Trouver et évaluer de l’information portant sur les sciences et la santé - Introduction
Ceci peut avoir un grand effet sur les décisions que nous prenons à propos de notre vie et de nos opinions sur des enjeux controversés : une étude a montré que la désinformation pourrait avoir contribué à 47 millions de décès supplémentaires aux états-Unis pendant la pandémie de COVID-19[3].
« Les conséquences mortelles de la désinformation sur les vaccins ont été graves. Des personnes sont mortes inutilement en raison de ces absurdités qui ont incité bon nombre d’entre elles à ne pas se faire vacciner[4]. » – Dr Reed Tuckson, cofondateur de la Black Coalition Against Covid
Pour quelqu’un qui n’est ni scientifique, ni docteur – et, compte tenu des nombreuses ramifications de chaque domaine, pour beaucoup de scientifiques et de docteurs – il peut être difficile de juger des prétentions à propos des sciences et de la médecine. De nombreuses personnes en prennent avantage pour des raisons commerciales par l’utilisation de faits scientifiques variant de la biologie à la physique quantique pour vendre des suppléments et des livres de développement personnel. Entre-temps, d’autres jouent avec nos craintes disant que nous ne comprenons pas suffisamment les sciences pour porter des jugements éclairés, pour mettre en doute le consensus scientifique qui ne correspond pas à leur vision du monde.
Pourquoi faisons-nous confiance à la science tout en nous méfiant des scientifiques?
Nous avons de bonnes raisons d’avoir des doutes lorsque nous entendons parler de la plus récente découverte scientifique : en fait, douter de nos connaissances est le fondement de la science. Cela remonte jusqu’aux anciens Grecs, qui proposaient des théories contradictoires portant sur toutes sortes de sujets, allant de savoir si le monde est composé d’éléments ou d’atomes, jusqu’à déterminer si les humains ont été créés par des dieux ou s’ils ont évolué du poisson. Bien que certaines de ces théories se sont révélées presque vraies, dans la plupart des cas il n'y avait aucun moyen de savoir quelles théories étaient fausses et lesquelles étaient vraies, parce qu’on n’avait pas encore développé la méthode scientifique moderne : tester une hypothèse en recueillant des données (habituellement par l’entremise d’expériences ou d’observations) qui en font la preuve ou en démontrent la fausseté. Une hypothèse doit être falsifiable (c’est-à-dire qu’il doit y avoir un moyen de la contredire) et, de même, elle doit nous permettre de prédire des choses que nous n’avons pas encore observées.
Même si notre méthode scientifique moderne est très utile, elle comporte certains aspects qui peuvent nous amener à nous méfier des sciences. Parmi ceux-ci, peu d’entre nous voient la preuve à l’appui (ou réfutant) une théorie ou une hypothèse, et dans bien des cas, même si nous voyions cette preuve nous n’aurions pas l’expertise nécessaire pour l’évaluer. De ce fait, la plupart d’entre nous doivent nous fier aux scientifiques et accepter au moins partiellement ce qu'ils nous disent avoir prouvé. Les deux grands contrôles sont ici le processus d’examen par les pairs (lorsque d’autres scientifiques du domaine passent en revue l’ouvrage avant sa publication) et la reproductibilité (lorsque les hypothèses ne sont pas considérées comme étant prouvées à moins que d’autres scientifiques n’aient réalisé le même processus et obtenu les mêmes résultats.) Mais le côté économique du financement des sciences signifie souvent qu’il est plus facile de trouver du temps et de l’argent pour réaliser de nouvelles recherches que pour reproduire (ou falsifier) un ouvrage existant; de même, un nouvel ouvrage a beaucoup plus de chances d’obtenir une couverture médiatique que la plus récente recherche qui produit un élément de preuve allant à son encontre.
Même lorsque ce processus fonctionne comme il le devrait, celui-ci peut avoir l’effet ironique de susciter un doute chez les gens à l’égard des sciences plutôt que de leur faire confiance. La force des sciences en tant que moyen pour comprendre l’univers est leur capacité d’auto-correction, mais lorsqu’on apprend que d’anciennes théories ont été réfutées, on voit souvent ces situations comme de la « mauvaise science » plutôt que de bons coups de la science[5].
Il n’est peut-être pas étonnant, dans ce cas, que pour de nombreuses personnes le consensus scientifique soit relégué au second plan des croyances personnelles et politiques. Il est essentiel de déterminer si les changements climatiques sont causés par l’activité humaine, un enjeu très politiquement polarisé (un effet qui est en fait plus fort au Canada qu’aux états-Unis)[6]. Des recherches américaines ont montré que l’éducation ne fait pas de différence significative dans les attitudes chez les républicains[7]. De même, les démocrates sont nettement plus susceptibles de dire qu’ils font confiance aux experts en général (82 % contre 66 % des républicains) et aux journalistes (63 % contre 23 %) sur les sujets scientifiques[8], et la confiance dans la science n’a fait que se polariser davantage au cours des 10 dernières années[9].
Voici toutefois les bonnes nouvelles. Une expérience réalisée auprès de lecteurs « inoculés » d’information scientifique a révélé que de les informer des stratégies utilisées par la désinformation scientifique neutralisait l’effet de la polarisation politique lorsque la même tactique était utilisée[10]. D’autres recherches ont montré que dans les domaines où il existe un fort consensus, comme le changement climatique et la vaccination, sensibiliser les gens à ce consensus a un important impact sur leurs opinions[11], et cet impact est encore plus fort chez les personnes qui commencent par douter du consensus ou qui le rejettent[12].
Les sections suivantes couvrent les moyens par lesquels nous obtenons des nouvelles et de l’information sur la santé et les sciences, les types de désinformation qui sont particulièrement courants pour ces sujets et les mesures que nous pouvons prendre pour déterminer si une source ou une revendication est fiable.
[1] Saks, E., & Tyson A. (2022) Americans report more engagement with science news than in 2017. Pew Research Center.
[2] Kischuk, O. (2024) 9 in 10 Canadians have seen misinformation on health and health care, and most think that is here to stay. Abacus Data.
[3] DeVerna, M. R., Pierri, F., Ahn, Y. Y., Fortunato, S., Flammini, A., & Menczer, F. (2024). Modeling the amplification of epidemic spread by misinformed populations. arXiv preprint arXiv:2402.11351.
[4] Durham, A. (2023) COVID 19 Changed How We View Health Misinformation. Word in Black [traduction]
[5] Hansson, S. O. (2020). How not to defend science. A Decalogue for science defenders. Disputatio, 9(13), 197-225.
[6] Boulianne, S., & Belland, S. (2022). Climate denial in Canada and the United States. Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie, 59(3), 369-394.
[7] Mooney, C. (2011, May/June). The Science of Why We Don't Believe Science. Mother Jones. Retrieved March 29, 2018, from https://www.motherjones.com/politics/2011/04/denial-science-chris-mooney/
[8] Saks, E., & Tyson, A. (2022). Americans report more engagement with science news than in 2017. Pew Research Center.
[9] Ahuja, A. (2024) Trump’s curious effect on trust in science. Financial Times.
[10] Appel, R. E., Roozenbeek, J., Rayburn-Reeves, R., Basol, M., Corbin, J., Compton, J., & van der Linden, S. (2024). Psychological inoculation improves resilience to and reduces willingness to share vaccine misinformation. PsyArXiv Preprints.
[11] van Stekelenburg, A., Schaap, G., Veling, H., van’t Riet, J., & Buijzen, M. (2022). Scientific-consensus communication about contested science: A preregistered meta-analysis. Psychological Science, 33(12), 1989-2008.
[12] Goldberg, M. H., Gustafson, A., van der Linden, S., Rosenthal, S. A., & Leiserowitz, A. (2022). Communicating the scientific consensus on climate change: diverse audiences and effects over time. Environment and Behavior, 54(7-8), 1133-1165.