Tri de l'information
Le tri de l'information repose sur le principe que, bien qu'aucune source ne soit totalement impartiale ou fiable, certaines sont nettement plus fiables que d'autres. Le but n'est pas de démystifier chaque fausse information, mais plutôt d'exercer son discernement pour distinguer les sources plus ou moins fiables[2].
Il s'agit d'un processus en deux étapes : d'abord une lecture complémentaire, pour éliminer les sources non fiables, suivie d'une lecture attentive des seules sources jugées dignes d'une évaluation critique. Cette méthode prépare les individus à faire face non seulement aux fausses informations flagrantes, mais aussi aux informations de sources légitimes qui peuvent malgré tout être biaisées, incomplètes, ou formulées de manière trompeuse[3].
La lecture complémentaire consiste à déterminer si une source est fondamentalement fiable, c'est-à-dire si l'on peut lui faire confiance pour fournir des faits exacts. La plupart du temps, cela ne nécessite pas d'examiner directement la source elle-même, mais plutôt ce que d'autres sources fiables disent à son sujet. Cette méthode, qui aide à faire face à un excès d'information, doit rester rapide et simple.
Cette technique, parfois appelée lecture latérale, consiste à utiliser des ressources complémentaires (comme les moteurs de recherche, les encyclopédies, ou d'autres sources bien établies) pour vérifier si les sources que l'on consulte méritent que l'on s'y attarde. Tout aussi important, la lecture complémentaire permet d'identifier les sources à ignorer. Cela est particulièrement utile face à des contenus générés par l'IA, qui manquent souvent de sources originales. Par exemple, une recherche d'image inversée pour une véritable photo renverra vers les endroits où l'image a été publiée, tandis qu'une recherche pour une fausse image ne mènera généralement qu'à des publications sur les réseaux sociaux ou des articles expliquant qu'il s'agit d'un hypertrucage.
La lecture complémentaire nous permet aussi d'éviter ce que Mike Caulfield, expert en gestion de l'information, appelle l’érosion de la confiance : plutôt que de développer un esprit critique qui permet de faire la distinction entre les sources plus ou moins fiables, ou de comprendre les biais inhérents à chaque source, certaines personnes finissent par croire qu'aucune source n'est digne de confiance et que toutes sont également - et fatalement - biaisées.
Le programme Faux que ça cesse de HabiloMédias aborde cette étape de manière plus approfondie, mais en résumé, nous enseignons quatre grandes étapes pour trier les informations :
- Utiliser des outils de vérification des faits;
- Identifier la source originale d'une affirmation;
- Vérifier cette source si elle n'est pas déjà reconnue comme fiable;
- Vérifier d'autres sources fiables, notamment celles qui sont reconnues pour leur expertise ou leur autorité.
En général, une ou deux de ces étapes suffisent à déterminer si une source mérite une analyse plus poussée. Pour des explications plus détaillées sur ces étapes, vous pouvez consulter la section lecture complémentaire.
La lecture attentive est bien plus complexe. Il s'agit d'analyser comment une source présente son contenu : quels éléments sont mis en avant ou minimisés, quel parti pris est adopté, quelles informations sont incluses ou omises, quelle image est choisie pour accompagner l'article, et ainsi de suite.
Une autre compétence essentielle de la lecture attentive consiste à comprendre les différents types et formats de textes : cela inclut des aspects basiques comme l'utilisation de l'index et de la table des matières dans un manuel, jusqu'à des structures plus spécialisées, comme la « pyramide inversée » utilisée dans les articles de presse.
Pour cela, il faut examiner la source elle-même de manière approfondie, mais pour répondre à certaines questions, comme ce qui pourrait avoir été omis, il est également nécessaire de comparer cette source à d'autres.
Nous n'entreprenons une lecture attentive que lorsque nous savons que l'information mérite notre attention, soit parce qu'elle est déjà reconnue comme fiable, soit parce que nous l'avons validée au moyen de lectures complémentaires. Comme l'ont dit Mike Caulfield et Sam Wineburg dans leur ouvrage Verified : « Réfléchir de manière critique à des sources de faible qualité est une perte de temps colossale[4]. »
[1] Hassoun, A., Beacock, I., Consolvo, S., Goldberg, B., Kelley, P. G., & Russell, D. M. (2023, April). Practicing Information Sensibility: How Gen Z Engages with Online Information. In Proceedings of the 2023 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems (pp. 1-17).
[2] Kiili, C., Räikkönen, E., Bråten, I., Strømsø, H. I., & Hagerman, M. S. (2023). Examining the structure of credibility evaluation when sixth graders read online texts. Journal of Computer Assisted Learning, 39(3), 954-969.
[3] Hoes, E., Aitken, B., Zhang, J., Gackowski, T., & Wojcieszak, M. (2024). Prominent misinformation interventions reduce misperceptions but increase scepticism. Nature Human Behaviour, 1-9.
[4] Caulfield, M., & Wineburg, S. (2023). Verified: How to think straight, get duped less, and make better decisions about what to believe online. University of Chicago Press.