Exploitation sexuelle - Aperçu

L’internet permet aux jeunes de socialiser avec leurs amis et leur famille, de trouver des personnes avec qui ils partagent des intérêts communs, et des communautés pouvant leur fournir un soutien émotionnel.

Il est donc aussi inévitable que la sexualité soit un thème qui émerge dans leurs échanges en ligne. D’ailleurs, beaucoup de jeunes se sentent plus à l’aise en ligne pour flirter que lorsqu’ils sont face à face. En outre, les groupes haineux et les agents de désinformation jouent sur les craintes exagérées d’enlèvements d’enfants par des inconnus (dont il n’y a qu’une centaine par an aux États-Unis[1]), ce qui rend les choses plus difficiles pour les organismes légitimes de lutte contre la traite de personnes[2]. Il est également important que les jeunes soient conscients que les relations en ligne ne sont pas toutes sécuritaires ou saines.

Tous les jeunes ne courent pas les mêmes risques en ligne. En effet, les prédateurs identifient les jeunes les plus vulnérables et entament un processus de prédation sexuelle, qui peut conduire à une conversation à teneur sexuelle, à un échange de photos ou de vidéos en ligne ou à une rencontre en personne[3]. Dans la plupart des cas, les relations d’exploitation ne sont pas initiées par des « inconnus », mais par des personnes qui font déjà partie de la vie des jeunes, notamment des personnes de confiance telles que les membres de la famille, les entraîneurs et les bénévoles de groupes pour jeunes, et qui utilisent les médias numériques pour communiquer en privé avec leurs victimes[4].

La majorité des victimes d’exploitation sexuelle sont des filles, bien que les garçons homosexuels ou ceux se questionnant sur leur sexualité soient également plus susceptibles d’en être victimes[5]. Il y a toutefois une exception : la « sextorsion ». Forme d’exploitation sexuelle consistant à persuader les jeunes de partager des photos explicites, puis à leur faire du chantage en les menaçant de les partager, les jeunes garçons en sont plus souvent victimes que les jeunes filles[6]. Avec l’avènement de l’intelligence artificielle capable de créer des images réalistes — y compris des images de nu ou à caractère sexuel — de personnes réelles, les jeunes peuvent être la cible de sextorsion même s’ils n’ont jamais pris ni partagé d’images d’eux)[7]. Dans toutes les formes d’exploitation sexuelle, presque toutes les victimes sont des adolescents[8], âgés en moyenne de treize ans et demi[9]. Il est également prouvé que les filles noires[10] et autochtones[11] sont plus à risque.

En général, les jeunes qui sont vulnérables à l’exploitation en ligne sont également ceux qui le sont dans le monde réel : une étude a révélé que 96 % des jeunes ayant signalé avoir été sollicités sexuellement en ligne « ont également rapporté avoir été exposés à des formes de victimisation hors ligne, notamment du harcèlement sexuel, des abus émotionnels de la part d’un parent ou d’un tuteur, des voies de fait ou des viols[12]. »

Les jeunes qui ont été victimes de violence physique ou sexuelle, qui souffrent de dépression ou qui n’ont pas de liens étroits avec leur famille ou leurs pairs sont tous plus susceptibles d’être ciblés par les prédateurs[13], tout comme les jeunes qui ont une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme[14]. Les jeunes qui n’ont pas appris ce qu’est le développement sexuel normal, une sexualité saine et les différences entre un comportement sexuel approprié et inapproprié et ceux qui ne pensent pas pouvoir parler de sexualité à leurs parents ou tuteurs, courent également un risque accru d’être ciblés, tout comme ceux qui tombent sur de la pornographie à la maison et qui sont souvent laissés sans surveillance, que ce soit en ligne ou dans le monde réel[15].

Dans la majorité des cas, les jeunes victimes d’exploitation sexuelle en ligne déclarent avoir été « motivées à adopter des comportements en ligne risqués pour obtenir l’approbation des autres, passer le temps, être appréciées des autres et en apprendre davantage sur les relations amoureuses (en particulier les relations homosexuelles). » Les chercheurs ont identifié des sous-groupes de victimes : les victimes naïves, qui sont susceptibles d’avoir des comportements risqués en raison de leur « curiosité à explorer les amitiés et les relations amoureuses »; les victimes fragiles, qui ont des « carences dans divers aspects de leur vie » et sont souvent aussi victimisées, tant hors ligne qu’en ligne; et les victimes de vulnérabilité situationnelle, qui deviennent vulnérables suite à des perturbations familiales telles que la séparation ou le divorce des parents[16]. Les jeunes ont souvent l’impression d’avoir participé volontairement à la relation et peuvent donc avoir du mal à se percevoir comme des victimes : l’une d’elles a par exemple rapporté qu’elle « pensait initialement savoir ce qu’elle faisait et se voyait comme une participante active dans leur relation, comme une fille qui était tombée amoureuse et voulait construire une relation amoureuse avec quelqu’un, avant de finalement « accepter et comprendre que, contrairement à ce qu’elle pensait, elle avait été exploitée[17]

À l’exception des plates-formes entièrement anonymes, il n’est pas possible d’identifier des jeux ou des réseaux sociaux précis comme étant des espaces plus risqués que d’autres. Cependant, certaines plates-formes parviennent mieux que d’autres à restreindre leur usage pour la diffusion de matériel d’exploitation sexuelle des enfants : des études ont révélé que, parmi celles accessibles au grand public, Instagram et X sont le plus souvent utilisées par les jeunes pour partager ou commercialiser du matériel d’exploitation sexuelle des enfants autoproduit, tandis que de tels contenus « ne semblent pas se répandre » sur TikTok[18]. Dans presque tous les cas, les jeunes préfèrent utiliser les espaces en ligne pour communiquer avec leurs amis et leur famille. Néanmoins, les prédateurs potentiels établissent souvent leur premier contact avec les jeunes vulnérables dans un espace grand public, avant d’essayer de déplacer la conversation vers des messages privés ou vers un espace en ligne où ils ne seront pas observés[19]. Aussi, les jeunes femmes en particulier rapportent être incitées par des contacts en ligne et des influenceurs à s’inscrire sur le site de contenus pour adultes OnlyFans, qui est souvent présenté comme « un fantasme qu’il serait sans danger d’être une travailleuse du sexe tout en étant gâtée et entretenue[20] ». Lorsqu’elles commencent à générer des revenus en publiant des images osées ou partiellement dénudées, ces jeunes femmes « se voient souvent poussées à aller toujours plus loin, partageant davantage leur intimité et se pliant aux demandes sexuelles de leurs abonnés afin de maintenir leur intérêt, accroître leur notoriété et gagner plus d’argent[21]. »

Il est important de sensibiliser les jeunes aux risques d’exploitation sexuelle sans pour autant les empêcher de profiter des avantages qu’offre Internet. Cela est particulièrement vrai pour les individus les plus vulnérables, tels que les jeunes 2SLGBTQ+, qui retirent également le plus de bénéfices de la possibilité d’utiliser Internet pour explorer leur identité et leur sexualité[22].


[1] Tiffany, K. (2022) The Great (Fake) Child Sex-Trafficking Epidemic. The Atlantic.

[2] Cotnrera, J. (2021) A Qanon Con: How the viral Wayfair sex trafficking lie hurt real kids. The Washington Post.

[3] Kloess, J. A., Seymour-Smith, S., Hamilton-Giachritsis, C. E., Long, M. L., Shipley, D., & Beech, A. R. (2017). A qualitative analysis of offenders’ modus operandi in sexually exploitative interactions with children online. Sexual Abuse, 29(6), 563-591.

[4] Zammit, J., et al. (2021). Child sexual abuse in contemporary institutional contexts: An analysis of Disclosure and Barring Service discretionary case files. Independent Inquiry Child Sexual Abuse.

[5] Wolak J, Finkelhor D, Mitchell KJ, Ybarra ML. (2010). Online “predators” and their victims: Myths, realities, and implications for prevention and treatment. Psychology of Violence 1(5): 13–35.

[6] Patchin, J. W., & Hinduja, S. (2020). Sextortion among adolescents: results from a national survey of US youth. Sexual Abuse, 32(1), 30-54.

[7] Koltai, Kolina. (2023) AnyDream: Secretive AI Platform Broke Stripe Rules to Rake in Money from Nonconsensual Pornographic Deepfakes. Bellingcat. Consulté sur le site https://www.bellingcat.com/news/2023/11/27/anydream-secretive-ai-platform-broke-stripe-rules-to-rake-in-money-from-nonconsensual-pornographic-deepfakes/ [12 janvier 2024].

[8] Mitchell KJ, Jones L, Finkelhor D, Wolak J. (2014.) Trends in unwanted sexual solicitations: Findings from the Youth Internet Safety Studies. Youth Internet Safety Survey Bulletin (February). Consulté sur le site http://www.unh.edu/ccrc/pdf/Sexual%20Solicitation%201%20of%204%20YISS%20Bulletins%20Feb%202014.pdf [23 juin 2016].

[9] Quayle, E., & Newman, E. (2016). An exploratory study of public reports to investigate patterns and themes of requests for sexual images of minors online. Crime Science, 5(1), 2.

[10] Wurtele, S.K. Understanding and Preventing the Sexual Exploitation of Youth. Reference Module in Neuroscience and Biobehavioral Psychology, Elsevier, 2017. ISBN 9780128093245

[11] Louie, D. W. (2017). Social media and the sexual exploitation of indigenous girls. Girlhood Studies10(2), 97-113.

[12] Madigan, S., Villani, V., Azzopardi, C., Laut, D., Smith, T., Temple, J. R., ... & Dimitropoulos, G. (2018). The prevalence of unwanted online sexual exposure and solicitation among youth: A meta-analysis. Journal of Adolescent Health, 63(2), 133-141.

[13] Wurtele, S. K., & Kenny, M. C. (2016). Technology‐related sexual solicitation of adolescents: A review of prevention efforts. Child abuse review25(5), 332-344.

[14] Normand, C. L., & Sallafranque‐St‐Louis, F. (2016). Cybervictimization of young people with an intellectual or developmental disability: Risks specific to sexual solicitation. Journal of Applied Research in Intellectual Disabilities29(2), 99-110.

[15] Wurtele, S.K. Understanding and Preventing the Sexual Exploitation of Youth. (2017). Reference Module in Neuroscience and Biobehavioral Psychology, Elsevier. ISBN 9780128093245.

[16] Batool, S. (2020). Exploring vulnerability among children and young people who experience online sexual victimisation (Doctoral dissertation, University of Central Lancashire).

[17] Landini, T. S. (2018). Vulnerability and its potential perils–on the criminalization of online luring in Canada and court cases tried in Ontario (2002-2014). Contemporânea, 8(2), 543-568.s

[18] Thiel, D., DiResta,R., & Stamos A. (2023) Cross-Platform Dynamics of Self-Generated CSAM. Stanford Internet Observatory. Consulté sur le site https://fsi.stanford.edu/publication/cross-platform-dynamics-self-generated-csam [12 janvier 2024].

[19] Black, P. J., et al. (2015). A linguistic analysis of grooming strategies of online child sex offenders: Implications for our understanding of predatory sexual behavior in an increasingly computer-mediated world. Child Abuse & Neglect. Consulté sur le site http://dx.doi.org/10.1016/j.chiabu.2014.12.004.

[20] Murkett, K. (2021) OnlyFans is an experiment in mass grooming. Unherd. Consulté sur le site https://unherd.com/thepost/onlyfans-is-an-experiment-in-mass-grooming/ [12 janvier 2024].

[21] Martellozzo, E., & Bradbury P. (2021) How the pandemic has made young people more vulnerable to risky online sexual trade. London School of Economics blog.

[22] Wurtele, S. K. (2017). Preventing cyber sexual solicitation of adolescents. Research and practices in child maltreatment prevention, 1, 363-393.