Représentation de la communauté 2SLGBTQINA+ au cinéma et à la télévision

Lorsqu’il est question de la représentation de divers groupes dans les médias, en particulier ceux que nous considérons comme marginalisés, les stéréotypes sont souvent au cœur des préoccupations. Mais l’élimination d’un stéréotype ne va peut-être pas assez loin, et la question peut être plus compliquée que de simplement déterminer si un personnage est représenté de manière positive ou négative. La section qui suit explore différentes approches du contenu s’adressant à la communauté 2SLGBTQINA+ en analysant diverses façons dont les médias populaires ont caractérisé les personnes 2SLGBTQINA+.

L’un des aspects les plus difficiles des représentations des personnes 2SLGBTQINA+ dans les médias, c’est qu’il y aura rarement un verdict unique sur un produit culturel donné. À l’exception des représentations favorables ou sectaires les plus simplistes, il y a place à la discussion et au débat pour déterminer une présence 2SLGBTQINA+ positive ou négative. En raison de cette évolution, il est plus important que jamais de s’engager sérieusement et de réfléchir aux images que nous consommons.

Cinéma

Pendant la majeure partie de l’histoire du cinéma américain, les films ne pouvaient pas présenter de personnages ouvertement homosexuels : l’homosexualité était donc codée dans les manières et les comportements des personnages. Ce code strict a été assoupli dans les années 1960 et 1970, période qui a également vu naître les mouvements pour les droits des femmes et des homosexuels. Alors que les homosexuels et les lesbiennes étaient de plus en plus visibles et s’exprimaient davantage sur la place publique, leur représentation au cinéma était de plus en plus homophobe. À cette époque, les personnages homosexuels étaient souvent représentés comme dangereux, violents, prédateurs ou suicidaires, comme dans les films The Children’s Hour (1961), The Boys in the Band (1970), Midnight Express (1978) et Vanishing Point (1971).

Dans les années 1990, Hollywood a amélioré sa représentation des personnages homosexuels et lesbiens, mais des films comme The BirdcageBrokeback Mountain, Philadelphia, et To Wong Foo, Thanks for Everything, Julie Newmar étaient presque tous des films « à enjeux » qui mettaient l’accent sur les difficultés auxquelles font face les personnes LGBTQ+. Ce n’est qu’au cours des dernières années que des représentations quotidiennes de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre sont devenues courantes, de même que la représentation dans les films pour enfants. Et ce n’est qu’en 2020 qu’un film d’animation, Onward de Pixar, a représenté un couple 2SLGBTQINA+ d’une manière qui « ne laisse pas le temps de l’accepter ou n’isole pas le moment par une prise de vue pour en souligner l’importance, mais qui passe plutôt inaperçu parce que dans ce monde, il s’agit d’une simple réalité[1] ».

Cinéma LGBTQ2S+

Cependant, il y a des limites à ce que Hollywood est prêt à faire pour soutenir les films 2SLGBTQINA+. Le réalisateur Luca Guadagnino a déclaré que « les films queers, pour être commercialisables, doivent être présentés d’une manière qui n’aliène pas le public hétérosexuel[2] ». Pendant ce temps, les cinéastes 2SLGBTQINA+ ont réussi à créer une scène cinématographique parallèle et clandestine dynamique. Dans les années 1990, le mouvement « New Queer Cinema » (nouveau cinéma sur le thème queer) a remis en question les notions établies selon lesquelles la légitimité de la communauté 2SLGBTQINA+ ne pouvait venir que de l’assimilation à la société hétérosexuelle dominante. Des cinéastes comme Gregg Araki, Alexis Arquette, Todd Haynes, Jennie Livingston, Cheryl Dunye, Gus Van Sant, John Waters et John Cameron Mitchell y sont parvenus en faisant preuve d’une grande ironie et d’un antagonisme à l’égard du style naturaliste qui dominait le cinéma à l’époque. Par exemple, dans Hedwig and the Angry Inch, le réalisme de l’histoire est brisé par l’utilisation de la musique, de la méta-narration (où les personnages reconnaissent qu’ils sont dans un film), de l’animation et d’identités en constante évolution. Aujourd’hui, il existe des festivals du film 2SLGBTQINA+ partout dans le monde : le Canada à lui seul peut se vanter d’offrir au moins huit différents festivals à London, à Regina, à Vancouver, à Winnipeg, à Montréal, à Kingston, à Toronto et à Calgary.

Télévision

Toute discussion sur la représentation des homosexuels et des lesbiennes à la télévision doit tenir compte des exigences commerciales du média. Dans son article Gay Activists and the Networks, Kathryn Montgomery parle du processus de création d’un téléfilm mettant en vedette un personnage homosexuel dans un rôle de premier plan à l’époque. L’objectif principal étant de toucher un public aussi large que possible, divers compromis ont été nécessaires.

  • L’histoire devait être racontée en respectant les contraintes d’un genre télévisuel populaire : la dramatique policière.
  • Le récit devait se concentrer sur le personnage principal hétérosexuel et ses interactions avec des personnages homosexuels.
  • Le film ne pouvait présenter aucune scène d’affection entre des personnages du même sexe[3].

Montgomery a conclu que « ces exigences ont servi de filtre à travers lequel la question de l’homosexualité a été abordée, produisant une image télévisée de la vie homosexuelle conçue pour être acceptable par la communauté homosexuelle tout en restant acceptable pour un public de masse ».

La télédiffusion dépend de la génération de recettes publicitaires à long terme, ce qui signifie que les réseaux et les annonceurs recherchent généralement des émissions ayant un attrait aussi large que possible. Ainsi, les diffuseurs sont souvent hésitants dans leur représentation des personnages 2SLGBTQINA+, de peur d’aliéner les publics plus conservateurs. Si Will & Grace a été un symbole dans la promotion de l’acceptation des personnages homosexuels à la télévision, la série n’aborde que peu ou pas du tout les relations ou la romance homosexuelles. Les deux personnages homosexuels sont des amis, pas des amants, et ils sont rarement montrés dans des situations romantiques. La relation principale des deux hommes homosexuels se joue avec les personnages féminins hétérosexuels. De la même manière, le couple homosexuel de Modern Family, bien que présenté sous un jour positif, était également largement désexualisé.

La télévision par câble, qui offre un plus grand choix d’émissions (et donc un public plus segmenté), est moins soumise à ce modèle, ce qui a ouvert la voie à des émissions comme Queer as Folk et The L Word, qui offraient une représentation plus authentique de la vie des personnes 2SLGBTQINA+. La diffusion en continu a ouvert la porte encore plus grande, permettant à des œuvres comme Orange is the New Black et Bojack Horseman de présenter des personnages principaux transgenres et asexuels, respectivement. Ils ont à leur tour mené à d’autres représentations sur les réseaux de télévision, notamment dans des émissions destinées aux adolescents comme Supergirl et même dans des émissions pour enfants comme Ridley Jones (qui met en scène un bison non binaire), She-Ra (dont les deux personnages principaux vivent une relation lesbienne), Arthur (un pilier de PBS dans lequel le professeur du personnage principal a épousé un autre homme) et Muppet Babies (dans laquelle la marionnette Gonzo était présentée comme non conforme au genre).

Épisode « Mister Ratburn and the Special Someone » de l’émission Arthur

Épisode « Mister Ratburn and the Special Someone » de l’émission Arthur

Cependant, Rebecca Sugar, créatrice de la série animée emblématique Steven Universe, explique le double standard qui est encore souvent appliqué aux relations hétérosexuelles et queers : « Il s’agissait de détruire l’hypothèse erronée selon laquelle les histoires d’amour entre personnes du même sexe sont, intrinsèquement, plus adultes, ce qui n’est pas le cas. Nous devions montrer, encore et encore, que ces deux personnages n’avaient rien de moins sain que n’importe quel autre mariage animé jamais diffusé sur Cartoon Network. Nous avons donc travaillé dur pour rendre ces personnages aussi mignons et adorables que possible afin qu’il soit impossible de nier qu’ils devraient se marier[4]. »

La représentation 2SLGBTQINA+ est peut-être aussi un domaine où le Canada est véritablement un chef de file mondial, entre Schitt’s Creek, émission dans laquelle un personnage pansexuel décrit son orientation sexuelle comme aimant « le vin, pas l’étiquette », et Sort of, la première série canadienne à mettre en scène un personnage principal non binaire. Cette émission établit également une nouvelle norme en matière de représentation intersectionnelle dans sa représentation d’un musulman queer sud-asiatique. Le réalisateur et acteur principal Bilal Baig (qui s’identifie comme queer) décrit l’objectif d’une représentation authentique : « Il y a une responsabilité immense et une célébration vraiment emballante de la possibilité qui est offerte présentement. J’ai ressenti la responsabilité d’honorer le personnage aussi fidèlement que possible. Nous ne verrons jamais Sabi angoisser à propos de son identité de genre, de sa sexualité, de la couleur de sa peau. Par contre, le personnage va se demander si les enfants vont bien, s’il peut réparer ou sauver sa relation avec sa mère, s’il sera un jour aimé de nouveau, vous savez, ces choses que nous ressentons aussi en tant que personnes transgenres et non binaires[5]. »

A promotional image for the CBC series Sort Of.

En 2001, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a accordé une licence de diffusion à PrideVision TV, aujourd’hui nommée OutTV, la première chaîne de télévision LGBTQ2S+ au monde. Son mandat était d’offrir des émissions à la communauté LGBTQ. Après n’avoir produit aucun contenu lui-même pendant plusieurs années, OutTV propose désormais des émissions originales, notamment des émissions entièrement canadiennes comme Cam Boy et Call Me Mother et des coproductions comme l’émission de cuisine Wigs in a Blanket[6].

 

[1] Adams, S. (2020). « Pixar’s Onward Finally Gets the ‘Exclusively Gay Moment’ Right ». Slate. Consulté à l’adresse : https://slate.com/culture/2020/02/pixar-onward-exclusively-gay-moment-mission-accomplished.html. [traduction]

[2] Schlichte, G. (2017). « ‘Call Me by Your Name’ is a gay love story. It should have included gay sex ». The Washington Post. Consulté à l’adresse : https://www.washingtonpost.com/news/soloish/wp/2017/12/18/why-call-me-by-your-name-should-have-included-gay-sex/. [traduction]

[3] Montgomery, K. (1981). « Gay Activists and the Networks ». Journal of communication, 31(3), 49-57.

[4] Opie, D. (2020). « From Kipo and Steven Universe to She-Ra and High School Musical: The Future of Kids’ TV is Queer ». Digital Spy. Consulté à l’adresse : https://www.digitalspy.com/tv/ustv/a30597831/kids-childrens-tv-lgbtq-queer-kipo-steven-universe-high-school-musical/. [traduction]

[5] Bhandari, A. (2021). « Trans actor Bilal Baig breaks boundaries in CBC series Sort Of ». The Globe and Mail. Consulté à l’adresse : https://www.theglobeandmail.com/arts/television/article-trans-actor-bilal-baig-breaks-boundaries-in-cbc-series-sort-of/. [traduction]

[6] Porter, R. (2021). « ‘Call Me Mother’ part of a wave of reality shows with ‘RuPaul’ alumni being produced by OutTV ». The Toronto Star. Consulté à l’adresse : https://www.thestar.com/entertainment/television/2021/10/25/call-me-mother-part-of-a-wave-of-reality-shows-with-rupaul-alumni-being-produced-by-outtv.html.