Pornographie - Aperçu

« Il y a du contenu assez explicite. Il apparaît simplement parce que quelqu’un le met en ligne sur une page, qu’un ami le commente et ensuite il apparaît dans notre fil d’actualités. » (Garçon de 17 ans[1])

L’exposition au contenu à caractère sexuel constitue l’une des principales préoccupations des parents canadiens concernant l’expérience[2] en ligne de leurs enfants, et aussi l’une des principales préoccupations des enfants eux-mêmes[3]. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi : bien qu’il n’y ait plus de sites explicitement pornographiques sur les plateformes et les sites Web préférés des enfants et que les services qu’ils préfèrent, comme TikTok et Instagram, interdisent les contenus sexuellement explicites[4], près du tiers des enfants canadiens ont été exposés à du contenu pornographique en ligne sans en avoir cherché[5].

Quelles sont les expériences des jeunes en lien avec la pornographie?

Les enfants canadiens sont plus susceptibles d’être exposés involontairement au contenu pornographique que d’en rechercher eux-mêmes, et également de prendre des mesures pour éviter d’en voir.

Seulement 2 jeunes canadiens sur 10, de la 7e à la 11e année, disent avoir cherché de la pornographie en ligne. La plupart d’entre eux l’ont fait pour la première fois alors qu’ils avaient entre 9 et 13 ans (52 %) ou 14 ans ou plus (45 %), tandis que seulement 3 % l’ont fait alors qu’ils étaient âgés de 8 ans ou moins[6].

Les filles sont à peu près aussi nombreuses (18 %) que les garçons (24 %) à rechercher de la pornographie en ligne[7], mais les raisons pour lesquelles elles le font sont différentes : les garçons sont plus susceptibles de dire qu’ils recherchent du contenu pornographique comme gratification sexuelle, tandis que les filles auront davantage tendance à en rechercher pour en apprendre davantage sur la sexualité[8].

« [Le contenu] apparaît simplement parce que quelqu’un le met en ligne sur une page, qu’un ami le commente et qu’il apparaît ensuite dans notre fil d’actualités. » (Garçon de 17 ans)[9]

Par contre, voir de la pornographie en ligne, c’est une autre histoire. Près d’un tiers (32 %) des jeunes Canadiens de la 7e à la 11e année ont vu de la pornographie en ligne sans en avoir cherché. Presque tous (91 %) ont dit qu’ils avaient entre 9 et 13 ans la première fois qu’ils en ont vu. L’exposition involontaire se produit le plus souvent sur des sites Web qu’ils visitent (60 %), des moteurs de recherche qu’ils utilisent (31 %), et parce que leurs amis en partagent avec eux (24 %). Les enfants tombent également sur ce type de contenu sur des sites de diffusion de vidéos (22 %) et des réseaux sociaux (19 %). Alors que les garçons et les filles sont tout aussi susceptibles d’avoir vu de la pornographie en ligne sans en avoir cherché, il existe des différences dans la manière dont cette expérience survient : les garçons sont plus susceptibles d’en voir parce que leurs amis en partagent avec eux (30 % contre 18 % des filles), tandis que les filles sont plus susceptibles d’en recevoir de la part de personnes qu’elles ne connaissent pas en ligne (15 % contre 8 % des garçons)[10]. Ce dernier point est particulièrement inquiétant puisque le partage de contenu pornographique est considéré comme une tactique de manipulation psychologique parmi les adultes cherchant à exploiter sexuellement les enfants en ligne[11], et l’exposition précoce et involontaire à la pornographie a été liée à la victimisation sexuelle chez les filles[12].

Les jeunes trouvent souvent cette expérience troublante ou désagréable[13], ce qui explique peut-être pourquoi 4 enfants canadiens sur 10 (42 %) de la 7e à la 11e année ont déclaré prendre des mesures pour éviter de voir de la pornographie en ligne. Utiliser des programmes de filtrage de contenu (40 %), éviter des sites ou des applications où ils savent qu’ils pourraient voir du contenu pornographique (39 %), être prudents quant aux termes de recherche qu’ils utilisent (37 %), modifier les paramètres de recherche (32 %), et mettre en sourdine ou bloquer certaines personnes ou expressions (22 %)[14] font partie des mesures que les jeunes peuvent prendre.

« Le sexe est dans tout »

Pour contextualiser la pornographie, il faut reconnaître que les jeunes d’aujourd’hui vivent dans une culture médiatique hautement sexualisée où les lignes entre la pornographie et le divertissement populaire sont de plus en plus floues. Comme l’a dit un jeune, « J’en vois partout. Vous voyez une femme au foyer et cliquez sur ce lien… il y en a tout simplement partout[15]. » Les jeunes n’ont pas non plus besoin d’être confrontés à la pornographie pour voir des contenus hautement sexualisés. Comme l’a dit un autre jeune, « Le sexe est dans tout. Il y a des "pièges à soif" sur TikTok, dans les émissions de la chaîne CW, et même lorsque des personnes parlent d’émissions télévisées comme The Bachelor ou la série Bridgerton[16]. » Bien que les films à gros budget aient aujourd’hui moins de contenu sexuel que par le passé (pour rejoindre à la fois les adolescents et les marchés étrangers plus conservateurs comme la Chine)[17], le contenu sexualisé est omniprésent sur des plateformes comme TikTok, Instagram et Snapchat[18] et bon nombre de jeunes se sentent contraints de présenter une image sexualisée d’eux‑mêmes en ligne[19]. Par conséquent, les enfants disent qu’il faudrait faire des efforts pour leur enseigner, surtout aux jeunes enfants, des compétences décisionnelles qui les aideront à éviter le contenu inapproprié en ligne et à composer avec le contenu sexualisé qu’ils voient dans les médias. [20] C’est là que les parents et les enseignants jouent un rôle important.


[1] Cité dans Lewis, L., Somers, J.M., Guy, R., Watchirs-Smith, L., et Skinner, S.R. (2018). « ‘I see it everywhere’: young Australians unintended exposure to sexual content online ». Sexual health, 15(4), 335-341. [traduction]

[2] Brisson-Boivin, K. (2018). Le bien-être numérique des familles canadiennes. HabiloMédias. Ottawa.

[3] Livingstone, S., Kirwil, L., Ponte, C., et Staksrud, E. (2014). « In their own words: What bothers children online? » European Journal of Communication, 29(3), 271-288.

[4] HabiloMédias (2022). Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase IV : La vie en ligne. HabiloMédias, Ottawa.

[5] HabiloMédias (2022). Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase IV : Le contenu préjudiciable et malaisant en ligne. HabiloMédias, Ottawa.

[6] Ibidem.

[7] Ibidem.

[8] Healy-Cullen, S., Taylor, J.E., Ross, K., et Morison, T. (2022). « Youth Encounters with Internet Pornography: A Survey of Youth, Caregiver, and Educator Perspectives ». Sexuality & Culture, 26(2), 491-513.

[9] Lewis, L., Somers, J.M., Guy, R., Watchirs-Smith, L., et Skinner, S.R. (2018). « ‘I see it everywhere’: young Australians unintended exposure to sexual content online ». Sexual Health, 15(4), 335-341. [traduction]

[10] HabiloMédias (2022). Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase IV : Le contenu préjudiciable et malaisant en ligne. HabiloMédias, Ottawa.

[11] Massey, K., Burns, J., et Franz, A. (2021). « Young people, sexuality and the age of pornography ». Sexuality & culture, 25, 318-336.

[12] Harsey, S.J., Noll, L.K., Miller, M.J., et Shallcross, R.A. (2021). « Women’s age of first exposure to Internet pornography predicts sexual victimization ». Dignity: A Journal of Analysis of Exploitation and Violence, 6(5), 1.

[13] Lewis, L., Somers, J.M., Guy, R., Watchirs-Smith, L., et Skinner, S.R. (2018). « ‘I see it everywhere’: young Australians unintended exposure to sexual content online ». Sexual health, 15(4), 335-341.

[14] HabiloMédias (2022). Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase IV : Le contenu préjudiciable et malaisant en ligne. HabiloMédias, Ottawa.

[15] Lewis, L., Somers, J.M., Guy, R., Watchirs-Smith, L., et Skinner, S.R. (2018). « ‘I see it everywhere’: young Australians unintended exposure to sexual content online ». Sexual health, 15(4), 335-341. [traduction]

[16] Petersen, M.G. (2022). Sexual Socialization Through Modern Forms of Media: In Defense of Comprehensive Sexual Education. [traduction]

[17] Newland, C. (2021). « Why Hollywood is shunning sex ». The Guardian : https://www.bbc.com/culture/article/20211029-why-hollywood-is-shunning-sex.

[18] Kelly, H. (2022). « They came to TikTok for fun. They got stuck with sexualized videos. » The Washington Post.

[19] Jennings, R. (2021). The Sexfluencers. Vox.

[20] Dawson, K., Nic Gabhainn, S., et MacNeela, P. (2020). « Toward a model of porn literacy: Core concepts, rationales, and approaches ». The Journal of Sex Research, 57(1), 1-15.