Réfutation efficace

Les médias sociaux faisant de nous tous des diffuseurs, nous avons une responsabilité non seulement d’éviter de partager des fausses informations, mais aussi d’intervenir lorsque des membres de notre réseau le font.

« La liberté d'expression n'est pas le prix à payer mais la clé pour contrer la désinformation » - Chen Shih-chug, ministre de la santé de Taïwan[1]

Étant donné que les jeunes, en particulier, se tournent souvent vers les commentaires sous une publication ou une vidéo pour voir si leurs pairs ont réagi[2], il est important d'agir lorsqu'on repère de fausses informations.

Les utilisateurs des réseaux sociaux sont en grande partie responsables du ton et des valeurs de ces espaces, et ce sont souvent les 10 % les plus bruyants qui imposent ces normes[3]. En répondant à la désinformation, nous promouvons le scepticisme et l'exactitude comme des normes sociales, ce qui a un fort impact sur la capacité des gens à reconnaître et à croire les fausses affirmations en ligne.

Stratégies pour répondre à la désinformation

La recherche a identifié trois stratégies efficaces pour répondre à la désinformation : poser des questions, corriger la désinformation et la démystifier. La meilleure approche dépend de plusieurs facteurs :

Voulez-vous éviter de dire que la personne a tort? Le sujet est-il sensible, comme la politique? La personne a-t-elle l'habitude d'argumenter et d'ignorer les autres ou les faits? Les personnes qui voient la publication sont-elles plus susceptibles d'écouter le partageur que vous?

Si vous n'êtes pas prêt à corriger ou démystifier une mauvaise information, remettez-la en question. L'idée est d'inciter le partageur, et ceux qui voient la publication, à réfléchir vraiment à l'exactitude du contenu.

Par exemple, vous pourriez dire :

  • « Es-tu sûr que c'est vrai? »
  • « D'où tiens-tu cette information? »
  • « Cette source est-elle fiable? »

La publication sera-t-elle vu par un grand nombre de personnes? La personne a-t-elle partagé l'information sans vérifier sa véracité? Disposez-vous d'informations fiables qui contredisent les fausses informations? Les autres vous voient-ils comme une source fiable ou une autorité en la matière?

Ensuite, corrigez l’information en apportant des faits exacts sans répéter la désinformation.

Par exemple :

  • « Depuis des années, Santé Canada étudie les radiations des téléphones cellulaires et a établi des directives pour s’assurer qu’elles restent à des niveaux sécuritaires. »
  • « Selon Statistique Canada, il y a en fait beaucoup moins de crimes violents qu’il y a vingt ans. »

Êtes-vous à l'aise pour dire que la personne a tort? Partage-t-elle l’information parce qu’elle correspond à ce qu’elle veut croire, même si elle sait que c’est peut-être faux? Pouvez-vous démontrer clairement que l’information est fausse?

Si c'est le cas, vous pouvez contrer l'influence de la désinformation en la démystifiant – en montrant pourquoi elle est fausse et comment vous avez découvert la vérité (par exemple, en utilisant la fonction recherche du vérificateur de faits de HabiloMédias).

Essayez de dire :

  • « J'ai vérifié sur Snopes et ils disent que cette vidéo est un montage ».
  • « J'ai vérifié d'autres sources et il s'avère que cette photo a été prise après un concert de rock, et non une marche de protestation ».
  • « Les vérificateurs de faits ont prouvé que le panneau avait été retouché par Photoshop ».

Meilleures pratiques de démystification

Lorsque vous corrigez ou démystifiez une fausse information, assurez-vous de fournir des preuves à l'appui de ce que vous avancez et à présenter vos arguments de manière claire et logique[4]. Restez courtois[5], offrez une autre explication à la désinformation si possible[6], et tentez d'aborder ces questions de façon à éviter un cadre idéologique ou à vous appuyer sur les valeurs et les opinions de l'autre personne. Par exemple, les conservateurs ont tendance à accepter davantage l'idée lorsqu'elle présentée comme une " compensation carbone ", évitant le mot politiquement sensible " taxe "[7] , alors que les Américains avaient des attitudes très différentes à l'égard de l'Affordable Care Act (loi sur les soins abordables) selon que la personne qui les interrogeait utilisait ou non le terme " Obamacare "[8]. Évitez de culpabiliser la personne, et si c’est quelqu’un que vous connaissez, essayez de maintenir le dialogue ouvert, même si vous n'êtes pas en mesure de la faire changer d'avis[9].

Si vous citez des experts, tentez de trouver ceux que l'autre personne considère comme des autorités, ce qui lui montrera que vous respectez son opinion du monde et lui donnera une " excuse " pour envisager votre argument[10] . Il est aussi utile de présenter les choses de façon positive. Par exemple, plutôt que de dire que le lait cru est dangereux, il serait plus efficace de souligner que la pasteurisation a permis aux enfants des zones urbaines de boire du lait de façon sécuritaire, ainsi que de faire en sorte de reconnaître que les émotions qui sous-tendent leurs opinions sont valides, reconnaissant, par exemple, que les personnes qui sont contre la vaccination sont motivées par leur amour pour leurs enfants[11] . En commençant par des déclarations positives (p. ex. " Je vois bien que vous êtes une personne bienveillante et dévouée. ") concernant la personne à qui vous parlez, vous pouvez les encourager à être plus ouverts à envisager la question de façon objective[12] .

Comment savoir s'il vaut la peine d'argumenter avec quelqu'un ?

On a tendance à surestimer la réaction négative des gens face à la correction[13]. Ne vous attendez pas forcément à convaincre directement la personne à qui vous répondez; l'essentiel est de rétablir la vérité pour ceux qui ont été exposés à la désinformation. Même si vous parvenez à faire changer d'avis quelqu'un, il est peu probable qu'il l'admette sur-le-champ.

Gardez à l'esprit que, bien que les gens changent rarement d'avis ouvertement, ils sont souvent plus ouverts aux points de vue différents qu'on ne le pense. Lorsqu’ils changent d’opinion, c’est généralement parce qu’ils ont été exposés à de nouvelles informations qu’ils ne cherchaient pas activement[14].

Bien que faire évoluer les opinions individuelles puisse être un défi, il est essentiel de se rappeler que les croyances collectives évoluent constamment, souvent grâce à des efforts patients (et parfois un peu moins patients). Des sujets aussi fondamentaux que le mariage pour les couples LGBTQ, les droits des femmes, ou l'abolition de l'esclavage ont progressé parce que les nouveaux points de vue ont été présentés de manière à résonner avec les valeurs fondamentales des individus.


[1] Cité dans Aspinwall, N. (2024) Taiwan Learned You Can't Fight Fake News by Making It Illegal. Foreign Policy.

[2] Hassoun, A., Beacock, I., Consolvo, S., Goldberg, B., Kelley, P. G., & Russell, D. M. (2023). Practicing Information Sensibility: How Gen Z Engages with Online Information. In Proceedings of the 2023 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems (pp. 1-17).

[3] Xie, J., Sreenivasan, S., Korniss, G., Zhang, W., Lim, C., & Szymanski, B. K. (2011). Social consensus through the influence of committed minorities. Physical Review E Phys. Rev. E, 84(1). doi:10.1103/physreve.84.011130

[4] Ou, M., & Ho, S. S. (2024). Factors Associated With Information Credibility Perceptions: A Meta-Analysis. Journalism & Mass Communication Quarterly, 101(2), 346-372.

[5] Bode, L., Vraga, E. K. et Tang, R. (2023). User correction. Current Opinion in Psychology, 101786.

[6] Prike, T., & Ecker, U. K. (2023). Effective correction of misinformation. Current Opinion in Psychology, 101712.

[7] Cook, J., Lewandowsky, S. (2011), The Debunking Handbook. St. Lucia, Australia: University of Queensland. November 5. ISBN 978-0-646-56812-6. [http://sks.to/debunk]

[8] Dropp, K., & Nyhan, B. (2017). One-Third Don't Know Obamacare and Affordable Care Act Are the Same.

[9] Booth, E., Lee, J., Rizoiu, M. A., & Farid, H. (2024). Conspiracy, misinformation, radicalisation: understanding the online pathway to indoctrination and opportunities for intervention. Journal of Sociology, 60(2), 440-457.

[10] Mooney, C. (2011). The Science of Why We Don't Believe Science. Mother Jones.

[11] Don't give up on the fact-resistant: Tips to break the grip of misinformation. (2017). Retrieved April 05, 2018, from https://www.americanpressinstitute.org/fact-checking-project/should-we-give-up-on-facts/

[12] Cook, J., Lewandowsky, S. (2011), The Debunking Handbook. St. Lucia, Australia: University of

Queensland. November 5. ISBN 978-0-646-56812-6. [http://sks.to/debunk]

[13] Gurgun, S., Cemiloglu, D., Arden-Close, E., Phalp, K., Nakov, P., & Ali, R. (2023). Challenging Misinformation on Social Media: Users' Perceptions and Misperceptions and their Impact on the Willingness to Challenge. Available at SSRN 4440292.

[14] McKay, D., Makri, S., Gutierrez‐Lopez, M., Porlezza, C., Macfarlane, A., Cooper, G., & Missaoui, S. (2024). I'm the same, I'm the same, I'm trying to change: Investigating the role of human information behavior in view change. Journal of the Association for Information Science and Technology.