Répondre au plagiat

Alors que les jeunes participent activement au plagiat (95 % des élèves interrogés dans le cadre d’une étude réalisée en 2017 admettent avoir participé à une forme de tricherie[i]), ils ont du mal à considérer que leurs actes de plagiat pourraient faire une victime. Au bout du compte, si personne n’est blessé, il est peu probable que nous ressentions de l’empathie, et sans elle, il est difficile de considérer quelque chose comme moralement répréhensible.

Lorsqu’il est question de plagiat et de malhonnêteté académique, il faut faire comprendre aux élèves que ces situations font des victimes : les élèves eux-mêmes, bien sûr, qui se privent de ce qui pourrait être une importante expérience d’apprentissage (voudriez-vous vous faire opérer par un médecin qui a triché à ses examens?), et également les autres élèves de la classe, en partie parce que plus l’enseignant passe de temps à détecter le plagiat, moins il a de temps pour préparer des leçons et aider les élèves.

Traditionnellement, la principale façon de traiter de la malhonnêteté académique est d’établir des règles. Cette approche est moins efficace qu’elle l’a déjà été pour différentes raisons. Les élèves ne comprennent pas nécessairement comment les règles touchent aux différentes activités que nous avons classées comme étant du plagiat. Comme nous l’avons vu, même les élèves qui savent que ce qu’ils font va à l’encontre des règles estiment souvent que le plagiat n’est pas mal d’un point de vue émotionnel, ce qui signifie que le principal facteur les influençant à plagier ou non est la probabilité qu’ils se fassent prendre. Ce qui pourrait être encore plus efficace que des règles strictes contre le plagiat est de mettre en œuvre des procédures qui le rendent plus difficile. Plutôt que de simplement demander un projet final, par exemple, les enseignants (et les parents) peuvent demander à voir toutes les différentes étapes du projet, de la recherche au remue-méninges en passant par l’aperçu et l’ébauche et ensuite la version définitive. L’enseignant ne doit pas nécessairement donner une note à chacune de ces étapes, mais en insistant pour que les élèves remettent ces étapes, il est plus facile de détecter le plagiat et cela le rend plus difficile. Vous pouvez également réduire le plagiat en proposant un plus grand nombre d’évaluations à faible enjeu plutôt qu’un petit nombre d’évaluations à fort enjeu, en mettant l’accent sur le développement de la maîtrise d’une matière plutôt que sur une seule performance, et en expliquant clairement comment vous vous attendez à ce qu’ils utilisent des sources dans leurs travaux. Nos guides des élèves « Votre vie branchée : Guide des ados sur la vie en ligne » (pour les élèves du secondaire) et « Savourer ton indépendance tout en faisant preuve de prudence en ligne » (pour les étudiants de niveau postsecondaire) comprennent tous deux des conseils adaptés aux jeunes sur la façon d’utiliser honnêtement les sources de recherche en ligne.

Selon David Rettinger, professeur à l’Université de Mary Washington, les étudiants « trichent juste assez pour conserver l’image d’une personne honnête. Ils font de leur comportement une exception à la règle générale[ii]. » Par conséquent, les étudiants rationalisent leur tricherie afin de ne pas se sentir coupables d’enfreindre les règles, ce qui révèle que même s’ils trichent, ils savent naturellement que c’est mal et continuent pourtant de le faire. Leurs rationalisations proviennent de raisons légitimes adaptées aux circonstances, comme le stress, l’accablement ou l’incompréhension d’un devoir. Les élèves du secondaire étant des preneurs de risques naturels sur le plan du développement, ils ne pensent pas aux conséquences à long terme de leurs actes. Il est donc important qu’ils soient sensibilisés au sort des victimes de leur tricherie, ainsi que des impacts qu’elle aura à long terme sur leur vie.

 Une autre façon d’aider les élèves à considérer la question sur le plan émotionnel est de leur faire comprendre que le plagiat de tout genre est irrespectueux envers l’auteur. Il peut être utile de faire des parallèles avec d’autres formes de copiage qui sont plus tangibles et personnelles, comme le copiage des œuvres d’artistes indépendants et d’artisans. Par exemple, lorsque Amira Rasool, propriétaire de l’entreprise de vêtements The Folklore, a laissé entendre que le logo figurant sur les produits de promotion de l’album folklorique de la chanteuse Taylor Swift était plagié à partir du logo de son entreprise, cette dernière s’est excusée et a accepté de modifier le logo de l’album pour le rendre moins similaire[iii].

Pour aider les élèves à prendre conscience de la question du plagiat, vous pouvez positionner les jeunes comme des créateurs de contenu.

« Vous vous souvenez que vous avez mis en ligne des vidéos en stop-motion (image par image) sur YouTube? Et si quelqu’un les copiait, les mettait sur sa propre chaîne et y ajoutait de la publicité? Comment vous sentiriez-vous? Est-ce que ce serait juste? »

Alors que la culture des jeunes a un effet important sur les attitudes des élèves à l’égard du plagiat, les cultures à la maison et à l’école sont probablement encore plus importantes. Lorsque les parents et les enseignants se concentrent davantage sur les notes, le plagiat est plus fréquent, mais lorsqu’on prête davantage attention à la valeur du contenu et au processus d’apprentissage, les taux de plagiat diminuent.[iv]

Les enseignants peuvent également communiquer les valeurs de leur « culture en classe » par les devoirs qu’ils donnent. Plus les devoirs dépendent d’éléments comme de simples questions de fait, plutôt que de demander aux élèves de résumer leurs idées et de faire des évaluations, plus les élèves sont susceptibles de plagier ou de tricher. Avant de donner un devoir, il peut être utile de se demander si les élèves seront en mesure de le faire en lisant seulement un résumé du texte plutôt que le texte complet. Dans l’affirmative, vous pourriez être en mesure de montrer aux élèves que de faire le devoir est une expérience plus valable que de tricher.

En abordant l’honnêteté académique de la bonne façon, ce n’est pas du tout contraire à la culture des jeunes. Obtenir des renseignements est banal de nos jours : les jeunes doivent devenir des « remixeurs » de renseignements. Tout comme un bon « remix » utilise différentes chansons ou vidéos pour créer un truc nouveau, une dissertation ou tout autre travail étudiant devrait utiliser ses sources comme outils pour créer quelque chose d’encore plus grand.

En traitant les élèves non seulement comme des consommateurs, mais également des producteurs de médias, nous pouvons leur enseigner à utiliser des sources d’une façon transformative.

Dilemmes moraux liés au plagiat

Voici un scénario qui peut aider les jeunes à explorer les questions soulevées : tard un soir, Nathan termine une dissertation qu’il doit rendre le lendemain matin lorsqu’il découvre qu’il n’a pas consigné la source de l’un des plus importants faits. Il est incapable de déterminer où il a trouvé l’idée à l’origine et n’a plus le temps pour le faire. Devrait-il supprimer le fait de sa dissertation, même si cela va affaiblir son argument et probablement diminuer sa note? Devrait-il ajouter le fait en inventant une citation? Devrait‑il inclure le fait, mais demander plus de temps pour trouver la citation (ce qui pourrait également faire baisser sa note)? Il faut se rappeler qu’il est important qu’un dilemme moral n’ait pas de réponse claire afin de donner aux jeunes l’occasion de pratiquer leur raisonnement moral.

En ce qui concerne le jugement moral, la chose la plus importante est de réussir à convaincre les jeunes de ne pas seulement considérer les risques et les récompenses. On peut demander aux élèves s’il est juste pour les autres élèves que Nathan s’attende à être exempté d’une règle qui devrait s’appliquer à tous, ou s’il est mal de priver l’auteur du contenu original de son droit d’être reconnu pour son œuvre.

Pour les plus jeunes enfants, nous pouvons utiliser un exemple plus concret : Fiona et David, des élèves dans la même classe, travaillent tous les deux sur un devoir qui leur demande d’inventer un superhéros qui sera la vedette d’une courte bande dessinée. Fiona se met au travail tout de suite et invente Super‑Singe, un superhéros qui peut se changer en singe. David la voit travailler sur sa bande dessinée et commence à dessiner son personnage, Super-Lémur. À quel moment l’imitation de David devient-elle inacceptable? Devrait-il attribuer le mérite à Fiona ou lui demander la permission? Est-ce pire si David obtient une meilleure note?

Nous pouvons demander aux enfants de considérer comment Fiona se sentira lorsqu’elle réalisera que David l’a copiée, et comment David se sentira à son tour. Nous pouvons aussi leur demander de réfléchir à la façon dont les autres élèves percevront David s’il se fait une réputation de copieur et de penser à l’importance de l’originalité du devoir.

 

[i] (2017). Plagiarism: Facts and Stats. Turnitin. Consulté sur le site https://www.plagiarism.org/article/plagiarism-facts-and-stats

[ii] Simmons, A (2018). Why students cheat – and what to do about it. Edutopia. Consulté sur le site https://www.edutopia.org/article/why-students-cheat-and-what-do-about-it [traduction]

[iii] Nugent, A (2020). Taylor Swift changes ‘Folklore’ merchandise design after being accused of copying. The Independent. Retrieved from https://www.independent.co.uk/arts-entertainment/music/news/taylor-swift-folklore-merchandise-design-change-copying-a9646536.html

[iv] Stephens, J. (n.d.). Why Students Plagiarize (webcast). Consulté sur le site http://pages.turnitin.com/Plagiarism_45_Recording.html