Plateformes et signalements : les jeunes Canadiens évaluent les efforts de lutte contre la désinformation

Image
Rapport plateformes signalements lutte contre desinformation couverture

HabiloMédias a animé des groupes de discussion en ligne auprès de jeunes âgés de 16 à 29 ans afin d’examiner et d’évaluer les processus de signalement sur des applications populaires (Instagram, TikTok, Twitter et YouTube). Plus précisément, nous voulions comprendre ce que les jeunes Canadiens pensent des efforts actuels pour lutter contre la désinformation et la mésinformation en ligne et connaître leurs solutions aux problèmes qu’ils rencontrent et à leurs préoccupations lorsqu’ils naviguent dans les écosystèmes et les communautés d’information en ligne.

Dans l’ensemble, les jeunes ont exprimé un manque de confiance dans la capacité des plateformes de lutter contre la désinformation et la mésinformation, de les tenir informés et d’assurer leur sécurité en ligne. Les participants ont indiqué que les utilisateurs n’ont pas d’occasions réelles d’engager le dialogue avec les plateformes pour prévenir et enrayer la désinformation et la mésinformation. Ils estimaient que les plateformes devaient apporter des modifications conceptuelles qui priorisent les valeurs d’exactitude, de transparence, de confiance, de responsabilité et de sécurité.

Pour plus d’informations :

Principales conclusions et recommandations :

Ce projet, financé par le ministère du Patrimoine canadien, poursuit la tradition de HabiloMédias en matière de recherche mobilisant les jeunes en positionnant les jeunes Canadiens en tant qu’experts afin qu’ils participent activement à l’évaluation des approches actuelles et à l’élaboration de nouvelles politiques, interventions et stratégies visant à réduire la propagation de la désinformation et de la mésinformation dans les espaces en ligne.
 

Signalement et évaluation des plateformes – Ce que nous avons entendu

Les participants ont souligné la fréquence à laquelle ils rencontrent de la désinformation et de la mésinformation sur diverses applications de médias sociaux et d’autres plateformes. La plupart d’entre eux ont indiqué qu’ils avaient rencontré des informations trompeuses ou fausses en ligne dans les deux semaines qui ont précédé les séances de discussion.

  • « J’ai l’impression d’en voir tout le temps et je dois faire attention, surtout sur TikTok. » (Groupe des 16 à 18 ans)
  • « Il y a beaucoup de désinformation sur Twitter, dans la section des commentaires. Les gens publient des choses qui sont très trompeuses. » (Groupe des 16 à 18 ans)
  • « WhatsApp est une grande source de désinformation au sein de la famille. » (Groupe des 23 à 29 ans)

Lorsque nous avons demandé aux participants ce qu’ils faisaient lorsqu’ils voyaient de la désinformation ou de la mésinformation en ligne, ils ont partagé plusieurs stratégies. Par exemple, certains jeunes ont indiqué qu’ils avaient tendance à ignorer les publications ou les contenus, soit parce qu’il leur prenait trop de temps et d’énergie, soit parce qu’ils ne voulaient pas attirer davantage l’attention sur la publication ou la personne qui en a fait le partage.

  • « En général, j’ignore ces publications, sauf s’il s’agit de quelque chose de néfaste. » (Groupe des 16 à 18 ans)
  • « Les interactions engendrent d’autres interactions et nous font perdre du temps et de l’énergie. » (Groupe des 23 à 29 ans)

D’autres participants ont dit qu’ils tentaient de vérifier l’information parce qu’ils veulent savoir avec certitude s’il s’agit de « propagande » ou de « faussetés ».

  • « Je dois toujours vérifier l’information ensuite pour m’assurer qu’elle est vraie ou pas. » (Groupe des 16 à 18 ans)
  • « J’essaye de découvrir la vérité et de savoir ce qui se passe. Je pense qu’une partie de la désinformation vise à découvrir la vérité ou à savoir ce qui se passe réellement. Je ne peux pas simplement ignorer l’information. Si j’en ai le pouvoir, j’essaye de découvrir la vérité parce qu’il a peut-être une raison. » (Groupe des 23 à 29 ans)

Certains jeunes ont indiqué qu’ils préféraient une approche plus relationnelle de la vérification des publications. Les participants plus âgés ont déclaré qu’ils étaient plus susceptibles de réagir aux publications trompeuses ou fausses si elles proviennent d’une personne proche.

  • « J’essaye de faire savoir à ma famille que ce sont de la mésinformation. Je leur donne un contrepoids à ce qu’ils m’envoient. » (Groupe des 23 à 29 ans)
  • « Si l’information est partagée par des personnes que je connais personnellement, je leur parle et leur explique qu’elle est fausse. » (Groupe des 23 à 29 ans)
  • « Si la personne fait partie de mon cercle personnel, je lui parle en personne, pas sur les plateformes. » (Groupe des 23 à 29 ans)

Certains participants ont dit qu’ils signalaient la désinformation et la mésinformation, surtout lorsque le contenu est inapproprié ou qu’il s’agit d’une arnaque, et même s’ils considèrent qu’il est utile de le faire, ils n’étaient pas sûrs de l’impact d’un tel signalement. La plupart ont expliqué qu’il était important pour les plateformes d’assumer ce rôle de modération ou de signalement de contenu en raison des effets préjudiciables potentiels des informations trompeuses et fausses et de la nécessité de « protéger les utilisateurs ».

  • « Il est important que les plateformes signalent la mésinformation afin d’enrayer leur propagation. » (Groupe des 16 à 18 ans)
  • « À mon avis, il est important que les plateformes luttent contre la désinformation et la mésinformation puisque ces informations ont induit en erreur des personnes qui n’étaient pas suffisamment informées. » (Groupe des 16 à 18 ans)
  • « Tout le monde peut être affecté par la désinformation et la mésinformation, mais c’est particulièrement important de protéger les populations vulnérables. Par exemple, les personnes âgées sont peut-être susceptibles de penser que les informations sont vraies. Pas seulement les personnes âgées, mais les enfants aussi. Les jeunes enfants utilisent des plateformes où la mésinformation se propagent rapidement. Il est important de leur apprendre à s’y retrouver. » (Groupe des 23 à 29 ans)

Bien que les jeunes aient exprimé le désir de voir les plateformes jouer un rôle plus important dans la lutte contre la désinformation et la mésinformation, ils doutaient que les plateformes le fassent, et certains se sont interrogés sur l’efficacité des signalements faits par les plateformes mêmes et la suppression des contenus appropriés. Certains ont souligné le désir de voir de « vraies personnes » qui assurent la surveillance, la modération et le signalement des contenus sur les plateformes de médias sociaux.

  • « Oui, mais il est aussi important de comprendre comment les algorithmes affectent le signalement. Qui décide de ce qu’est de la désinformation ou une fausse information pour chaque utilisateur? » (Groupe des 23 à 29 ans)
  • « Si je possédais l’une de ces entreprises qui valent des milliards de dollars, j’embaucherais des gens qui s’assureraient que le contenu est sûr et approprié avant qu’il soit publié. » (Groupe des 16 à 18 ans)
  • « De vraies personnes devraient réviser le contenu. Il faut que des humains s’en chargent. » (Groupe des 19 à 22 ans)

Dans le cadre de l’activité d’évaluation, nous avons demandé aux jeunes s’ils connaissaient les processus et les outils de signalement de quatre plateformes : Instagram, TikTok, Twitter et YouTube. Les réponses variaient selon les plateformes et les groupes d’âge. Si certains participants connaissaient les outils des plateformes permettant de signaler la désinformation et la mésinformation, d’autres ne les connaissaient pas.

Nous leur avons également demandé s’ils pensaient que les outils existants définissaient clairement la désinformation et la mésinformation, si le processus de signalement était facile à utiliser, et si l’approche offrait aux utilisateurs une méthode efficace de lutter contre la désinformation et la mésinformation sur les plateformes. Les opinions étaient aussi partagées et variaient selon les plateformes. Par exemple, les participants qui ont évalué TikTok étaient d’accord pour dire que la plateforme offrait aux utilisateurs des définitions claires de la désinformation et de la mésinformation. Toutefois, ceux qui ont évalué Instagram n’étaient pas du même avis. Bon nombre de participants ayant évalué YouTube ont déclaré que le processus de signalement était assez facile à naviguer, mais ne pensaient pas qu’il s’agissait d’un moyen efficace pour lutter contre les contenus faux ou trompeurs sur cette plateforme. Bien que les plateformes informent toutes les utilisateurs de ce qui se passera après le signalement d’un contenu (à des degrés variables et dans un détail variable), les participants souhaitent généralement obtenir davantage d’informations sur la manière dont les signalements sont évalués et dont les plateformes prennent des décisions.

À la fin de chaque séance de discussion, nous avons demandé aux participants de nous dire s’ils estiment que les plateformes en ligne en font assez pour lutter contre la désinformation et la mésinformation et s’ils faisaient confiance aux plateformes pour les tenir informés et les protéger en ligne. Ils s’entendaient pour dire que ce n’était pas le cas.

  • « J’espère que les plateformes pourront en faire un peu plus à l’avenir pour que je puisse leur faire confiance pour assurer ma sécurité en ligne. » (Groupe des 16 à 18 ans)
  • « Les plateformes pourraient faire mieux. » (Groupe des 19 à 22 ans)
  • « Je ne pense pas que les plateformes en font assez, et je pense que la plupart des utilisateurs de médias sociaux sont conscients de l’ampleur de la désinformation en ligne, mais ne savent pas comment déchiffrer exactement ce qui constitue de la désinformation en raison des processus de filtrage inadéquats. » (Groupe des 19 à 22 ans)

Les jeunes ont exprimé leurs préoccupations concernant les valeurs que privilégient les plateformes. Ils ont notamment insisté sur le fait que les plateformes sont motivées par l’utilisation et les interactions, ce qui a un impact négatif sur la modération du contenu par une plateforme (et, le cas échéant, l’efficacité de la modération).

  • « Il est plus important pour elles que les utilisateurs restent sur la plateforme. » (Groupe des 19 à 22 ans)
  • « Je pense que les plateformes en ligne seront toujours plus intéressées par les bénéfices qu’elles peuvent tirer de mes données que par mon humanité réelle. Je ne leur fais pas confiance. » (Groupe des 23 à 29 ans)
  • « Ça va à l’encontre de l’image des médias sociaux. Ils veulent que les utilisateurs y naviguent le plus longtemps possible. Ils n’ajouteront certainement pas d’étapes supplémentaires. » (Groupe des 23 à 29 ans)

Ils se sont également dits préoccupés par le fardeau relatif au signalement qui incombe aux utilisateurs.

  • « Il incombe aux utilisateurs de faire des signalements, et je crois que c’est le plus gros problème des plateformes en ligne. » (Groupe des 16 à 18 ans)

C’est une ambiance : les impacts de la conception des plateformes sur la lutte contre la désinformation et la mésinformation

Dans le cadre des groupes de discussion, les participants ont expliqué comment l’apparence, l’atmosphère, l’impression et les valeurs d’une plateforme, ce qu’ils ont généralement appelé l’ambiance de la plateforme, contribuaient à déterminer si une plateforme offrait des possibilités significatives de lutter contre la désinformation et la mésinformation dans ces espaces. Les participants ont souligné que l’ambiance de ces plateformes encourageait les interactions passives, alors que l’authentification et la vérification des informations, qui supposent une interaction active et critique, vont à l’encontre de l’ambiance, qui est, au bout du compte, conçue pour servir les intérêts commerciaux des entreprises.

D’une part, les participants ont commencé à comprendre que les utilisateurs ont un important rôle à jouer dans la lutte contre la désinformation et la mésinformation, surtout parce qu’ils craignent que les plateformes puissent « se tromper ». D’autre part, ils ont constaté qu’il était indispensable que les plateformes intègrent des outils et des processus plus efficaces dans l’expérience des utilisateurs, ou l’ambiance, afin d’inciter les utilisateurs à faire des vérifications.

Recommandations :

Dans la dernière partie de l’activité d’évaluation et au cours de nos discussions finales, les participants ont suggéré des changements pertinents et utiles. Les jeunes Canadiens ont proposé des recommandations propres à la plateforme qu’ils ont évaluée, ainsi que des recommandations générales pour lutter contre la désinformation et la mésinformation en ligne, que nous avons classées dans quatre catégories : (1) accessibilité, connaissance et exactitude; (2) sécurité et responsabilité; (3) confiance; et (4) transparence.

Pour plus d’informations, veuillez consulter des recommandations complètes disponibles ici.