Masculinité et médias consacrés au sport

Magazines, journaux et émissions sportives contribuent aussi à l'élaboration du concept de masculinité dans la société moderne.

Plus de 19 adolescents sur 20 se considèrent comme des amateurs de sport (bien qu’un tiers d’entre eux seulement se considèrent comme de « fervents » amateurs)[1]. Comme les sports professionnels sont presque complètement dominés par les hommes, des joueurs aux entraîneurs, jusqu’aux commentateurs ou journalistes, les médias qui se consacrent au sport sont en mesure de communiquer un puissant message concernant virilité et masculinité. [2]

Le monde du commentaire sportif à dominante masculine renforce également le fait que les femmes ne sont pas les bienvenues dans le monde du sport à majorité masculine. Dans l’ensemble, 90 % des commentateurs sportifs aux États-Unis sont des hommes. Ni le Monday Night Football ni le tournoi de basketball universitaire « March Madness » n’ont eu de femmes comme commentateurs avant 2017[3]. En faisant l’éloge de joueurs qui, même blessés, n’abandonnent pas, en utilisant systématiquement le langage de la guerre et du combat pour décrire l’action en cours, les commentateurs contribuent à donner un caractère excitant et positif à la violence et à l’agression. Lorsqu’ils parlent des hommes dans le sport, les commentateurs utilisent le plus souvent des verbes comme « maîtriser », « battre », « gagner », « combattre » et « dominer », alors qu’ils utilisent d’autres verbes pour les femmes comme « rivaliser », « participer » et « s’efforcer ». [4] Les athlètes et les officiels eux-mêmes utilisent fréquemment un langage homophobe, ce qui peut faire du sport un espace peu accueillant pour les garçons 2SLGBTQ et les empêcher de s’exprimer ouvertement : Andrea Barone, le premier homme ouvertement homosexuel dans le hockey professionnel, a déclaré que « le langage homophobe utilisé à la fois sur la glace et en dehors n’a fait qu’ajouter à la culture hyper-masculine du sport[5] ».

Des études sur les jeux vidéo et les sports virtuels ont donné des conclusions similaires. Les personnages masculins des jeux vidéo, par exemple, sont fortement stéréotypés, tandis que les instavidéastes (« streamers ») de jeux vidéo (c’est-à-dire ceux qui diffusent des vidéos d’eux-mêmes en train de jouer à des jeux vidéo) ont en fait un comportement plus stéréotypé que les jeux qu’ils diffusent, une analyse ayant révélé qu’ils renforçaient le « modèle masculin » dans plus de 95 % des segments, ce qui semble à son tour influencer ceux qui les regardent : « Lorsque les instavidéastes utilisent un langage sexiste, raciste, homophobe et discriminatoire sur le plan de l’âge, de la capacité et de la grosseur, nous constatons une hausse significative de ce langage de la part des spectateurs dans les forums de clavardage[6]. »

Toutes ces études en arrivent à la conclusion que l’accent mis sur les rivalités personnelles, les conflits et la compétition féroce renforcent l’idée que violence et agression sont des expressions normales et naturelles de la personnalité masculine. L’on voit toutefois poindre les signes encourageants d’un changement dans la culture sportive, comme le projet You Can Play, lequel a fait appel à des équipes de la LNH, des vedettes de hockey et des diffuseurs sportifs pour contrer l’homophobie dans le monde du hockey.[7] 


[1] Paquette, A. (2021) Teens Tune Out of Pro Sports. MediaPost. Retrieved from https://www.mediapost.com/publications/article/363097/teens-tune-out-of-pro-sports.html

[2] Vezzali, L., Visintin, E. P., Bisagno, E., Bröker, L., Cadamuro, A., Crapolicchio, E., ... & Harwood, J. (2023). Using sport media exposure to promote gender equality: Counter-stereotypical gender perceptions and the 2019 FIFA Women’s World Cup. Group Processes & Intergroup Relations, 26(2), 265-283.

[3] Serazio, M (2019) The enduring power of sexism in sports media. CNN. Retrieved from https://www.pri.org/stories/2019-06-13/i-still-get-tweets-go-back-kitchen-enduring-power-sexism-sports-media

[4] University of Cambridge (2016) Aesthetics over athletes when it comes to women in sports. Retrieved from https://www.cam.ac.uk/research/news/aesthetics-over-athletics-when-it-comes-to-women-in-sport

[5] CBC Sports. (2019) Hockey culture promotes homophobic language despite progressive attitude: study. CBC News. https://www.cbc.ca/sports/hockey/nhl/homophobia-in-hockey-study-1.5183136 [traduction]

[6] Geena Davis Institute on Gender in Media, Oak Foundation and Promundo. (2021) ‘The Double-Edged Sword of Online Gaming: An Analysis of Masculinity in Video Games and the Gaming Community.’ https://seejane.org/wp-content/uploads/gaming-study-2021-7.pdf

[7] Johnston, Chris. NHL stars back Patrick Burke’s push to eliminate homophobia in hockey. Canadian Press, March 4 2012.