Propagande haineuse et législation canadienne

La réponse conventionnelle du gouvernement face à la propagande haineuse sur Internet a été de contrôler le cyberespace comme un prolongement du territoire de l’État, en ignorant la ligne de démarcation entre l’espace « en ligne » et « hors ligne ».

La réponse conventionnelle du gouvernement face à la propagande haineuse sur Internet a été de contrôler le cyberespace comme un prolongement du territoire de l’État, en ignorant la ligne de démarcation entre l’espace « en ligne » et « hors ligne ».

Lorsque la haine est définie comme ayant été un facteur incitatif dans un crime, les sanctions sont accrues. [1] Toutefois, on peut débattre de la pertinence d’une loi élaborée pour contrer le discours haineux hors ligne lorsque celle-ci est appliquée à des propos haineux sur Internet. Le nombre de différentes lois pouvant être appliquées au discours haineux sur Internet peut mener à des conclusions contradictoires quant à la définition du comportement haineux et de la liberté d’expression. De plus, un grand débat a actuellement cours afin de déterminer quels types de propos devraient être assujettis à ces lois.

Cette section examine les lois fédérales qui interdisent certaines formes de propos haineux et donne un aperçu de la législation en cours d’élaboration à ce sujet.

Code criminel du Canada

Les articles 318 et 319 du Code criminel considèrent comme criminel d’encourager un génocide, d’inciter publiquement à la haine et de fomenter volontairement la haine envers un « groupe identifiable ».

Un groupe identifiable désigne toute section de la population qui se différencie par sa couleur, sa race, sa religion, son origine nationale ou ethnique, son âge, son sexe, son orientation sexuelle ou sa déficience mentale ou physique.

Les dispositions du Code visent à interdire toute diffusion publique de propagande haineuse et ne s’appliquent pas aux propos tenus en privé : l’acte d’inciter à la haine ne peut être commis qu’en communiquant des énoncés autrement que dans une conversation privée et l’incitation à la haine ne peut être interdite que si les énoncés sont communiqués sur la place publique. Puisqu’Internet est un réseau public,  il est possible que les communications en ligne qui encouragent  un génocide ou qui incitent volontairement à la haine ou qui la fomentent  soient assujetties à ces dispositions.

L’article 320.1 du Code criminel autorise un juge à ordonner la suppression de propagande haineuse sur tout système informatique accessible au public. Un tel pouvoir peut être exercé sur tout système informatique situé au Canada.

Charte canadienne des droits et libertés

L’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit à tous les Canadiens la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression. Toutefois, tous les droits de cette charte sont soumis à des limites raisonnables et justifiables dans une société libre et démocratique.

En 1990, dans le cadre de l’affaire Keegstra, la Cour suprême du Canada a eu à juger si le paragraphe 319(2) du Code criminel (fomenter volontairement la haine) violait le droit constitutionnel à la liberté d’expression. James Keegstra, un enseignant du secondaire en Alberta, apprenait à ses élèves, entre autres croyances antisémites, que l’Holocauste était un mythe et faisait partie d’une conspiration juive. La Cour a déclaré que même si le paragraphe 319(2) limite effectivement la liberté d’expression, il constitue une limite raisonnable au sein d’une société démocratique et, sous réserve de certaines conditions très strictes, ne viole donc pas la Constitution canadienne.

Loi sur la radiodiffusion

Les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion interdisent aux titulaires de licence la diffusion ou la distribution de programmes qui contiennent  des propos offensants, à motifs discriminatoires, susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris une personne, un groupe ou une catégorie de personnes.

Bien que ces dispositions s’appliquent à la radio, à la télévision spécialisée, à la télédiffusion et à la télévision payante, les communications Internet ne sont pas englobées dans la définition de « diffusion ».

Loi sur l’immigration

La Loi sur l’immigration autorise les agents de douane à saisir aux frontières toute forme de propagande haineuse et à refuser l’entrée au Canada aux personnes reconnues pour leur incitation à la haine. Cela ne s’applique qu’au transport de matériel physique entre les frontières et non à l’envoi ou à l’accès de contenu en ligne. Toutefois, la Loi permet que tout contenu haineux acheté en ligne et expédié au Canada soit confisqué.

Loi antiterroriste

La Loi antiterroriste fait de l’action de « préconiser ou fomenter la perpétration d’infractions de terrorisme » un acte criminel.  Elle permet aux juges de saisir tout contenu qu’ils estiment être de la propagande terroriste, de le retirer d’Internet et de le supprimer. Les personnes accusées de publier de la propagande terroriste peuvent comparaître devant le juge pour s’opposer à l’ordonnance. Les distinctions précises entre le contenu haineux et la propagande terroriste ne sont pas définies dans la Loi antiterroriste et n’ont pas encore été déterminées par les tribunaux.