Sexualité et relations entre les sexes dans les médias

La pression qu’exercent la publicité, la télévision, le cinéma et les nouveaux médias sur les adolescents pour qu’ils soient sexuellement attirants, et sexuellement actifs, est grande. De plus, les représentations médiatiques des relations donnent souvent des leçons malsaines.

Les femmes comme objets sexuels

Certains des pires messages sur le sexe et les relations apparaissent dans la publicité, laquelle utilise souvent, pour attirer et retenir rapidement l’attention, des images choquantes ou taboues[1], même si des recherches récentes ont établi que les jeunes consommateurs sont moins susceptibles de choisir des produits lorsque les publicités sont sexualisées[2].

Toutefois, la publicité n’est pas la seule à présenter les femmes et les relations de cette façon : la téléréalité et les émissions sportives amènent les hommes à voir les femmes comme des objets sexuels[3]. Les représentations des relations et de la sexualité dans les médias de masse communiquent un « scénario » qui dit aux filles « de fixer des limites sexuelles, d’agir de manière passive sur le plan sexuel, d’utiliser leur corps et leur apparence pour attirer les hommes, de privilégier l’émotion et les engagements plutôt que le sexe, et de minimiser leur propre désir[4] ». Il existe également une intersection entre le genre et la race, les femmes asiatiques étant particulièrement susceptibles d’être représentées de manière exotique et hypersexualisée[5].

Les représentations médiatiques sont souvent des modèles de relations malsaines : sur les 50 émissions télévisées les plus populaires destinées aux enfants, 9 sur 10 d’entre elles montraient des formes de violence dans les relations, soit entre amis ou partenaires romantiques[6]. De nombreux livres, émissions de télévision et films populaires auprès des adolescentes, comme la série Twilight, présentent des vues problématiques du consentement qui dépeignent les femmes comme ayant une sexualité passive et les hommes comme étant incapables de contrôler la leur[7]. Les hommes et les garçons reçoivent également ce type de messages : 1 garçon sur 3 dit voir des personnages masculins à la télévision ou au cinéma faire des commentaires ou des blagues à caractère sexuel sur des personnages féminins[8], entraînant ainsi une association entre les garçons qui regardent les médias traditionnels et qui ont une vision négative des femmes[9]. Les représentations de comportements abusifs, notamment le harcèlement criminel, comme étant romantiques peuvent également amener le public à considérer ces comportements comme étant plus acceptables[10].

Aussi, les représentations médiatiques des relations amoureuses se font presque exclusivement selon une optique hétérosexuelle : dans les émissions pour adolescents et enfants, les représentations de relations homosexuelles (même dans des contextes entièrement non sexuels, comme un personnage ayant deux parents du même sexe) sont encore assez rares pour susciter la controverse[11]. La situation est peut-être en train de changer puisque des coordonnateurs en matière d’intimité comme Ita O’Brien s’efforcent non seulement d’améliorer l’expérience des acteurs lors du tournage de scènes de sexe, mais aussi de faire en sorte que ces scènes reflètent plus fidèlement les relations et la sexualité[12].

Pour les filles comme pour les garçons, l’internalisation de la sexualité dans les médias peut entraîner une insatisfaction accrue à l’égard de leur propre corps, ainsi qu’un sentiment accru de perte de contrôle et de prise de risques dans leur propre activité sexuelle[13]. Comme le dit la militante médiatique Jean Kilbourne, la sexualité dans les médias « a bien plus à voir avec la banalisation du sexe qu’avec sa promotion. Le problème n’est pas qu’il soit péché, mais qu’il soit synthétique et cynique. On nous propose une pseudo-sexualité qui rend beaucoup plus difficile la découverte de notre propre sexualité unique et authentique[14]. »

Amis et ennemis

Les amitiés sont souvent stéréotypées de façon malsaine également. Les commérages, les attaques et les autres formes d’agression relationnelle entre filles sont courants dans les représentations médiatiques de l’amitié féminine[15] : ainsi, les jeunes pourraient être davantage susceptibles de croire qu’ils sont essentiels pour avancer dans la vie[16]. Les filles sont plus fortement influencées que les garçons par les représentations de l’agression relationnelle[17]. Toutefois, les amitiés masculines sont surtout présentées comme une source de comédie. Alors que les textes médiatiques sur les amitiés féminines présentent presque toujours des relations déjà établies, ceux sur les amitiés masculines se concentrent généralement sur leur début, un renversement ironique de la comédie romantique qui donne naissance au terme « bromance[18] » (une amitié forte entre deux hommes hétérosexuels) et qui tire son humour de l’idée que les amitiés masculines sont inconfortablement proche de l’homosexualité[19]. Cette attitude se répercute également dans leurs propres relations puisque de nombreux jeunes hommes ressentent le besoin d’écarter toute expression d’amitié, ou, en fait, toute expression émotionnelle, par le biais du mot-clic #nohomo[20] (« pas homosexuel »). L’agression relationnelle peut également se produire par le biais des médias sociaux, et les représentations et les comportements médiatiques sont liés : les filles qui croient à ces stéréotypes sont plus susceptibles d’intimider les autres en ligne et d’être elles-mêmes victimes de cyberintimidation[21]. Les filles et les femmes sont souvent victimes de harcèlement sexiste en ligne, ce qui peut les amener à s’autocensurer, à avoir peur ou à se sentir angoissées, voire à se retirer complètement d’Internet[22].


[1] 2019. Sex Sells: The objectification of women in advertising. DW. Retrieved from https://www.dw.com/en/sex-sells-the-objectification-of-women-in-advertising/a-47282358

[2] Johnson, A. (2023). Does Sex Still Sell? How Perception of Sexualized Advertising Influences Buying Behaviors.

[3] Seabrook, R. C., Ward, L. M., & Giaccardi, S. (2019). Less than human? Media use, objectification of women, and men’s acceptance of sexual aggression. Psychology of Violence, 9(5), 536–545.

[4] Collins, R et al (2017). Sexual Media and Child well-being and health. Journal of the American Academy of Pediatrics. 140(2). [traduction]

[5] Weaver, J. (2021) “The growing movement against Hollywood’s hypersexualization of Asian women.” CBC News.

[6] Martins N, Wilson BJ. Mean on the screen: Social aggression in programs popular with children. Journal of Communication. 2012;62(6):991–1009.

[7] Kendal, Evie and Kendal, Zachary. Consent is sexy: Gender, sexual identity and sex positivism in MTV's young adult television series 'Teen Wolf' (2011-) [online]. Colloquy, No. 30, Nov 2015: [26]-41.

[8] Undem, Tressa, and Ann Wang. (2018) The State of Gender Equality for U.S Adolescents. Plan USA.

[9] Ward, L. M. (2016). Media and sexualization: State of empirical research, 1995–2015. Journal of Sex Research, 53(4-5), 560–577. https://doi.org/10.1080/00224499.2016.1142496

[10] Lippman, J. R. (2018). I did it because I never stopped loving you: The effects of media portrayals of persistent pursuit on beliefs about stalking. Communication Research, 45(3), 394-421.

[11] “What do we tell the kids? Children's TV struggles with LGBTQ characters.” AFP, October 14 2019.

[12] Holden, S. (2021) “I May Destroy You: How Ita O’Brien choreographed TV’s most talked-about sex.” BBC News. https://www.bbc.com/news/newsbeat-53350245

[13] Ward, L. M. (2016). Media and sexualization: State of empirical research, 1995–2015. Journal of Sex Research, 53(4-5), 560–577. https://doi.org/10.1080/00224499.2016.1142496

[14] Graydon, Shari. “The Portrayal of Women in the Media: The Good, the Bad and the Beautiful,” chapter in Communications in Canadian Society, 5th edition, Ben Singer, ed., Nelson 2001 [traduction]

[15] Cecil, D. (2008). From Heathers to Mean Girls: An examination of relational aggression in film. Journal of Criminal Justice and Popular Culture, 15,262–276.

[16] Behm-Morawitz, E., Lewallen, J., & Miller, B. (2016). Real mean girls? Reality television viewing, social aggression, and gender-related beliefs among female emerging adults. Psychology of Popular Media Culture, 5(4), 340–355. https://doi.org/10.1037/ppm0000074

[17] Coyne, S. M., Ehrenreich, S. E., Holmgren, H. G., & Underwood, M. K. (2019). “We’re not gonna be friends anymore”: Associations between viewing relational aggression on television and relational aggression in text messaging during adolescence. Aggressive behavior, 45(3), 319-326.

[18] Boyle, K., & Berridge, S. (2012). I love you, man: Gendered narratives of friendship in contemporary Hollywood comedies. Feminist Media Studies, 14(3), 353–368. doi:10.1080/14680777.2012.740494.

[19] Hansen-Miller, David and Gill, Rosalind. (2011) “‘Lad Flicks’: Discursive Reconstructions of Masculinity in Popular Film”, in Hilary Radner & Rebecca Stringer (eds.), Feminism at the Movies: Understanding Gender in Contemporary Popular Cinema.New York: Routledge, pp. 36--50

[20] Pascoe, C.J., Diefendorf, S. No Homo: Gendered Dimensions of Homophobic Epithets Online. Sex Roles 80, 123–136 (2019). https://doi.org/10.1007/s11199-018-0926-4

[21] Wright, M & Wachs, S. Adolescents’ Cyber Victimization: The Influence of Technologies, Gender and Gender Stereotype Traits. Int. J. Environ. Res. Public Health 2020, 17(4), 1293; https://doi.org/10.3390/ijerph17041293

[22] Vitak, J., Chadha, K., Steiner, L., & Ashktorab, Z. (2017, February). Identifying women's experiences with and strategies for mitigating negative effects of online harassment. In Proceedings of the 2017 ACM Conference on Computer Supported Cooperative Work and Social Computing (pp. 1231-1245).