Réfléchissez avant de partager
L'élément fondamental qui fait qu'Internet est différent des autres types de médias qui sont arrivés avant lui est l'hyperlien, qui peut vous conduire, vous ou une personne avec laquelle vous partagez un lien, vers presque n'importe quel type de contenu imaginable. Bien qu'il puisse parfois y avoir certains abus[1] , la plupart du temps, nous aimons partager du contenu et le partager avec les autres, ce qui est d'ailleurs fort probablement une grande partie de l'attrait des réseaux sociaux, lesquels s'occupent des aspects techniques du partage et nous permettent à nous tous de devenir des diffuseurs de contenu.
Pourquoi les gens partagent-ils de fausses informations?
Il y a quatre raisons principales pour lesquelles les gens partagent des informations fausses ou trompeuses en ligne : parce qu'ils croient que ces informations sont vraies et pensent qu'il est important que les autres en soient informés; parce qu'ils savent qu'elles sont fausses, mais les voient comme un moyen efficace d'attaquer ou de manipuler les autres; parce qu'ils ne se soucient pas de leur véracité mais les trouvent divertissantes; et enfin, parce qu'ils savent qu'elles sont fausses et veulent mettre les autres en garde contre ces informations[2].
Les médias sociaux facilitent le partage de contenu, mais l'encouragent activement également, un partage en partie justifié par la nature des relations humaines et des communautés : en tant qu'animaux sociaux, nous réagissons fortement à l'approbation et à la désapprobation des autres, et le partage de contenu est une bonne façon de faire l'un ou l'autre. C'est probablement pourquoi les publications qui sont plus lourdes sur le plan moral ou émotif se répandent plus largement dans les médias sociaux[3] : les émotions fortes suscitent des réactions fortes. Comme Molly Crockett, professeure en psychologie à l'Université Yale, l'a dit : " Si vous punissez quelqu'un qui a enfreint une norme, vous semblez alors plus digne de confiance aux yeux des autres, et vous pouvez donc transmettre votre caractère moral en exprimant votre indignation et en punissant les violations des normes sociales. Les gens croient bien faire en exprimant leur indignation et qu'ils font preuve de moralité et de droiture[4] ".
Cependant, ce n'est pas seulement une question de nature humaine. Puisque les réseaux sociaux comptent sur leurs utilisateurs pour fournir du contenu pour que d'autres utilisateurs le consomment, ils sont conçus pour nous inciter à continuer de partager du contenu grâce à des fonctions comme la mention " J'aime ", les commentaires et le partage de gazouillis. Par conséquent, selon Molly Crockett, ces réseaux peuvent devenir " un écosystème qui choisit le contenu le plus scandaleux, où il est plus facile que jamais d'exprimer son indignation[5] ". Cette situation est exacerbée par le fait que les réseaux sociaux nous permettent de communiquer uniquement avec des personnes qui partagent nos opinions, lesquelles peuvent progressivement devenir de plus en plus extrêmes et nous amener à nous opposer de plus en plus aux opinions des autres, et donc plus susceptibles de partager des renseignements faux ou peu fiables[6]. Parallèlement, ces réseaux auto-sélectionnés peuvent également agir comme des " chambres d'écho " en empêchant le message que nous partageons d'atteindre des personnes qui ne sont pas déjà d'accord avec eux, limitant ainsi leur valeur comme une façon de protester contre les valeurs sociales ou de les modifier[7].
[1] Astley, R. (2009). Never Gonna Give You Up [fichier vidéo]. Récupéré de https://www.youtube.com/watch?v=dQw4w9WgXcQ
[2] Perach, R., Joyner, L., Husbands, D., & Buchanan, T. (2023). Why do people share political information and misinformation online? Developing a bottom-up descriptive framework. Social Media+ Society, 9(3), 20563051231192032.
[3] Robertson, C., del Rosario, K., & Van Bavel, J. J. (2024). Inside the Funhouse Mirror Factory: How Social Media Distorts Perceptions of Norms.
[4] Vince, G. (2018). Why Good People Turn Bad Online. Mosaic Science.
[5] Vince, G. (2018). Why Good People Turn Bad Online. Mosaic Science.
[6] Del Vicario, M., et al. (2017) The spreading of misinformation online. Proceedings of the National Academy of Sciences, 113(3):554–559.
[7] Crockett, M. J. (2017). Moral outrage in the digital age. Nature Human Behaviour, 1(11), 769-771. doi:10.1038/s41562-017-0213-3