Envoi de sextos

Le sextage – et, surtout, nos préoccupations à cet égard – est souvent dépeint comme étant un phénomène touchant essentiellement les filles; il peut donc être surprenant que des données de l’étude Jeunes Canadiens dans un monde branché (JCMB) de HabiloMédias montrent que les garçons et les filles sont tout aussi susceptibles d’envoyer des sextos d’eux-mêmes.[i]

En outre, les garçons sont nettement plus susceptibles que les filles de recevoir un sexto qu’ils avaient demandé (46 % des garçons âgés de 16 à 20 ans l’ont signalé, contre 39 % des filles), tandis que 54 % des filles ont reçu un sexto qu’elles n’avaient pas demandé, contre 48 % des garçons[ii].

Bien que seule une adolescente sur six ayant envoyé des sextos déclare l’avoir fait parce qu’elle disait subir des pressions[iii], celles qui l’ont fait sont trois fois plus susceptibles de déclarer avoir eu des problèmes en conséquence (32 % contre 8 % des auteurs de sextos qui n’ont pas subi de pressions)[iv].

Bien que le sextage soit de plus en plus considéré comme un comportement normal et potentiellement sain lorsqu’il s’inscrit dans le cadre d’une relation consensuelle[v], les sextos des filles et des garçons sont encore perçus différemment : les images du corps des femmes sont considérées comme inévitablement sexuelles, tandis que celles des hommes peuvent être sexuelles, comiques ou même agressives selon le contexte[vi]. Par conséquent, les femmes ont tendance à prendre davantage de mesures pour limiter l’impact potentiel de la publication de leurs sextos, créant un « déni plausible » en envoyant des photos aguichantes, mais pas explicites ou en masquant ou en recadrant tout ce qui pourrait les identifier, comme leur visage, les marques corporelles comme les tatouages et les détails de l’arrière-plan qui montreraient où la photo a été prise[vii].

Pourquoi les enfants envoient des sextos

Le sexto est utilisé par les jeunes dans trois contextes typiques : comme un substitut à l’activité sexuelle chez des jeunes qui ne sont pas encore actifs sexuellement (généralement à la fin du primaire et au début du secondaire), comme marque d’intérêt amoureux envers une personne avec laquelle on souhaite nouer une relation amoureuse, et comme une partie de la relation amoureuse chez les adolescents sexuellement actifs : s’échanger des photos dénudées est une preuve de son engagement envers l’autre.

L’échange d’images sexuelles peut également se faire dans le cadre d’un jeu de type « action ou vérité » auquel se livrent les jeunes adolescents ou d’une plaisanterie consistant à imiter des images « sexy » vues dans les médias. Les jeunes peuvent également envoyer des sextos parce qu’ils trouvent excitant de prendre des risques, qu’ils ressentent la pression de leurs amis ou de leurs pairs, ou qu’ils ont vu des représentations de sextos dans les médias[viii]. Certains jeunes peuvent également envoyer des sextos que le destinataire n’a pas demandés, par plaisanterie ou harcèlement[ix]. Il est important de noter, cependant, que les sextos ne sont pas un phénomène exclusivement adolescent puisque 8 adultes interrogés sur 10 lors d’une étude réalisée en 2015 ont admis avoir envoyé des sextos au cours de l’année précédente[x].

Même si de nombreux jeunes considèrent que cette pratique n’a « rien d’important », certains, en particulier les filles, peuvent se sentir obligés de fournir de telles images, et cette pratique qui n’a « rien d’important » peut rapidement devenir « quelque chose d’important » si les images et les messages intimes sont diffusés à un public plus large. Une étude réalisée en 2018 sur les jeunes et le sextage a révélé que le sextage non consensuel est en hausse, alors que 12,5 % des jeunes (1 jeune sur 8) déclarent avoir transféré un sexto[xi]. Ce partage non consensuel peut avoir des conséquences désastreuses pour ceux dont les images ont été partagées, car malheureusement, les victimes sont celles qui sont traditionnellement blâmées par leurs pairs pour avoir envoyé les images en premier lieu, au lieu de celles qui partagent ces photos intimes sans consentement[xii].

 

[i] Johnson, M., Mishna, F., Okumu, M., Daciuk, J. (2018). Le partage non consensuel de sextos : Comportements et attitudes des jeunes Canadiens Ottawa: HabiloMédias.

[ii] Ibid.

[iii] Lee, M., & Crofts, T. (2015). Gender, pressure, coercion and pleasure: Untangling motivations for sexting between young people. British Journal of Criminology, 55(3), 454-473.

[iv] Englander, E. K., & McCoy, M. (2016). Gender Differences in Pressured Sexting.

[v] Madigan, S., Ly, A., Rash, C. L., Van Ouytsel, J., & Temple, J. R. (2018). Prevalence of multiple forms of sexting behavior among youth: A systematic review and meta-analysis. 327JAMA pediatrics, 172(4), -335.

[vi] Salter, M. (2016). Privates in the online public: Sex (ting) and reputation on social media. New media & society, 18(11), 2723-2739.

[vii] Renfrow, D. G., & Rollo, E. A. (2014). Sexting on campus: Minimizing perceived risks and neutralizing behaviors. Deviant Behavior, 35(11), 903-920.

[viii] Souza, L., & Lordello, S. R. M. (2020). Sexting and Gender Violence Among Young People: An Integrative Literature Review. Psicologia: Teoria e Pesquisa, 36.

[ix] Hayes, R. M., & Dragiewicz, M. (2018, November). Unsolicited dick pics: Erotica, exhibitionism or entitlement?. In Women's Studies International Forum (Vol. 71, pp. 114-120). Pergamon.

[x] (2015) How Common is Sexting? American Psychological Association. Consulté sur le site https://www.apa.org/news/press/releases/2015/08/common-sexting

[xi] Ly, A et al (2018) Prevalence of Multiple forms of sexting behaviour among youth. JAMA Pediatrics. 172:4, p.327-335

[xii] Naezer, M (2021). Only sluts love sexting: youth, sexual norms, and non-consensual sharing of digital sexual images. Journal of Gender Studies. 30:1, pp. 79-90