Représentation de la communauté 2SLGBTQINA+ dans la publicité

Comme dans d’autres médias, les personnes 2SLGBTQINA+ ont acquis une présence plus importante et plus visible dans le monde de la publicité, les agences de publicité courtisant l’« argent rose ». Ce n’est pas surprenant étant donné que le pouvoir d’achat des personnes 2SLGBTQINA+ est estimé à environ 917 millions de dollars[1].

La tendance du marché consistant à attirer l’argent des personnes 2SLGBTQINA+ est considérée par plusieurs comme une arme à double tranchant : d’une part, c’est l’occasion pour les personnes queers de se légitimiser grâce à leur pouvoir d’achat et d’obtenir l’égalité des droits en démontrant la valeur qu’elles peuvent avoir pour les entreprises traditionnelles, et d’autre part, des enjeux comme la ghettoïsation, la marginalisation accrue des personnes 2SLGBTQINA+ qui ne font pas partie de la classe moyenne, et la volatilisation des droits civils par des questions de puissance financière sont soulevés.

La section suivante examine trois principaux types de publicité concernant les personnes 2SLGBTQINA+ : les publicités qui mettent en scène des personnes queers et s’adressent à un public hétérosexuel, les publicités qui ciblent les personnes 2SLGBTQINA+ au nom d’entreprises appartenant au courant hétérosexuel dominant, et les publicités produites par des entreprises ciblant les personnes 2SLGBTQINA+ pour un public queer.

Les entreprises traditionnelles courtisent les dollars de la communauté 2SLGBTQINA+

Une réaction au marketing ciblant les personnes 2SLGBTQINA+ est souvent observée : les gens y voient une plus grande acceptation, mais l’acceptation de quoi? En 2018, Adidas a lancé la section « Pride Pack » sur son site Web où les acheteurs pouvaient acheter différentes marchandises sur le thème de la fierté, communiquant en apparence le soutien de l’entreprise envers les personnes 2SLGBTQINA+. Pourtant, Adidas était également l’un des principaux commanditaires de la Coupe du monde de cette même année qui a eu lieu en Russie, un pays ayant adopté des lois défavorables aux personnes 2SLGBTQINA+[2]. De même, en 2018, YouTube diffusait des publicités défavorables aux personnes 2SLGBTQINA+ parallèlement à des chaînes de créateurs de contenu 2SLGBTQINA+[3], et Walmart, qui a lancé en 2021 une gamme de marchandises sur le thème de la fierté, a remis près de 60 000 $ américains à des législateurs qui ont parrainé des projets de loi défavorables aux personnes transgenres[4], ce qui illustre bien la limite du pouvoir de l’« argent rose ». Bon nombre d’entreprises sont plus que désireuses d’être tolérantes et d’accepter l’énorme pouvoir d’achat des personnes 2SLGBTQINA+, mais elles soutiendront ou toléreront aussi des actions défavorables aux personnes 2SLGBTQINA+ lorsque leur intérêt financier est en jeu.

La communauté 2SLGBTQINA+ dans les publicités traditionnelles

La publicité a fait de grands progrès en permettant aux personnes 2SLGBTQINA+ d’être représentées d’une manière qui n’est pas toujours négative ou ridicule. Par exemple, cette publicité de 2019 de Renault présente une intrigue respectueuse d’une histoire d’amour entre un couple de femmes lesbiennes, une chose qui, par le passé, ne serait montrée que pour être attribuée à des couples hétérosexuels[5].

La représentation dans la publicité a incontestablement augmenté dans l’ensemble : une étude réalisée en 2021 révèle que la moitié des spécialistes du marketing présentent une distribution 2SLGBTQINA+ dans leurs campagnes[6]. Cependant, il ne s’agit pas toujours des publicités les plus visibles ou les plus prestigieuses. Le projet « Visibility » de GLAAD a révélé que seulement 1,8 % des personnages des publicités du festival du film publicitaire Lions de Cannes appartenaient à la communauté 2SLGBTQINA+. Cette situation s’explique en grande partie par le fait que 61 % des annonceurs et 28 % des agences craignent les réactions hostiles du public et ont donc besoin d’outils et de ressources pour les aider à créer davantage d’inclusivité dans leurs futures campagnes. GLAAD affirme que la visibilité est un impératif commercial[7] puisque 1 membre sur 6 de la génération Z (18 à 23 ans) s’identifie comme issu de la communauté 2SLGBTQINA+. Selon l’organisme, pour favoriser la croissance économique des entreprises, il est important de comprendre que « cette croissance ne se poursuivra que si les notions de genre et d’identité s’élargissent[8] ».

Il semble que les annonceurs peuvent inclure du contenu plus ouvertement queer sans aliéner les publics traditionnels. L’impact de la série télévisée RuPaul’s Drag Race a permis à ses participants de figurer dans des publicités pour des marques telles que Starbucks, McDonald’s, Ikea et Tazo Tea afin de promouvoir l’inclusion. Cette utilisation du « dragvertising », comme il a été baptisé, montre « un groupe de personnes qui ne se tracassent pas des définitions du genre, de la sexualité ou de l’origine ethnique qui les définissent, et c’est peut-être là l’élément le plus déconcertant[9] ». Néanmoins, les annonceurs en ligne incluent fréquemment des termes comme « lesbienne », « bisexuelle » et « drag queen » dans les listes noires visant à empêcher les internautes de voir des publicités « inappropriées », rendant difficile la monétisation des sites Web et des influenceurs 2SLGBTQINA+, et les annonceurs en ligne réticents à inclure des personnages ou des thèmes queers dans leurs publicités[10].

Publicités et consommateurs 2SLGBTQINA+

Même les spécialistes du marketing 2SLGBTQINA+ peuvent parfois oublier que les personnes queers ne partagent pas une identité monolithique. Un coup d’œil rapide à la section des commentaires du site Web AdRespect montre que la communauté 2SLGBTQINA+ est divisée quant à la façon dont elle estime devoir se représenter ou être représentée par d’autres. En outre, les personnes interrogées sur le site Web qui reconnaissent qu’une publicité particulière est blessante ou offensante ne sont pas nécessairement d’accord sur les raisons qui en font une telle publicité.

Dans une étude sur les effets de la publicité 2SLGBTQINA+ sur les médias axés sur la communauté 2SLGBTQINA+, Katherine Sender a examiné la mesure dans laquelle nos propres hypothèses sur les médias, la sexualité et la publicité contribuent à un type de publicité qui présente un type très spécifique de consommateur idéal 2SLGBTQINA+. Ses recherches sur la publicité faites par et pour les personnes 2SLGBTQINA+ renversent l’idée que « le sexe fait vendre » en posant la question « Quand le contenu sexuel ne fait-il pas vendre? » ou, en d’autres termes, « Quand l’absence de contenu sexuel fait-elle vendre?[11] »

Les annonceurs 2SLGBTQINA+ dans les médias queers savent que les personnes 2SLGBTQINA+ perdent leur légitimité et leur statut au sein de la société élargie lorsqu’elles sont perçues comme étant pleinement actives sexuellement et appliquent cette notion. La désexualisation des médias s’adressant aux communautés 2SLGBTQINA+ tente souvent de faire de ces communautés un groupe plus « respectable ». Selon Katherine Sender, les publicités 2SLGBTQINA+ sont très conscientes des stéréotypes et luttent souvent si fort contre eux qu’ils peuvent en fait faire du tort en excluant de force de grandes parties de la communauté 2SLGBTQINA+ du cadre de légitimité.

Œuvrer pour le changement

Selon les recherches de Katherine Sender, il est clair que la première chose à faire pour changer le discours sur la publicité 2SLGBTQINA+ est de commencer par les annonceurs et les agences de publicité eux-mêmes. Dans le cadre de son projet « Visibility », GLAAD a constaté des disparités entre ce que les consommateurs et les annonceurs croient et, par conséquent, ce qu’ils estiment pouvoir et devoir inclure dans leurs publicités. Par exemple, l’étude a révélé que « malgré les avantages sociaux entendus, la majorité des annonceurs et des agences perçoivent un risque lié à l’inclusion de personnes et de scénarios 2SLGBTQINA+ dans la publicité », 61 % des personnes interrogées craignant qu’une « exécution inauthentique de personnes et de scénarios 2SLGBTQINA+ entraîne des réactions hostiles plus importantes que de ne pas les montrer du tout dans les publicités[12] ». Comme dans d’autres secteurs, pour assurer une meilleure représentation, il y aurait avantage à ce qu’un plus grand nombre de membres de la communauté aient un pouvoir décisionnel en arrière-scène. Malheureusement, bon nombre des personnes qui travaillent dans le secteur de la publicité disent que le milieu leur est encore souvent hostile[13].

 

[1] Auten, D., et Schneider, J. (2018). « The $1 Trillion Dollar Market Executives are Ignoring ». Forbes. Consulté à l’adresse : https://www.forbes.com/sites/debtfreeguys/2018/08/14/the-1-trillion-marketing-executives-are-ignoring/?sh=2f298daba97f.

[2] Abad-Santos, A. (2018). « How LGBTQ Pride Month became a Branded Holiday ». Vox. Consulté à l’adresse : https://www.vox.com/2018/6/25/17476850/pride-month-lgbtq-corporate-explained.

[3] Hills, M (2018). « YouTube Is Running ‘Anti-LGBT’ Ads Alongside Videos By LGBT Creators ». Forbes. Consulté à l’adresse : https://www.forbes.com/sites/meganhills1/2018/06/04/youtube-anti-lgbt-ads/?sh=12b8a79d4f73.

[4] Sittig, A. « Pride Merch Won’t Save Trans Youth – Corporations Should Fight Anti-LGBTQ Bills ». Swift Headline. Consulté à l’adresse : https://swiftheadline.com/pride-merch-wont-save-trans-youth-corporations-should-fight-anti-lgbtq-bills/.

[5] Kalonaros, R. (2021). « From Secret Code to Stereotype: The Evolution of LGBTQ+ Representation in Advertising ». Adweek.

[6] Craft, E.J. (2021). « ANA Report Shows 50percent of Marketers Feature LGBTQ Casting In Their Campaigns ». Ad Age.

[7] (2021) The Visibility Project. GLAAD. Consulté à l’adresse : https://www.glaad.org/visibility-project.

[8] (2021) The Visibility Project. GLAAD. Consulté à l’adresse : https://www.glaad.org/visibility-project. [traduction]

[9] Deighton, K. (2018). « Dragvertising; charting queens’ slow rise to commercial influence ». The Drum. Consulté à l’adresse : https://www.thedrum.com/news/2018/10/31/dragvertising-charting-queens-slow-rise-commercial-influence. [traduction]

[10] McCarthy, J. (2021). « Blocklists are still failing advertisers and minority media ». The Drum. Consulté à l’adresse : https://www.thedrum.com/news/2021/12/15/blocklists-are-still-failing-advertisers-and-minority-media.

[11] Sender, K (2003). « Sex Sells: Sex, Class, and Taste in Commercial Gay and Lesbian Media ». University of Pennsylvania 1:1. Consulté à l’adresse : https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1114&context=asc_papers.

[12] (2021). « Advertiser & Agency Perspectives on LGBTQ Inclusion Study ». GLAAD. [traduction]

[13] Sherwood, I. « Transgender and nonbinary people face an uphill climb for representation in the ad industry ». Ad Age. Consulté à l’adresse : https://adage.com/article/agency-news/transgender-and-nonbinary-people-face-uphill-climb-representation-ad-industry/2221156.