L’exemple le plus probant du jouet susceptible de créer une perception corporelle distordue chez la femme est sans doute la poupée Barbie. Dans le monde du jouet, c’est parmi les plus grands succès commerciaux de tous les temps (selon Jill Barad, présidente de Mattell qui en est le fabriquant, 99 p. cent des fillettes âgées de 3 à 10 ans possèdent au moins une poupée Barbie). [2] Lorsqu’on la transpose sur une échelle de 1 sur 6 (soit à taille humaine), la poupée Barbie mesure 1m80, fait un tour de poitrine de 100 cm et un tour de taille de 45 cm. [3] Ajoutez à ces mensurations surréalistes un poids de 49 kilos et vous obtiendrez une Barbie répondant à tous les critères de l’anorexie et qui, vraisemblablement, ne pourrait avoir de menstruations. [4] Des études prouvent que les jeunes filles exposées aux images de la poupée Barbie se disent insatisfaites de leur propre corps mais…qui s’en étonnerait ? [5]
Si la poupée Barbie et les autres poupées du genre pour filles ont gardé plus ou moins le même gabarit au fil du temps (en fait, le moule original de Barbie ne fut modifié qu’en 1997 pour réduire la poitrine et élargir le tour de taille de la célèbre poupée) [6], il en va tout autrement des jouets équivalents pour garçons – et qu’on appelle « figurines d’action » sous prétexte que les garçons refuseraient de jouer avec des poupées. Ces figurines sont passées d’un gabarit normal à des mensurations franchement démesurées. La première figurine de GI Joe est apparue en 1964 ; transposé à échelle humaine, ce personnage jouet aurait fait 81.5 cm de taille et 30.5 cm de contour des biceps. En 1991, le même personnage avait perdu 7.6 cm à la taille et gagné 10.2 cm autour des biceps. En 1995, la figurine GI Joe Extrême affichait un contour de biceps d’environ 68.6 cm à l’échelle humaine – un exploit que nul adepte de la musculation ne pourra jamais atteindre. [7] Ce schéma se répète dans les figurines de personnages du cinéma: lancées sur le marché en 1978, les figurines de Star Wars représentant Han Solo et Luke Skywalker avaient des mensurations se rapprochant de celles des comédiens qui les personnifiaient, Harrison Ford et Mark Hammill. Mais en 1998, ces mêmes figurines arboraient plutôt un gabarit semblable à celui des Arnold Schwartzenegger de ce monde et autres acteurs adeptes de musculation. [8] Plus récemment, on a vu apparaître des figurines aux mensurations tout aussi démesurées et s’inspirant de jeux vidéos d’action qui ont la cote, comme les séries God of War et World of Warcraft.
[1] Getzler, Wendy Golman. «Toys: More Kids Want ‹Em This Holiday.» Kidscreen, 22 novembre 2011. http://kidscreen.com/2011/11/23/toys-more-kids-want-em-this-holiday/
[2] «Barbie boots up.» Time, 11 novembre 1996.
[3] «Barbie (Doll)». The New York Times. Consulté le 23 novembre 2011. http://topics.nytimes.com/topics/reference/timestopics/subjects/b/barbie_doll/index.html
[4] Minna Rintala and Pertti Mustajoki. «Could mannequins menstruate?» BMJ., 19 décembre 1992, 305(6868), 1575–1576.
[5] Dittmar et al. (2006). «Does Barbie Make Girls Want to be Thin? The Effect of Experimental Exposure to Images of Dolls on the Body Image of 5- to 8-Year-Old Girls» Developmental Psychology. 42:2, 283–292.
[6] «Barbie undergoes plastic surgery.» BBC News. 18 novembre 1997.
[7] Pope, Harrison G. Jr., et al. Evolving Ideals of Male Body Image as Seen Through Action Toys. International Journal of Eating Disorders 26: 65-72, 1999.
[8] Ibid.