Les contenus inappropriés

Repousser les limites de l’expression artistique a de toujours été une part intégrante de la musique populaire. Toutefois, la course aux profits pourrait également être un prétexte pour repousser la frontière de ce qui est acceptable. Au cours de cette section, nous examinerons certains des enjeux auxquels fait aujourd’hui face l’industrie musicale.

Des paroles explicites

La musique n’a pas changé depuis l’époque où les Beatles ont ébranlé le monde. Ce qui a changé dans l’univers de la musique populaire, ce sont les paroles qui sont aujourd’hui beaucoup plus explicites.

Le hip hop, ainsi que d’autres genres musicaux, ont été critiqués pour leurs paroles porteuses de représentations graphiques telles que les drogues, le sexe, la violence et la haine envers les femmes, les minorités, les homosexuels et les lesbiennes. Des vedettes telles que Katy Perry peuvent bien être commercialisées sous le signe du « Girl Power » et du féminisme, mais ce qu’on vend en réalité à leur public, pour la majorité prépubère, est une sexualité d’adulte. 

Censurer ou ne pas censurer? Là est la question épineuse à laquelle beaucoup de parents doivent faire face lorsque leurs enfants rapportent à la maison de la musique qu’ils jugent offensante. La limite établie dépend largement des valeurs familiales, de la maturité et du tempérament de l’enfant. Pour les familles qui ont de jeunes et de moins jeunes enfants, les parents pourraient demander à leurs plus vieux d’écouter la musique ayant un contenu plus explicite sur leur iPod ou MP3.

Avec un tel choix de musiques pouvant être si facilement écoutées, ou téléchargées, la discussion avec les enfants concernant les paroles explicites devrait avoir lieu le plus tôt possible. Il est important que les adultes discutent avec leurs enfants des types de paroles qu’ils jugent offensantes et leur expliquent pourquoi. Au fur et à mesure que les enfants vieillissent, encouragez la discussion et le débat sur ces questions afin de leur offrir la possibilité de réfléchir non seulement aux stéréotypes et à la violence présents dans la musique et les vidéos, mais également dans les autres médias.

Les étiquettes d’avis parental

En 1990, l’industrie du disque américain lançait les étiquettes d’avis parental (mieux connues sous le nom de Parental Advisory labels) afin d’identifier les chansons contenant des paroles explicites, dont des descriptions de violence et à caractère sexuel. Les étiquettes d’avis parental sont imprimées dans le coin inférieur droit des pochettes de CD; elles se trouvent au même endroit sur l’image de la pochette pour les téléchargements numériques. [1]

Pour les consommateurs, le système connaît des ratés; en effet, puisque les entreprises et artistes apposent l’avis de façon volontaire, les consommateurs ne peuvent automatiquement tenir pour acquis que les albums sans étiquette soient appropriés pour les personnes de tous âges. [2]

L’industrie du commerce de détail souffre également d’un manque de rigueur à cet égard. Certains magasins possèdent des politiques interdisant la vente des albums arborant l’avis aux moins de 18 ans. Quelques chaînes de magasins, dont K-Mart et Wal-Mart, n’offrent pas de produits affublés d’une étiquette, tandis que d’autres n’ont aucune restriction pour empêcher les enfants de tous âges d’acheter des CD comportant un avis parental. Bien sûr, les téléchargements numériques n’ont aucune limite d’âge, bien que certains détaillants, tel iTunes, offrent des versions « épurées » de chansons contenant des paroles explicites. En règle générale, les parents devraient porter une plus grande attention aux contenus musicaux que leurs enfants téléchargent.

Les critiques allèguent que, bien que l’industrie musicale avertisse les parents de la présence de paroles inappropriées grâce à des étiquettes, cette même industrie commercialise vigoureusement les chansons explicites auprès des jeunes. En décembre 2009, la U.S. Federal Trade Commission (FTC) dévoilait un rapport démontrant comment les industries médiatiques, incluant l’industrie musicale, commercialisent de manière agressive les médias destinés aux adultes auprès des jeunes enfants. Le rapport démontrait que les albums renfermant des contenus explicites étaient souvent annoncés pendant des émissions télé ou sur des sites web populaires auprès des jeunes. [3]

Les vidéoclips

Les vidéoclips sont un puissant média puisqu’ils combinent l’énergie de la musique à la puissance de l’imagerie visuelle. Bien que les enfants ne s’attardent pas beaucoup aux paroles de leurs chansons préférées, les images qui accompagnent ces mêmes chansons à la télé ou sur Internet ont beaucoup plus d’impact parce qu’elles sont impossibles à ignorer.

Plusieurs stations radio canadiennes ne diffusent pas de musiques contenant des paroles explicites, mais les jeunes enfants peuvent aisément accéder aux chansons d’artistes controversés en visionnant leurs vidéoclips en ligne.

Les vidéoclips ont souvent été critiqués pour leur hypersexualisation de la femme : une étude menée en 2012 a découvert que cela était un fait répandu, même quand les artistes étaient des femmes. [4]

Nous pouvons inciter les plus vieux à analyser les messages prédominants des vidéoclips en leurs posant les questions suivantes :

  1. Quelles sont les similitudes dans les vidéos ? Quelles sont les différences ?
  2. Comment les personnes suivantes sont-elles représentées dans les vidéos ?
    • les minorités visibles
    • les adolescents
    • les femmes
    • les hommes
    • les parents
    • les symboles d’autorité
  3. Quels sont les choix de vie qui sont mis en valeur dans ces vidéos, qu’il s’agisse du tabagisme, de la consommation d’alcool ou des activités sexuelles ?
  4. La vidéo est-elle un outil marketing efficace pour l’artiste ?
  5. Quelles sont les tendances de la culture populaire qui ont été inspirées par ces vidéos ?

Les effets négatifs de la musique

Pour les jeunes bénéficiant d’une saine image de soi et ayant des intérêts variés, la musique n’aura que peu ou pas d’influence sur leurs valeurs et leurs choix de vie. Toutefois, les paroles de chanson violentes, racistes, homophobes ou sexistes pourraient avoir un effet sur certains jeunes : des recherches ont démontré qu’il existe de possibles corrélations entre les préférences des adolescents pour certains genres musicaux et les comportements à risque. [5]

Des preuves ont été avancées selon lesquelles le fait d’écouter des chansons contenant des paroles à caractère sexuel pourrait amener des adolescents à devenir actifs sexuellement plus rapidement que leurs pairs. [6] La musique renferme également des contenus commerciaux, la plupart sous forme de placement de produit (à la fois dans les paroles et les vidéos), [7] dont la majorité a trait à l’alcool.[8] Bien que les recherches n’aient pas démontré d’effets cohérents quant aux paroles de chansons sur la personnalité des adolescents, une étude a toutefois constaté que l’écoute de chansons dont les paroles sont « pro-sociales » faisait en sorte que les adolescents avaient plus de chances de se comporter de manière altruiste et compatissante. [9]


[1] COLE, Tom (29 octobre 2010). « You Ask, We Answer: 'Parental Advisory Labels' – The Criteria and the History », NPR Music.
[2] Ibid.
[3] FEDERAL TRADE COMMISSION (décembre 2009). « Marketing Violent Content to Children: A Sixth Follow-up Review of Industry Practices in the Motion Picture, Music Recording & Electronic Game Industries ».
[4] Frisby, Cynthia et Jennifer Stevens, Audrey (2012). « Race and Genre in the Use of Sexual Objectification in Female Artists' Videos », Howard Journal of Communications, (23) 1.
[5] American Academy of Paediatrics (2009). « Bad rap: Can music lyrics with negative references affect kids’ behavior? », Ma AAP News, 30:24.
[6] Primack, Brian (avril 2009). « Exposure to Sexual Lyrics and Sexual Experience Among Urban Adolescents », American Journal of Preventive Medicine, Volume 36, numéro 4, p. 317-323.
[7] Chang, Samantha (23 novembre 2003). « Product Placement Deals Thrive in Music Videos », Billboard.
[8] Kopun, Francine (20 octobre 2011). « Study Finds Rappers Promote Name-Brand Alcohol to Young Fans », The Toronto Star.
[9] Greitemeyer, Tobias (novembre 2009). « Effects of Songs with Prosocial Lyrics on Prosocial Behavior », Personality and Social Psychology Bulletin.