Les médias diversifiés sur le plan racial et culturel – Obstacles et défis

Bien que les avantages de la diversité des médias soient considérables, le processus de création peut être parsemé d’embûches.

Claire Cossée décrits plusieurs de ces difficultés[1].

  • Les groupes diversifiés doivent souvent surmonter un passé de déni ou de représentation inexacte, ce qui signifie souvent de s’attaquer aux facteurs historiques et politiques litigieux qui contribuent à l’exclusion d’un groupe.
  • La perception du public des groupes minoritaires est souvent négative.
  • Il n’est pas toujours facile de retrouver la dignité et la libération à partir d’une position sociale opprimée.
  • Même si un groupe racialisé parvient à renforcer sa présence dans les médias ou à améliorer son image publique, ses droits ou conditions de vie ne s’en trouvent pas nécessairement améliorés.
  • De nombreux groupes ne disposent pas des ressources financières ou sociales nécessaires pour établir une présence médiatique.

Les médias de la diversité raciale et culturelle au Canada sont également confrontés à une variété de défis. Presque toutes les chaînes canadiennes qui s’adressent aux groupes minoritaires s’appuient largement sur des contenus importés. En 2017, Rogers a lancé la chaîne OMNI Regional au cœur d’une controverse selon laquelle elle enfreignait les conditions du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes qui accordait au diffuseur une lucrative licence de distribution obligatoire. Des groupes comme l’Urban Alliance on Race Relations et la Chinese and Southeast Asian Legal Clinic ont fait valoir qu’en confiant sa programmation en langue chinoise à un concurrent, Rogers a réduit la diversité des voix pour les communautés ethniques ». Nigel Bariffe, président de l’Urban Alliance, a déclaré que « non seulement les nouvelles devraient être produites au Canada, mais Rogers Media devrait les produire ». Un autre porte-parole de Rogers a déclaré que la production était confiée à Fairchild Television, basée à Vancouver, qui diffuse en mandarin et cantonais. À la suite de cette décision, on estimait que de « confier la production à Fairchild TV signifie l’élimination de toute possibilité d’exprimer des points de vue différents et peut-être même une réduction de l’accès aux nouvelles locales pour nos communautés[2] ».

En outre, certains craignent que les médias minoritaires ne contribuent pas réellement à faire du Canada une nation plus multiculturelle. Sherry Yu, de l’Université de Toronto, soutient dans son ouvrage de 2018 que les définitions des médias ethniques et grand public soutiennent « le cadre binaire dans lequel les médias ethniques sont positionnés comme des médias "pour les autres" et existent de manière isolée des médias grand public[3] ». Elle soutient qu’il faut un « système médiatique interculturel » qui « faciliterait un flux réciproque d’informations entre les médias grand public et les médias minoritaires[4] ».

Jorge Ramos, journaliste pour le diffuseur américain de langue espagnole Univision, présente un point de vue similaire, affirmant que si les membres de nombreuses communautés comptent sur les médias communautaires diversifiés pour s’informer, le fait de le définir lui comme un journaliste de médias ethniques a contribué à sa marginalisation et à lui donner l’impression d’être un étranger. Pourtant, selon lui, les médias communautaires diversifiés sont essentiels puisque « nous ne nous contentons pas de rapporter les faits : nous comprenons également le journalisme comme un service public ». Jorge Ramos participe aux études stratégiques de l’American Press Institute, qui propose une initiative visant à favoriser les collaborations entre les médias communautaires diversifiés et les grands organes d’information, à l’instar du « système médiatique interculturel » proposé par Sherry Yu[5].

Le Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada s’est penché sur l’avenir de la représentation médiatique de la diversité raciale et culturelle et des médias de cette diversité au Canada. Il présente divers objectifs que la future radiodiffusion canadienne devrait prendre en compte, notamment :

  • servir de forum pour l’étude et la discussion des obstacles auxquels sont confrontés les groupes ethniques, la presse et les médias électroniques et les aider à s’intégrer pleinement dans la société dominante;
  • recueillir et diffuser des informations qui permettront une meilleure compréhension et une meilleure collaboration entre les divers groupes ethniques du Canada et la société en général[6].
 

[1] Cossée, C. (2010). « Médias tsiganes en France et en Hongrie: re-présentation de soi dans l’espace public : Les médias des minorités ethniques : Représenter l’identité collective sur la scène publique ». Revue européenne des migrations internationales, 26(1), 57-80.

[2] Wong, T. (2017). « OMNI Regional launches Sept. 1 amid controversy over contracting out newscasts ». The Toronto Star. Consulté à l’adresse : https://www.thestar.com/entertainment/television/2017/08/31/omni-regional-launches-sept-1-amid-controversy-over-contracting-out-newscasts.html. [traduction]

[3] Yu, S. (2018). Diasporic Media Beyond the Diaspora. UBC Press. Texte imprimé. [traduction]

[4] Danylova, A. (2020). « Media and Culture: Facilitating Intercultural Dialogue ». InkSpire. Consulté à l’adresse : https://inkspire.org/post/media-and-culture-facilitating-intercultural-dialogue/-MCYv4ZigUzPrhhnRqLi. [traduction]

[5] Gerson, D., et Rodriguez, C. (2018). « Going forward: How ethnic and mainstream media can collaborate in changing communities ». American Press Institute. Consulté à l’adresse : https://www.americanpressinstitute.org/publications/reports/strategy-studies/ethnic-and-mainstream-media-collaborations-in-changing-communities/.

[6] (2021) Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada : Objectifs [en anglais]. Consulté à l’adresse : https://www.nepmcc.ca/basic/object1.htm.