Préoccupations relatives à la représentation des personnes handicapées dans les médias

La couverture médiatique des questions touchant les personnes handicapées

Les personnes handicapées font l’objet d’un traitement similaire dans les nouvelles. Le mémoire de l’ACR rapporte une « couverture limitée de façon généralisée en ce qui concerne les questions touchant les personnes handicapées dans les bulletins télévisés » et la couverture existante tend d’ordinaire à tomber dans la « victimisation » ou à faire l’éloge du superinfirme : des reportages attirant la sympathie du public ou des histoires « optimistes » sur des personnes ayant « surmonté » leur handicap. Le fait que la plus grande couverture télévisée accordée aux personnes handicapées soit les Jeux paralympiques est révélateur puisque, malgré les efforts du Comité international paralympique pour « mettre l’accent… sur le dépassement athlétique des participants plutôt que sur leur handicap », ceux-ci font invariablement l’objet de reportages de type « triomphe dans l’adversité ».

Il existe peu de médias canadiens dédiés spécifiquement aux questions touchant les personnes handicapées. En 2007, la CBC annulait la seule émission télévisée canadienne sur ce sujet, Moving On, tandis qu’un seul magazine canadien, Abilities, offrait du contenu à cette communauté. L’industrie cinématographique canadienne fait un peu plus de place aux personnes handicapées, en grande partie grâce à l’Office national du film du Canada, lequel a produit des films portant sur le sujet tels que Côté coeur..., un film qui traite un sujet rarement abordé, la sexualité et le handicap. De plus, les festivals du cinéma comme Picture This… International Film Festival de Calgary, Festival Handica-Apicil de France ou Festival international des pom's d'or mettent en vedette des films produits par des personnes handicapées.

Les personnes handicapées sont presque toujours absentes des jeux vidéo et, lorsqu’elles y sont représentées, elles sont généralement lourdement stéréotypées. De par leur nature immersive et interactive, les jeux vidéo détiennent un potentiel unique pour le développement de l’empathie et pour nous aider à nous mettre dans la peau des autres ; malheureusement, jusqu’à maintenant, peu de jeux ont utilisé ce potentiel pour offrir l’expérience de vivre avec un handicap. Il existe toutefois une exception à la règle : Handigo. Ce jeu, développé par Handicap International et l’éditeur Ubisoft, permet au joueur d’expérimenter la vie avec différents handicaps, telle une déficience de la vue, une mobilité réduite ou une déficience auditive.

Une représentation carencée

Après avoir effectué des recherches en vue d’un reportage sur les personnes handicapées dans les médias, Joanne Smith, animatrice de l’émission Moving On présentée par la CBC, confiait : « J’ai été sincèrement indignée lorsque j’ai parlé à certains agents de distribution artistique et producteurs concernant l’embauche de personnes handicapées, que ce soit pour la télédiffusion ou l’interprétation, et que ceux-ci m’ont avoué à brûle-pourpoint ne pas en vouloir. » Robert David Hall, connu pour son rôle du médecin légiste Dr Albert Robbins dans Les Experts (CSI : Crime Scene Investigation), a dit : « Je crois qu’il y a la peur des poursuites, qu’une personne handicapée ralentisse la production, la peur que le public soit inconfortable… [pourtant] je suis un acteur depuis 30 ans et je marche sur deux jambes artificielles ». Dans le même ordre d’idées, des émissions comme Bob Gratton : Ma vie, my life, Caméra Café et Plus belle la vie ont déjà mis en scène des acteurs souffrant d’un handicap dans des rôles et, dans le cas de Plus belle la vie, la production ne voulait voir que des comédiens en fauteuil roulant pour le rôle. Michael Patrick Thornton, personne en fauteuil roulant et détenant un rôle récurrent dans Pratique privée, avoue qu’il sera heureux le jour où les acteurs souffrant d’un handicap auront les mêmes chances que les personnes non handicapées pour des rôles dans lesquels « personne n’a mentionné de fauteuil roulant ».

Le mémoire de l’ACR rapporte « qu’il existe une participation carencée, particulièrement en ce qui a trait à l’embauche de personnes handicapées dans la programmation télévisuelle. Ceci semble être dû en grande partie au manque de communication et d’informations disponibles aux personnes handicapées relativement aux possibilités d’emploi dans l’industrie de la radiodiffusion dans son ensemble. »

De manière générale, les personnes handicapées sont sous-représentées dans les médias : l’étude Where We Are On TV Report: 2010-2011 Season dévoile que seulement 1 % des personnages récurrents de la télévision américaine souffrent d’un ou de plusieurs handicaps comparativement à 12 % de la population américaine et canadienne. Aussi, les personnages présentant un handicap sont plus souvent joués par des acteurs non handicapés ; des personnages identifiés dans l’étude du GLAAD, seulement un, le Dr Robbins, était joué par une personne handicapée.

Une des représentations les plus populaires d’une personne handicapée au cours des dernières années est Artie Abrams dans Glee. Les réactions à ce personnage sont partagées : en règle générale, les téléspectateurs non handicapés perçoivent son personnage de manière positive ; de plus, Glee s’est vu récompenser par l’Academy of Television Arts and Sciences pour sa participation dans une « télévision responsable ». Toutefois, plusieurs téléspectateurs souffrant d’un handicap jugent qu’Artie est une représentation inexacte et stéréotypée. Ce rôle joué par Kevin McHale, un acteur non handicapé, incarne plusieurs stéréotypes courants : les personnes handicapées ne peuvent être admirées que si elles « surmontent » leur handicap, les personnes handicapées sont automatiquement des parias, les personnes handicapées ne peuvent participer à des activités physiques telles que la danse, les sports, le jeu d’acteur et, enfin, le plus grand désir des personnes handicapées est de ne pas être handicapées. Bien sûr, tous ces stéréotypes seraient tout autant regrettables si Artie était joué par une personne en fauteuil roulant. Toutefois, il y a fort à parier que si c’était le cas ou si quelqu’un de la production était handicapé ou près de cette communauté, le personnage ne serait pas si exagérément stéréotypé.