Réagir à l’utilisation excessive

Le temps d’utilisation des appareils est l’une des principales préoccupations des parents en ce qui concerne la vie numérique de leurs enfants, et aussi la principale source de conflit entre les parents et les enfants quant à l’utilisation de la technologie.[1] Il est tentant pour les parents d’agir avec autorité et d’établir des règles quant au nombre d’heures que leurs enfants passent à l’ordinateur. Mais pour traiter efficacement de l’usage abusif, il doit y avoir un engagement actif et volontaire de la part des jeunes pour contrôler leur comportement. Dans le cas contraire, les enfants trouveront simplement des façons de contourner les règles de leurs parents et seront laissés à eux-mêmes une fois qu’ils sont assez vieux pour partir de la maison.

Les conseils suivants se fondent sur des recommandations du Groupe de travail sur la santé numérique de la Société canadienne de pédiatrie. Pour de plus amples renseignements consultez les rapports Le temps d’écran et les enfants d’âge préscolaire : la promotion de la santé et du développement dans un monde numérique et Les médias numériques : la promotion d’une saine utilisation des écrans chez les enfants d’âge scolaire et les adolescents.

La gestion du temps d’écran chez les jeunes enfants

Si vous avez déjà vu les yeux vitreux d’un enfant qui regarde une troisième heure de dessins animés, ou que vous avez dû lui arracher des mains un dispositif de jeu alors qu’il vous supplie de le laisser terminer ce niveau de la partie, vous savez pourquoi le temps d’écran est un problème. Voici quatre importantes mesures tirées des recommandations de la Société canadienne de pédiatrie pour garder le contrôle du temps d’écran et faire de l’utilisation des écrans un aspect important de la vie de vos enfants.

Minimisez l’utilisation des écrans :

  • Essayez d’exposer les bébés et les tout-petits le moins possible aux écrans, qu’il s’agisse de la télévision, des vidéos ou des médias interactifs comme les applications éducatives. (La Société canadienne de pédiatrie recommande un temps d’écran nul pour les enfants de moins de deux ans, et d’un maximum d’une heure par jour pour les enfants âgés de deux à cinq ans.) Si vous avez également des enfants plus âgés, expliquez-leur pourquoi ils doivent limiter le temps d’écran lorsqu’ils sont en compagnie de leurs jeunes frères et sœurs.
  • Aidez les enfants plus âgés à comprendre dès le début que l’utilisation des écrans est une question de santé, comme manger sainement ou se brosser les dents. Tout comme les enfants peuvent comprendre que certains aliments sont meilleurs que d’autres et que d’abuser des bonnes choses peut être néfaste, ils peuvent apprendre à faire de bons choix quant aux écrans.

Utilisez les écrans de façon consciencieuse, comme une activité que vous choisissez plutôt que comme « bruit de fond » ou par habitude.

  • Une bonne façon de contrôler son temps d’écran est d’en être conscient. La télévision, l’ordinateur ou l’appareil mobile devrait être ouvert à des moments précis et pour des raisons particulières. Lorsque vous n’utilisez pas ces appareils, ils devraient être fermés complètement (pas seulement en mode veille) et rangés dans la mesure du possible. Assurez-vous que les enfants ne prennent pas l’habitude d’ouvrir leurs appareils dès qu’ils s’assoient et que leurs écrans ne servent pas de « bruit de fond ».
  • Faites preuve de créativité! Il n’est pas inhabituel pour les enfants d’être obsédés par les personnages et l’environnement de leurs émissions et jeux préférés, et la situation n’a pas besoin d’être malsaine. Lorsque le temps d’écran est terminé, encouragez-les à dessiner, à écrire ou à jouer des histoires au sujet de leurs personnages préférés afin qu’ils n’aient pas à leur dire adieu lorsque l’écran s’éteint.
  • Les applications qui surveillent le temps d’écran peuvent être utiles pour connaître le temps d’utilisation global des écrans de vos enfants, mais elles ne remplacent pas les règles familiales et les conversations sur une utilisation consciente.

Atténuez les effets des médias en épurant les médias qu’utilisent vos enfants, en établissant des règles à la maison et en accompagnant vos enfants dans leur visionnement dans la mesure du possible.

  • Pour les jeunes enfants, choisissez vous-mêmes leurs médias, et permettez aux enfants plus âgés de regarder des médias ou de jouer à des jeux que vous avez approuvés. Les médias pour tous les âges peuvent publier du contenu préoccupant, et pour les enfants âgés de plus de 2 ans, la qualité du contenu peut faire une différence entre une expérience de visionnement positive et négative.
  • Dans la mesure du possible, accompagnez vos enfants dans leur visionnement. Les médias éducatifs sont des plus efficaces lorsqu’ils sont visionnés avec des parents qui peuvent aider à élargir et à renforcer le contenu d’apprentissage, et le co-visionnement est la meilleure façon de repérer et de parler du contenu troublant publié dans les médias. La fiche-conseil Accompagnez vos enfants dans leur visionnementde HabiloMédias peut vous aider à le faire. Lorsque le co-visionnement n’est pas possible, assurez-vous de connaître le contenu de tout ce que vos enfants regardent et dans lequel ils jouent afin de pouvoir leur parler de tout ce qui vous inquiète.

Montrez une bonne utilisation des médias à vos enfants.

  • Avant d’enseigner à nos enfants à utiliser les écrans en toute conscience, nous devons d’abord le faire nous-mêmes. Prêtez attention à votre propre utilisation des médias, et pensez aux messages que vous envoyez ce faisant. Vous pouvez également élaborer un plan familial afin de montrer que la gestion du temps d’écran est importante pour tous, pas seulement les enfants. 

La gestion du temps d’écran chez les enfants d’âge scolaire

Au fur et à mesure que les enfants vieillissent, ils deviennent des utilisateurs plus indépendants des médias et des appareils numériques, posant ainsi possiblement de nouveaux défis, mais il s’agit également de l’occasion de les aider à apprendre à contrôler leur propre utilisation des écrans. Voici quatre façons de les soutenir et de les guider à mesure qu’ils grandissent.

Gérer le temps d’écran

  • Avant de donner à votre enfant un appareil mobile comme un téléphone intelligent, entendez‑vous sur un ensemble de règles qui précisent notamment à quel moment et à quel endroit ils peuvent l’utiliser. Les écrans ne devraient pas se retrouver dans les chambres à coucher ni sur la table à manger, et devraient être éteints et rangés au moins une heure avant d’aller au lit. Consultez la fiche « Lignes directrices familiales sur les nouveaux appareils technologiques » pour vous lancer.
  • Si votre enfant possède une tablette ou un téléphone intelligent, encouragez-le à désactiver les notifications pour le plus grand nombre d’applications possible. Ainsi, ils ne seront pas toujours dérangés par un flot continu de « J’aime », mais devront plutôt prendre le temps d’ouvrir cette application pour vérifier. (Sur la plupart des appareils mobiles, vous pouvez désactiver les notifications des applications en consultant la section des notifications ou des applications dans les paramètres. La plupart offrent aussi un paramètre « Ne pas déranger » qui vous permet de désactiver toutes les notifications pendant certaines périodes. Cependant, il est prouvé que l’utilisation de cet appareil peut entraîner une hausse du temps passé devant l’écran, du moins à court terme[2]). L’utilisation des niveaux de gris sur vos appareils pourrait entraîner une utilisation moindre et, en particulier, moins problématique de l’écran[3].
  • Participez activement à la vie médiatique de vos enfants. Les médias éducatifs sont des plus efficaces lorsqu’ils sont visionnés en compagnie des parents qui peuvent aider à élargir et à renforcer le contenu d’apprentissage, et le co-visionnement est la meilleure façon de repérer et de parler du contenu troublant publié dans les médias. La fiche-conseil Accompagnez vos enfants dans leur visionnement de HabiloMédias peut vous aider à le faire. Lorsque le co‑visionnement n’est pas possible, assurez-vous de connaître le contenu de ce que vos enfants regardent et jouent afin de pouvoir leur parler de vos inquiétudes.
  • Si les outils technologiques de gestion du temps d’écran peuvent être utiles si les parents et les enfants travaillent ensemble pour les intégrer dans une stratégie familiale d’utilisation des médias, ils ne remplacent pas la participation des parents pour un certain nombre de raisons. D’abord, selon les recherches de HabiloMédias, s’ils établissent un « maximum » de temps d’écran total, ils ne le réduisent pas pour autant dans l’ensemble. Par exemple, alors que les jeunes dont les parents utilisaient une application ou un appareil pour limiter le temps d’écran étaient moins susceptibles de dire qu’ils passaient plus de trois heures en ligne par jour la semaine, ils étaient plus susceptibles de dire qu’ils passaient de deux à trois heures en ligne, et il n’y avait pas de différence dans le nombre de jeunes qui passaient moins de deux heures en ligne. Ensuite, il est prouvé que l’utilisation de ces applications mène à une expérience en ligne plus restreinte : les jeunes dont les parents utilisent une application ou un appareil pour limiter le temps d’écran sont beaucoup moins susceptibles d’utiliser leur téléphone pour créer des vidéos, de l’art ou de la musique, ou de participer à des activités civiques en ligne comme la publication d’informations sur un événement ou une cause qui leur tient à cœur ou encore de soutenir un groupe militant[4]. Enfin, le fait de dépendre considérablement des applications ou des appareils pour limiter le temps d’écran ne prépare pas les jeunes à gérer leur propre utilisation de l’écran lorsqu’ils ne sont plus sous la supervision de leurs parents.

Favoriser l’utilisation judicieuse des écrans

  • Aidez vos enfants à percevoir les activités à l’écran comme un choix plutôt que comme quelque chose qui fonctionne en arrière-plan ou qu’ils allument par habitude.
  • Aiguillez les enfants vers des expériences à l’écran qui sont activessocialeséducatives ou créatives.
    • Les activités d’écran actives incluent les jeux qui exigent de bouger tout votre corps pour jouer (jeu d’entraînement) et les activités d’écran qui vous amènent à l’extérieur, comme la géocachette ou Pokémon Go. Comme pour toute activité, des mesures de précaution doivent être respectées : consultez la page A Parent’s Guide to Pokémon Go (en anglais) pour des moyens d’assurer votre sécurité lors d’activités d’écran à l’extérieur.
    • Les activités sociales sont celles où vous interagissez avec quelqu’un que vous connaissez, comme les conversations vidéo avec les amis et la famille. Il y a tout un monde de différence entre jouer à un jeu vidéo à un seul joueur, à un jeu à joueurs multiples où vous pouvez interagir dans la fenêtre de messagerie, ou à un jeu à joueurs multiples avec des gens qui sont assis sur le divan à côté de vous.
    • Les contenus éducatifs de bonne qualité sont nombreux sur Internet. Quels que soient les intérêts de vos enfants, des organisations comme PBS, TVO, National Geographic et l’Office national du film proposent des leçons vidéo, des jeux éducatifs interactifs et même des événements en direct qui leur donneront l’occasion d’explorer une vaste gamme de sujets.
    • Grâce aux appareils numériques d’aujourd’hui, il est maintenant plus facile d’être créatifs. Les enfants peuvent créer des jeux vidéo ou des animations au moyen d’outils comme Game Maker ou de simples langages de programmation comme Scratch, utiliser leur téléphone pour créer des animations image par image (stop motion) à l’aide d’applications comme Stop Motion Studio et ClapMotion, ou encore explorer des outils de composition de musique aussi simples que Chrome Music Lab ou polyvalents que Audacity.

Surveillez l’impact de l’utilisation des écrans sur la vie de vos enfants. Méfiez-vous si votre enfant :

  • est en colère ou a des sautes d’humeur après avoir cessé d’utiliser des écrans;
  • ressent des impacts négatifs sur son sommeil, ses relations, ses notes ou son hygiène;
  • ment au sujet de son utilisation des écrans ou s’en cache;
  • a besoin d’activités à l’écran pour se remonter le moral lorsqu’il se sent déprimé.

Si ces éléments indiquent que vous devez jouer un rôle plus actif dans la gestion du temps d’écran de vos enfants (ou les aider à le gérer), vous pouvez dans certains cas avoir besoin d’un soutien professionnel (voir la section sur l’utilisation problématique des médias interactifs ci‑dessous).

Continuez d’être un bon modèle dans votre utilisation des médias. Au fur et à mesure que vos enfants deviennent plus indépendants, ils se tourneront de plus en plus vers vous pour voir quel rôle les écrans jouent à l’âge adulte. Vous pouvez aussi leur apprendre les responsabilités en les faisant participer à l’établissement des règles familiales sur les écrans.

Utilisation problématique des médias interactifs

Pour la plupart des jeunes (et des adultes), les stratégies ci-dessus suffisent à établir une relation saine avec les appareils à écran. Dans certains cas, le problème est beaucoup plus grave. L’utilisation problématique des médias interactifs est définie comme « l’utilisation non contrôlée des médias interactifs sur écran ayant des conséquences négatives sur le fonctionne d’une personne[5] », ou, en termes plus clairs, « l’incapacité de contrôler l’utilisation des médias interactifs ayant des effets négatifs sur des éléments clés de la vie des jeunes, notamment le sommeil, la nutrition, le rendement scolaire, la vie sociale, les relations interpersonnelles et la santé mentale[6] ».

L’utilisation problématique des médias interactifs étant très souvent associée à d’autres conditions comme la dépression, le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, l’anxiété et les troubles du sommeil, il est possible que les comportements face à l’écran soient un symptôme ou un comportement d’adaptation lié à ces conditions[7]. Bien qu’il n’existe pas de test de dépistage spécifique de l’utilisation problématique des médias interactifs, les chercheurs ont constaté que le test de dépendance à Internet et l’échelle de dépistage de l’utilisation problématique et risquée d’Internet étaient efficaces pour le détecter chez les patients[8]. Le Dr Michael Rich du Boston Children’s Hospital Digital Wellness Lab, définit les signes courants de cette utilisation problématique :

  • une fixation sur les médias sociaux;
  • une réduction du rendement scolaire;
  • l’isolement social;
  • la négligence de l’hygiène personnelle;
  • la colère et l’agressivité, surtout lorsqu’on demande d’éteindre l’écran[9].

Si vos enfants présentent ces signes de manière répétée et constante, vous pouvez consulter votre médecin de famille ou pédiatre afin d’obtenir un soutien professionnel.


[1] Brisson-Boivin, Kara. (2018). « Le bien-être numérique des familles canadiennes. » HabiloMédias. Ottawa. 

[2] Liao, M., & Sundar, S. S. (2022). Sound of silence: Does Muting Notifications Reduce Phone Use?. Computers in Human Behavior, 134, 107338.

[3] Holte, A. J., Giesen, D. T., & Ferraro, F. R. (2021). Color me calm: Grayscale phone setting reduces anxiety and problematic smartphone use. Current Psychology, 1-13.

[4] HabiloMédias. (2022). « Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase IV : La vie en ligne. » HabiloMédias. Ottawa.

[5] Pluhar, E., Kavanaugh, J. R., Levinson, J. A., & Rich, M. (2019). Problematic interactive media use in teens: comorbidities, assessment, and treatment. Psychology Research and Behavior Management, 447-455. [traduction]

[6] Rich, M. (2022) Identifying & Addressing Problematic Interactive Media Use (PIMU) [traduction]

[7] Pluhar, E., Kavanaugh, J. R., Levinson, J. A., & Rich, M. (2019). Problematic interactive media use in teens: comorbidities, assessment, and treatment. Psychology Research and Behavior Management, 447-455.

[8] Nereim, C., Bickham, D., & Rich, M. (2019). A primary care pediatrician's guide to assessing problematic interactive media use. Current Opinion in Pediatrics, 31(4), 435-441.

[9] Rich, M. (2022) Identifying & Addressing Problematic Interactive Media Use (PIMU)