. Factors Correlated with Violent Video Game Use by Adolescent Boys and Girls. Journal of Adolescent Health 4(1), juillet 2007.
[5] Iowa State University. "Risks, consequences of video game addiction identified in new study." ScienceDaily, 19 janvier 2011. Web. 2 mai 2012
[6] "Study suggests retailers successfully restricting sales of M-rated games." Globe and Mail blog, 21 avril 2011. Retrieved from http://www.theglobeandmail.com/news/technology/video-games/controller-freak/study-suggests-retailers-successfully-restricting-sales-of-m-rated-games/article1995017/
[7] Rideout, Victoria et al. Generation M: Media in the Lives of 8- to 18-Year-olds. Kaiser Family Foundation, mars 2005.
[8] Olson, Cheryl K. and Lawrence A. Kutner. Factors Correlated with Violent Video Game Use by Adolescent Boys and Girls. Journal of Adolescent Health 4(1), juillet 2007.
[9] Marketing Violent Entertainment to Children: A Review of Industry Practices in the Motion Picture, Music Recording and Electronic Game Industries. Federal Trade
Commission, septembre 2000.
[10] Dill, Karen. "Do Anti-Social Video Games Foster Sexism and Violence Against Women? Research on Sexist and Pro-Rape Attitudes Among Gamers." Violence Against Women in Families and Relationships, Greenwood Press 2007, Evan Stark and Eve S. Buzawa eds.
[11] Dill, Karen and Kathryn Thill. Dill & Thill Video game characters and the socialization of gender roles: Young people’s perceptions mirror sexist media depictions, Sex Roles, 2007
[12] DeLoria, Elizabeth. "Video Games Snub Non-White Characters." Gameranx, 18 novembre 18 2011.
[13] Williams, Dmitri et al. The virtual census: representations of gender, race and age in video games. New Media & Society, aout 2009.
[14] Burgess, Melinda et al. Playing With Prejudice: the Prevalence and Consequences of Racial Stereotypes in Video Games. Media Psychology, Routledge 2009.