L’éducation aux médias peut-elle avoir l’effet contraire?

Si nous pouvons conclure de manière générale que la littératie aux médias numériques est efficace, il convient de se poser la question inverse : l’éducation aux médias peut-elle avoir l’effet contraire?

Comme dans presque toutes les disciplines, l’éducation aux médias peut avoir des effets néfastes lorsqu’elle est mal enseignée. Certains de ces effets sont propres à des sujets précis : par exemple, un examen des interventions sur le sextage a révélé que bon nombre d’entre elles culpabilisent les victimes et excusent ceux qui rendent publiques des photos intimes[1]. De même, les approches de la désinformation qui ne reconnaissent pas les répercussions des médias numériques réseautés, en particulier la facilité accrue et le coût radicalement réduit de la création et de la distribution des médias, ainsi que l’habileté des vecteurs de désinformation à imiter les marqueurs traditionnels de fiabilité, peuvent en fait rendre les élèves plus susceptibles à la désinformation[2], tandis que des instructions bien intentionnées invitant les élèves à éviter Wikipédia empêchent les élèves d’apprendre à utiliser efficacement ce qui est, interdictions ou non, l’une de leurs principales sources d’information.

Il existe également des risques plus grands associés à la littératie aux médias numériques en général. En examinant les façons dont l’éducation aux médias peut avoir l’effet contraire, nous pouvons recenser des pratiques et des attitudes précises à éviter dans l’éducation aux médias et des moyens d’atténuer les risques qu’elle ait l’effet contraire.

Résistance

L’effet contraire le plus courant est sans doute celui des élèves qui résistent ou contestent la validité de la littératie aux médias numériques en tant que pratique[3]. Ce phénomène est particulièrement probable si les élèves font leur première expérience de l’éducation aux médias à l’adolescence alors qu’ils sont plus susceptibles de s’opposer à l’autorité de leur enseignant. Cependant, la résistance ne se limite pas à la rébellion adolescente. Comme c’est souvent le cas dans la littératie aux médias numériques, la résistance comporte un élément cognitif et un élément affectif.

L’élément cognitif consiste à dire que l’enseignant prend les médias trop au sérieux, que l’œuvre dont il est question « n’est qu’une publicité » ou que « personne n’y pense vraiment » et que les médias n’ont donc aucune signification ni aucun impact[4]. Dans une certaine mesure, les enseignants sont eux-mêmes responsables de cette attitude : les œuvres que nous enseignons comme textes sont en grande majorité des livres « sérieux » dont les auteurs avaient une intention claire[5], comme Animal Farm (La ferme des animaux), The Handmaid’s Tale (La servante écarlate) et Lord of the Flies (Sa Majesté des Mouches). Bien que ces livres soient faciles à enseigner, le fait de se concentrer sur eux peut favoriser l’idée fausse selon laquelle les œuvres ne peuvent avoir que le sens voulu par ses créateurs. Il est donc important d’aider les élèves à comprendre le concept clé selon lequel tous les médias ont des répercussions sociales et politiques. Nous pouvons le faire même lorsque nous n’enseignons pas l’éducation aux médias : en traitant la signification des livres non pas comme des messages à décoder, mais comme des conversations à négocier avec l’auteur en anglais[6], ou en apprenant aux élèves à « penser comme un historien » en traitant leurs textes d’histoire comme des artéfacts, en analysant les influences et les décisions qui ont été prises en compte dans leur création[7].

De même, nous pouvons transformer la résistance naturelle des élèves à l’autorité en un avantage en les aidant à comprendre que, comme le souligne Jean Kilbourne, les industries médiatiques « banalisent délibérément ce qu’elles font, en jouant sur la croyance générale selon laquelle les publicités n’ont aucun effet sur "moi", mais il est important de comprendre que les publicités ne vendent pas seulement des produits précis. La publicité vend des images, des valeurs et des concepts de beauté, de sexualité, de réussite et de normalité[8]. » Cette approche comporte également des risques puisqu’il est facile de déclencher l’élément affectif de la résistance. Il s’agit du sentiment voulant que les enseignants « gâchent le plaisir » des médias ou que, en critiquant les médias que les élèves apprécient, nous les critiquons eux : « Puisque la culture médiatique fait souvent partie intégrante de l’identité des élèves et qu’elle constitue une expérience culturelle des plus puissantes, les enseignants doivent faire preuve de sensibilité lorsqu’ils critiquent les artéfacts et les perceptions auxquels tiennent les élèves, tout en favorisant une atmosphère de respect critique de la différence et de recherche sur la nature et les effets de la culture médiatique[9]. »

Même lorsque les élèves sont prêts à critiquer une œuvre ou un média, si la discussion s’oriente vers quelque chose qui a une signification plus personnelle pour eux, ils résisteront souvent à l’analyse particulière (qui peut être transformée en une possibilité d’apprentissage, si nous sommes prêts à les laisser argumenter une interprétation différente) ou nieront que l’œuvre discutée ait une quelconque « signification » ou importance[10]. La résistance peut également avoir un élément personnel, en particulier si les élèves ont l’impression que nous les culpabilisons à l’égard d’eux-mêmes ou de leur rapport avec les médias : par exemple, Urvashi Sahni du Center for Universal Education précise que de « créer un sentiment de culpabilité ou de responsabilité pour le statu quo patriarcal risque d’amener les garçons à se mettre sur la défensive ou à ne pas réagir. Au contraire, les garçons doivent se sentir habilités à contester les inégalités afin de vivre leur propre vie en tant que "personnes égales" et de garantir que les filles et les femmes bénéficient du même droit à l’égalité[11]. »

Étant donné le pouvoir, l’influence et les actions souvent contraires à l’éthique des industries médiatiques, il est facile de vouloir protéger les élèves de leur influence. Mais « guidés par les meilleures intentions, les enseignants passionnés par leur sujet peuvent insister exagérément sur l’idée que les médias ont des effets négatifs sur les gens, sans tenir compte des capacités de ces derniers[12] ». De plus, cette approche protectionniste se fonde sur une compréhension simpliste de la manière dont les médias nous influencent : comme indiqué précédemment dans la section traitant des concepts clés, « la plupart des spécialistes des médias ont maintenant reconnu que la relation entre les publics et les textes médiatiques est complexe, et que les publics ne sont pas "zombifiés" par les médias, ni complètement libérés de leur influence[13] ».

Le protectionnisme ne reconnaît pas non plus des aspects importants de toutes les expériences médiatiques. Pour commencer, nous devons reconnaître que la plupart des expériences médiatiques sont agréables : « Il semble qu’il y ait peu de place dans certaines conceptions de l’éducation aux médias pour les aspects du plaisir, de la sensualité et de l’irrationalité qui sont sans doute au cœur de l’expérience que la plupart des gens font des médias, et de la culture en général. Par exemple, l’accent mis sur la distance critique s’accorde mal avec l’expérience d’"immersion" ou de "flux" spontané qui est souvent considérée comme fondamentale dans les jeux vidéo, ou même avec l’intensité émotionnelle et l’intimité de certaines formes de communication en ligne[14]. » C’est tout aussi vrai des expériences médiatiques dont nous voudrions protéger les jeunes, comme la pornographie, ou que les élèves eux-mêmes éviteraient s’ils en avaient le choix, comme la publicité. Même cette dernière contribue à la culture commune des élèves : par exemple, une grande partie de la publicité que les élèves consomment aujourd’hui est diffusée par des « influenceurs » qu’ils considèrent comme des amis, grâce aux effets parasociaux des médias sociaux[15]. Les approches protectionnistes ne reconnaissent pas que même les publicités peuvent être agréables (pensez à la fréquence à laquelle les gens fredonnent des refrains publicitaires et échangent des slogans) et que si nous ne sommes pas immunisés contre les publicités, nous ne les consommons pas non plus passivement.

Pour minimiser ces deux formes de résistance, nous pouvons nous concentrer sur la façon dont les médias sont des constructions, c’est-à-dire des représentations imparfaites de la réalité, avant de discuter de leurs répercussions sociales et politiques. Par exemple, nous pouvons utiliser un exemple neutre, mais très significatif, comme la façon dont la représentation médiatique d’une noyade peut nous empêcher de la reconnaître lorsqu’elle se produit, dont l’issue est parfois mortelle[16], ou comment le visionnement d’émissions culinaire peut influencer notre hygiène dans la cuisine[17]. Parallèlement, notre pratique doit refléter l’expérience des élèves : si nous sélectionnons les pires exemples, qu’il s’agisse de publicités ou d’incidents de cyberintimidation, les élèves verront que ce que nous leur enseignons ne correspond pas à leur réalité et nous ignoreront.

De même, nous pouvons réduire la résistance en veillant à inclure des exemples d’œuvres médiatiques que nous considérons comme positives, qu’il s’agisse de leur représentation du genre et de la diversité, de leurs pratiques en matière de protection de la vie privée, de leur message sur les relations ou de tout autre sujet que nous analysons. Il s’agit là d’un moyen efficace d’aider les élèves à progresser dans leur pratique de l’éducation aux médias au-delà du fait de « blâmer les médias[18] ».

Plus important encore, il est primordial d’enseigner aux élèves, dès le début, que critiquer une partie d’un contenu ne signifie pas que vous ne l’aimez pas, et que critiquer une œuvre ne signifie pas que vous critiquez tous ceux qui l’aiment. (Ici, le travail des critiques de cinéma ou de restaurant, qui reconnaissent l’excellence en même temps qu’ils critiquent l’échec, peut être instructif.) Les élèves, surtout les adolescents, sont très attentifs à ce risque : l’un d’entre eux a décrit comme suit le processus de réflexion qui l’a amené à décider d’acheter ou non un chandail à capuchon portant la photo d’un groupe populaire : « Et si le groupe avait fait quelque chose de terrible? Et que je ne le sais pas encore? Je devrais peut-être ne pas l’acheter. J’ai paniqué et je me suis dit que je n’en avais pas besoin de toute façon[19]. » Pour respecter les valeurs esthétiques et émotionnelles des médias, et donc éviter la résistance de nos élèves, nous devons enseigner et modéliser la distance critique, le respect des goûts d’autrui et l’ouverture d’esprit, et aider les élèves à comprendre qu’une œuvre peut être positive sous certains aspects, mais problématique pour d’autres.

L’effet de tiers

L’effet de tiers est également un risque : bien que les médias peuvent avoir un impact sur les autres, certaines personnes peuvent croire qu’elles sont immunisées, un sentiment pouvant amener une résistance, pour les élèves qui se considèrent déjà comme trop avisés pour se laisser « berner » par les médias[20], mais il peut également se produire chez les élèves (ou les enseignants) qui sont enthousiastes à l’égard de la littératie aux médias numériques et qui estiment qu’elle les a trop bien outillés pour être manipulés. L’effet de tiers peut être tant collectif qu’individuel : les gens pensent généralement que d’autres groupes sont plus susceptibles que le leur d’être trompés par la désinformation, par exemple[21]. De même, les élèves peuvent retirer de l’éducation aux médias une vision plus critique des médias, mais sans mieux comprendre les rôles que jouent les médias dans leur propre vie ou comment agir[22].

Il est important de faire remarquer aux élèves que, même s’ils résistent aux messages des médias, la plupart d’entre nous sommes influencés non seulement par nos propres opinions, mais aussi par celles de nos pairs : même si nous ne pensons pas être influencés par les stéréotypes de genre, par exemple, si tous nos amis le sont, nous ressentirons quand même leur pression. De même, les médias peuvent avoir des effets indirects sur nos opinions politiques par le biais de l’effet de communication à double palier, dans lequel c’est l’interaction entre les médias et les leaders d’opinion, comme les politiciens, qui nous influence[23]. Les enseignants doivent faire comprendre aux élèves que la littératie aux médias numériques ne nous immunise pas contre les effets des médias, mais nous rend seulement capables d’y être attentifs. Il a été démontré que de fournir aux élèves des preuves de leur propre vulnérabilité aux effets des médias, par exemple en leur demandant d’évaluer des publicités contenant des éléments persuasifs sans rapport avec la valeur du produit, ou qui flattent l’intelligence du public en lui disant qu’il est trop intelligent pour être influencé par la publicité, peut avoir cet effet[24]. Admettre notre propre vulnérabilité peut également être utile : certaines publicités me font toujours pleurer, par exemple, même si je reconnais les techniques qu’elles utilisent pour y parvenir.

Cynisme

C’est peut-être la préoccupation la plus fréquemment exprimée au sujet de la littératie aux médias numériques, à savoir qu’elle amène les élèves à devenir plus cyniques plutôt que sceptiques, et à douter de la véracité ou de la fiabilité d’une information. Le rapport Exploring Media Literacy Education as a Tool for Mitigating Truth Decay de la RAND Corporation a révélé que certains spécialistes de l’éducation aux médias « estimaient que de mettre trop l’accent sur la critique des médias était la mauvaise façon d’aborder l’éducation aux médias parce qu’elle peut éroder de façon permanente et universelle la confiance institutionnelle[25] ». Bien que cette critique soit souvent exagérée[26], il est vrai que si les élèves « apprennent à ne pas faire confiance à aucun média ni à aucune information, plutôt que d’apprendre à discerner les informations fiables et fondées sur des faits de celles qui ne le sont pas ou qui sont plus partiales, alors l’objectif de créer des consommateurs et des créateurs de médias plus attentifs et mieux informés ne sera pas atteint[27] ».

Il est possible, bien sûr, de faire une distinction entre apprendre aux élèves à douter de tout et leur apprendre à tout remettre en question. Mais si le fait de « tout remettre en question » est tout ce que les élèves retirent de l’éducation aux médias, un cynisme peut tout de même en découler : comme le dit Jonathan Jarry, expert en désinformation médicale, « tout remettre en question sans avoir mis en place un système d’éducation aux médias et de vérification de l’information est une recette pour la pensée conspirationniste. Poser un million de questions sans souscrire à un cadre d’évaluation des preuves, ce qu’un bon scepticisme aide à fournir, peut facilement conduire les gens dans le terrier de la conspiration. C’est pourquoi je ne crois pas qu’il soit particulièrement utile ou inoffensif d’inviter simplement les gens à tout remettre en question et à douter de tout[28]. »

Si nous incitons les élèves à tout remettre en question sans leur apprendre à répondre à ces questions, il peut en résulter ce que Mike Caulfield, auteur de Web Literacy for Student Fact‑Checkers, décrit comme une limitation de la confiance : plutôt que d’appliquer le scepticisme pour distinguer les sources plus ou moins dignes de confiance, ou pour reconnaître les façons dont différentes sources sont biaisées, les élèves pourraient conclure qu’aucune source n’est digne de confiance et que toutes sont également, et fatalement, biaisées[29]. Les théoriciens de la pensée critique décrivent ce point de vue comme multipliste, c’est-à-dire que la connaissance est considérée « comme intrinsèquement subjective et incertaine ». Les multiplistes « ne voient pas l’utilité de la pensée critique parce qu’ils ne croient pas que les humains ont la capacité de connaître le monde dans un sens "fidèle"[30] », ou, comme le dit Caulfield, « tout le monde a une intention, personne ne sait tout, et il n’y a pas d’accord absolu sur quoi que ce soit de toute façon[31] ». En d’autres termes, la différence entre le scepticisme et le cynisme tient au fait que le scepticisme consiste à poser des questions pour déterminer la valeur de quelque chose, alors que le cynisme consiste à nier la valeur de toute chose.

Pour éviter que les élèves ne tombent dans le cynisme, nous devons les encourager à dépasser le multiplisme pour adopter la perspective évaluative : « Les évaluativistes reconnaissent la nécessité de concilier les vues objectives et subjectives du monde par la pensée critique. Ils comprennent que, même si une connaissance parfaite du monde est probablement impossible, les humains peuvent construire des descriptions ou des modèles utiles du monde, et que certains sont meilleurs (c’est-à-dire plus précis) que d’autres, sur la base de preuves et d’arguments[32]. » En d’autres termes, le point de vue évaluativiste se concentre davantage sur la recherche de sources dignes de confiance et l’approche des œuvres médiatiques en ayant un esprit ouvert, plutôt que sur la démystification et la recherche d’intentions ou d’impacts négatifs.

Pour ce faire, nous devons « enseigner aux élèves à reconnaître les indicateurs des experts et des autres sources de témoignage dignes de confiance par rapport à ceux qui ne le sont pas », comprendre comment les connaissances sont produites et évaluées dans différentes disciplines, et apprendre différentes manières de justifier une affirmation[33]. Il a été démontré qu’apprendre aux élèves à évaluer la validité et l’autorité des sources améliore le scepticisme, et réduit le cynisme, dans des domaines comme la publicité[34] et la vérification des informations en ligne[35]. Il est tout aussi important, dans notre environnement réseauté et débordant d’informations, d’enseigner aux élèves des méthodes rapides pour déterminer si une source ou une affirmation mérite ou non leur attention afin qu’ils ne perdent pas leur temps à lire attentivement des sources malhonnêtes ou de mauvaise foi[36].

Réaction hostile

Une réaction hostile peut se produire lorsque les élèves ont l’impression que l’enseignant défend ses propres opinions ou interprétations, plutôt que de les encourager à formuler et à défendre les leurs : « en s’appuyant sur des idées structurelles concernant les relations de pouvoir, la critique peut en fait contribuer à les maintenir en place ou, au mieux, à remplacer une idéologie par une autre, supposée "meilleure"[37] ». Elizaveta Friesem, spécialiste de l’éducation aux médias, décrit cette dynamique en action dans une classe : « Bien que le matériel étudié soit assez complexe, l’argumentation était constamment réduite à des conclusions simplistes sur l’influence négative des médias : les magazines féminins, le principal objet de l’étude, étaient implicitement accusés d’une forme directe de victimisation des lectrices. Bien que les enseignants aient noté qu’il pouvait y avoir différentes interprétations des textes médiatiques, ils semblaient craindre que les jeunes n’expriment des idées "fausses". Par conséquent, les nuances des représentations médiatiques et des interprétations du public ont été perdues, tandis qu’aucune autre option n’a été explorée[38]. »

En plus de risquer des réactions hostiles, cette approche modélise involontairement une approche de la littératie aux médias numériques qui peut se plier entièrement à la pensée conspirationniste, ce qui peut se produire soit du côté gauche du spectre politique, qui se concentre fréquemment sur la « production de propagande par les élites corporatives et gouvernementales qui constituent en fait un gouvernement mondial[39] », ou du côté droit : les membres de groupes religieux fondamentalistes, par exemple, peuvent être des « décrypteurs » experts, ayant appris de nombreuses techniques rhétoriques pour mettre en doute les recherches scientifiques ou historiques qui remettent en cause la vérité littérale de leurs textes sacrés[40], qu’ils appliquent ensuite à l’interprétation des médias. De même, les groupes haineux et conspirationnistes s’approprient souvent le langage de la pensée critique et de l’éducation aux médias, disant à leurs adeptes de « faire des recherches » et de « penser de manière critique » dans un premier temps et de « faire confiance au plan » dans un deuxième temps[41]. Cependant, dans tous ces cas, la pratique s’éloigne de la pensée critique plutôt que de la favoriser puisque la conclusion ne fait aucun doute : ils cherchent peut-être des pièces du casse-tête, mais dans leur esprit, ils savent déjà quelle sera l’image finale.

Pour cette raison, certains experts ont affirmé que l’éducation aux médias « doit être rigoureusement non idéologique[42] ». Mais comment discuter des répercussions sociales et politiques des médias, sans parler des sujets comme les informations et la désinformation qui sont explicitement politiques, d’une manière non idéologique?

Plutôt que de prétendre être apolitique ou d’essayer « d’enseigner les deux côtés » de la chose, le plus efficace est d’aborder chaque sujet avec ouverture et impartialité, mais pas avec neutralité[43]. Pour ce faire, et pour éviter de donner l’impression que vous dites à vos élèves ce qu’ils doivent penser, il est essentiel de faire la distinction entre les questions portant sur les faits et celles portant sur les opinions, ainsi qu’entre les questions actives et celles qui sont déjà résolues.

  • Les questions factuelles sont celles auxquelles il est possible de répondre de manière concluante, de prouver ou de réfuter les faits. Quels nutriments un sac de croustilles contient-il? L’eau fluorée réduit-elle les caries?
  • Les questions d’opinion sont celles auxquelles il est impossible de répondre de manière concluante, mais qui peuvent être étayées par des arguments ou des preuves. Les entreprises alimentaires devraient-elles être autorisées à faire de la publicité pour les croustilles auprès des enfants? Faut-il ajouter du fluorure dans l’eau pour réduire les caries?
  • Les questions résolues sont celles qui ont été prouvées de manière concluante ou qui sont acceptées par la société comme étant résolues. Une question de fait serait « Pourquoi les objets sont-ils attirés vers la Terre? » Une question d’opinion serait « La loi devrait-elle accorder les mêmes droits à tous et toutes? »
  • Les questions actives sont celles qui font encore l’objet de débats. Une question de fait serait « La gravité agit-elle à travers les particules comme le font les autres forces? » Une question d’opinion active serait « Comment devrions-nous résoudre les conflits entre les droits de différents groupes et personnes? »

Les enseignants devraient déterminer les questions qu’ils considèrent comme résolues et celles qui sont encore actives, ainsi que les valeurs et les positions qu’ils considèrent comme « hors limites » : par exemple, avant d’étudier la propagande haineuse, nous pourrions considérer que l’égalité fondamentale de tous les peuples est une question résolue, et la négation de l’Holocauste comme étant inacceptable, pour ensuite permettre à toute position sur une question active dans ces limites d’être jugée selon ses mérites en tant qu’argument. Pour les questions factuelles, nous pouvons apprendre aux élèves à repérer le consensus actuel, pas nécessairement « la vérité », mais ce que la plupart des autorités sur le sujet pensent être vrai, compte tenu des preuves actuelles, tout en les aidant à comprendre le processus par lequel le consensus est établi dans différents domaines[44].

En plus d’être ouvert sur ses propres opinions, il est important de faire preuve d’une attitude critique à leur égard en se posant les questions suivantes.

  • Qu’est-ce que je pense ou crois déjà à ce sujet?
  • Pourquoi ai-je envie de le croire ou de le réfuter?
  • Qu’est-ce qui me ferait changer d’avis?[45]

Comme le dit l’enquêteur numérique Jordan Wildon, « pour qu’une enquête soit adéquate, il faut accepter de se tromper[46] ». Cette humilité intellectuelle est la différence essentielle entre la véritable éducation aux médias numériques et ses versions à logique circulaire décrites précédemment[47]. L’objectif ne doit pas être de mener les élèves vers des perspectives particulières, mais de développer leur loyauté critique : « Ceux qui font preuve de loyauté critique conservent des valeurs et des croyances fortes, mais ils adoptent une position critique lorsqu’ils évaluent un argument, même lorsque celui-ci correspond à leurs croyances[48]. »

L’éducation aux médias ne doit pas…

Dans la prochaine section, nous examinerons ce que la recherche a soulevé comme étant des pratiques exemplaires positives pour l’éducation aux médias. Voici un résumé de différentes façons d’éviter l’effet de réaction hostile décrit précédemment, ainsi que quelques autres pièges courants de la littératie aux médias numériques.

L’éducation aux médias ne doit pas :

  1. se concentrer exclusivement sur les aspects négatifs des médias, dire aux élèves qu’ils ont tort d’apprécier une œuvre médiatique particulière, ou leur dire de ne pas consommer de médias du tout;
  2. s’appuyer sur des tactiques alarmistes ou des exemples extrêmes choisis avec soin;
  3. traiter les élèves comme des victimes impuissantes des effets des médias ou encourager les élèves à penser que l’éducation aux médias les immunise contre ces effets;
  4. dire aux élèves de « tout remettre en question » sans leur donner les outils pour répondre à ces questions;
  5. intégrer uniquement des concepts clés relatifs aux médias traditionnels, sans reconnaître les profonds changements intervenus au fil du temps dans la manière dont nous utilisons, consommons et créons des médias dans un environnement numérique réseauté[49];
  6. rejeter les arguments ou les interprétations valables des élèves, les pousser vers une « bonne » réponse, ou traiter une perspective ou une interprétation (y compris la vôtre) comme étant la bonne;
  7. se concentrer sur un seul concept clé, sans reconnaître comment ces concepts interagissent et entrent parfois en conflit (p. ex. les pressions commerciales limitent parfois la politisation explicite d’un organe de presse, le public négocie le sens des textes médiatiques, mais est tout de même influencé par eux, les utilisateurs peuvent adapter les outils numériques selon leurs propres besoins, mais sont toujours limités par ce qui peut être fait avec l’outil);
  8. se concentrer sur une seule compétence d’éducation aux médias numériques : créer des médias, les analyser, regarder les informations, discuter de leurs répercussions sociales et politiques, encourager l’engagement civique, etc.;
    • dans Exploring Media Literacy Education as a Tool for Mitigating Truth Decay, Huguet et ses collaborateurs soulignent que la littératie aux médias numériques « s’appuie sur un ensemble de connaissances nuancé, qui a été établi bien avant l’augmentation récente de l’attention prêtée aux questions de désinformation. Par conséquent, nous recommandons aux praticiens et aux décideurs politiques de ne pas considérer uniquement les domaines étroits de l’éducation aux médias qui semblent être immédiatement pertinents (p. ex. la vérification des faits, la recherche en ligne), mais plutôt l’ensemble des preuves qui existent sur la relation entre les personnes et l’écosystème de l’information[50]. »
  9. traiter les œuvres médiatiques uniquement comme des textes (en pensant uniquement à leur contenu) ou seulement comme ses artéfacts (en pensant seulement à leur contexte social, politique ou commercial élargi);
  10. s’intéresser à l’enseignement par les médias ou la technologie, ou utiliser les médias comme une récompense, par exemple regarder l’adaptation d’un livre au cinéma (il pourrait s’agir d’une activité d’éducation aux médias si les élèves analysent les différences entre le film et le livre, ou créent leur propre adaptation cinématographique d’une scène d’un livre, plutôt que le simple visionnement du film);
  11. être considérée comme une solution de rechange à une législation ou à une réglementation appropriée. Comme le dit Sonia Livingstone, directrice de la Digital Futures Commission, « nous ne pouvons pas enseigner ce qui ne peut pas être appris, et les gens ne peuvent pas acquérir des compétences s’ils ne les comprennent pas. Nous ne pouvons pas enseigner aux gens la maîtrise des données sans faire preuve de transparence ni savoir à quelle information faire confiance sans marqueurs d’authenticité et d’expertise faisant autorité. Ainsi, l’éducation aux médias dépend de la façon dont l’environnement numérique a été conçu et réglementé[51]. » Mais l’éducation et la réglementation ne sont pas incompatibles, et dans certains pays, elles vont de pair[52]. En effet, il est peu probable que des lois ou des règlements appropriés et efficaces soient mis en place sans que la population ayant des connaissances numériques qui les comprenne et en comprenne la nécessité.

[1] Döring, N. (2014). Consensual sexting among adolescents: Risk prevention through abstinence education or safer sexting?. Cyberpsychology: Journal of Psychosocial Research on Cyberspace, 8(1).

[2] Lapp, D., et Fisher, D. (2011). Critical literacy, critical engagement, and digital technology: Convergence and embodiment in glocal spheres. Dans Handbook of research on teaching the English language arts (p. 200-206). Routledge.

[3] Friesem, E. (2018). Too Much of a Good Thing? How Teachers' Enthusiasm May Lead to Protectionism in Exploring Media & Gender. Journal of Media Literacy Education, 10(1), 134-147.

[4] Petrone, R., et Borsheim, C. (2008). « "It just seems to be more intelligent": Critical literacy in high school English ». Critical literacy as resistance: Teaching for social justice across the secondary curriculum, 179-206.

[5] Applebee, A.N. (1990). Book-Length Works Taught in High School English Courses. ERIC Digest.

[6] Wilhelm, J.D., Baker, T.N., et Dube, J. (2001). Strategic Reading: Guiding Students to Lifelong Literacy, 6-12. Heinemann, 88 Post Road West, PO Box 5007, Westport, CT 06881.

[7] Weinstein, J.R., et Loewen, J.W. (2012). Lies My Teacher Told Me.

[8] Iglarsh, H. (2020). « Advertising vs. Democracy: An Interview with Jean Kilbourne ». CounterPunch. Consulté à l’adresse : https://www.counterpunch.org/2020/10/23/advertising-vs-democracy-an-interview-with-jean-kilbourne/. [traduction]

[9] Kellner, D., et Share, J. (2005). Toward critical media literacy: Core concepts, debates, organizations, and policy. Discourse: Studies in the cultural politics of education, 26(3), 369-386. [traduction]

[10] Petrone, R., et Borsheim, C. (2008). « "It just seems to be more intelligent": Critical literacy in high school English ». Critical literacy as resistance: Teaching for social justice across the secondary curriculum, 179-206.

[11] Fyles, N. (2018). « What about the boys? Educating boys for gender justice ». Brookings. Consulté à l’adresse : https://www.brookings.edu/blog/education-plus-development/2018/06/01/what-about-the-boys-educating-boys-for-gender-justice/. [traduction]

[12] Friesem, E. (2018). Too Much of a Good Thing? How Teachers' Enthusiasm May Lead to Protectionism in Exploring Media & Gender. Journal of Media Literacy Education, 10(1), 134-147. [traduction]

[13] Friesem, E. (2018). Too Much of a Good Thing? How Teachers' Enthusiasm May Lead to Protectionism in Exploring Media & Gender. Journal of Media Literacy Education, 10(1), 134-147. [traduction]

[14] Buckingham, D. (2007). Digital Media Literacies: rethinking media education in the age of the Internet. Research in comparative and international education, 2(1), 43-55. [traduction]

[15] Chung, S., et Cho, H. (2017). Fostering parasocial relationships with celebrities on social media: Implications for celebrity endorsement. Psychology & Marketing, 34(4), 481-495.

[16] O'Toole, D. (2020). Translating the experience of drowning to film form (thèse de doctorat, Queen's University Belfast).

[17] Koch, S., Lohmann, M., Geppert, J., Stamminger, R., Epp, A., et Böl, G.F. (2021). Kitchen hygiene in the spotlight: How cooking shows influence viewers’ hygiene practices. Risk Analysis, 41(1), 131-140.

[18] Mihailidis, P. (2008). Beyond cynicism: How media literacy can make students more engaged citizens. Université du Maryland, College Park. [traduction]

[19] Bennett, J. (2020). « What if instead of calling people out, we called them in? » The New York Times.

[20] Sagarin, B.J., et Cialdini, R.B. (2004). Creating critical consumers: Motivating receptivity by teaching resistance. Resistance and persuasion, 259-282.

[21] Talwar, S., Dhir, A., Singh, D., Virk, G.S., et Salo, J. (2020). Sharing of fake news on social media: Application of the honeycomb framework and the third-person effect hypothesis. Journal of Retailing and Consumer Services, 57, 102197.

[22] Mihailidis, P. (2008). Beyond cynicism: How media literacy can make students more engaged citizens. Université du Maryland, College Park.

[23] Valkenburg, P.M., Peter, J., et Walther, J.B. (2016). Media effects: Theory and research. Annual review of psychology, 67, 315-338.

[24] Sagarin, B.J., et Cialdini, R.B. (2004). Creating critical consumers: Motivating receptivity by teaching resistance. Resistance and persuasion, 259-282.

[25] Huguet, A., Kavanagh, J., Baker, G., et Blumenthal, M.S. (2019). Exploring media literacy education as a tool for mitigating truth decay. RAND Corporation. [traduction]

[26] Par exemple, si la littératie média numérique favorise généralement le cynisme plutôt que le scepticisme, nous nous attendrions à ce que les provinces et les territoires ayant une longue histoire d’éducation aux médias fassent moins confiance aux médias et soient moins résilients face à la désinformation, alors qu’en réalité, c’est l’inverse qui se produit. Voir Humprecht, E., Esser, F., et Van Aelst, P. (2020). Resilience to online disinformation: A framework for cross-national comparative research. The International Journal of Press/Politics, 25(3), 493-516.

[27] Huguet, A., Kavanagh, J., Baker, G., et Blumenthal, M.S. (2019). Exploring media literacy education as a tool for mitigating truth decay. RAND Corporation.

[28] Jarry, J. (2021). « Putting some skeptical mantras to bed ». The Skeptic. Consulté à l’adresse : https://www.skeptic.org.uk/2021/01/putting-some-skeptical-mantras-to-bed/. [traduction]

[29] Caulfield, M. (2018). « Cynicism, Not Gullibility, Will Kill Our Humanity ». Hapgood. Consulté à l’adresse : https://hapgood.us/2018/11/27/cynicism-not-gullibility-will-kill-our-humanity/.

[30] Greene, J.A., et Yu, S.B. (2016). Educating critical thinkers: The role of epistemic cognition. Policy Insights from the Behavioral and Brain Sciences, 3(1), 45-53.

[31] Caulfield, M. (2018). « Media Literacy Is About Where To Spend Your Trust. But You Have To Spend It Somewhere ». Hapgood. Consulté à l’adresse : https://hapgood.us/2018/02/23/media-literacy-is-about-where-to-spend-your-trust-but-you-have-to-spend-it-somewhere/. [traduction]

[32] Greene, J.A., et Yu, S.B. (2016). Educating critical thinkers: The role of epistemic cognition. Policy Insights from the Behavioral and Brain Sciences, 3(1), 45-53. [traduction]

[33] Greene, J.A., et Yu, S.B. (2016). Educating critical thinkers: The role of epistemic cognition. Policy Insights from the Behavioral and Brain Sciences, 3(1), 45-53.

[34] Sagarin, B.J., et Cialdini, R.B. (2004). Creating critical consumers: Motivating receptivity by teaching resistance. Resistance and persuasion, 259-282.

[35] Caulfield, M. (2018). « Cynicism, Not Gullibility, Will Kill Our Humanity ». Hapgood. Consulté à l’adresse : https://hapgood.us/2018/11/27/cynicism-not-gullibility-will-kill-our-humanity/.

[36] Caulfield, M. (2018). « Recalibrating our approach to misinformation ». EdSurge. Consulté à l’adresse : https://www.edsurge.com/news/2018-12-19-recalibrating-our-approach-to-misinformation.

[37] Burnett, C., t Merchant, G. (2019). Revisiting critical literacy in the digital age. The Reading Teacher, 73(3),
263-266. [traduction]

[38] Friesem, E. (2018). Too Much of a Good Thing? How Teachers' Enthusiasm May Lead to Protectionism in Exploring Media & Gender. Journal of Media Literacy Education, 10(1), 134-147. [traduction]

[39] González Jr, P.A. (octobre 2013). Noam Chomsky Propaganda Model: A Critical Evaluation. (Il faut noter que González perçoit le modèle de Chomsky de façon plus positive.) [traduction]

[40] McCrea, A. (2021). « Satanic Panics and the Death of Mythos ». Current Affairs. Consulté à l’adresse : https://www.currentaffairs.org/2021/02/satanic-panics-and-the-death-of-mythos.

[41] Fister, Barbara. (2021). « Reimagining information literacy in the QAnon era ». Consulté à l’adresse : https://barbarafister.net/libraries/reimagining-information-literacy-in-the-qanon-era/.

[42] Huguet, A., Kavanagh, J., Baker, G., et Blumenthal, M.S. (2019). Exploring media literacy education as a tool for mitigating truth decay. RAND Corporation. [traduction]

[43] McAvoy, P., et Hess, D. (2013). Classroom deliberation in an era of political polarization. Curriculum Inquiry, 43(1), 14-47.

[44] McAvoy, P., et Hess D. (2013). Classroom Deliberation in an Era of Political Polarization. McAvoy et Hess utilisent les termes « ouverte » et « fermée » plutôt que « active » et « résolue ». Puisque la description d’une question comme étant « ouverte » ou « fermée » dans la pratique de l’enseignement indique souvent si la question est non dirigée, j’ai choisi ce dernier terme pour des raisons de clarté.

[45] Gelder, T.V. (2005). Teaching critical thinking: Some lessons from cognitive science. College teaching, 53(1),
41-48.

[46] Wildon, J. [@JordanWildon] « When you work in investigations full-time, a dead-end is a dead-end, for those who don't, dead-ends become cover-ups. To investigate properly, you have to allow yourself to be wrong. Verify, verify, verify. » Twitter, 21 septembre 2021 : https://twitter.com/JordanWildon/status/1440451564305412106. [traduction]

[47] Koetke, J., Schumann, K., et Porter, T. (2021). Intellectual Humility Predicts Scrutiny of COVID-19 Misinformation. Social Psychological and Personality Science, 1948550620988242.

[48] Hodgin, E., et Kahne, J. (2018). Misinformation in the information age: What teachers can do to support students. Social Education, 82(4), 208-212.

[49] Notley, T., & Dezuanni, M. (2019). Advancing children’s news media literacy: learning from the practices and experiences of young Australians. Media, Culture & Society, 41(5), 689-707.

[50] Huguet, A., Kavanagh, J., Baker, G., et Blumenthal, M.S. (2019). Exploring media literacy education as a tool for mitigating truth decay. RAND Corporation. [traduction]

[51] Livingstone, S. (2018). « Media literacy – everyone’s favourite solution to the problems of regulation ». London School of Economics Blog. Consulté à l’adresse : https://blogs.lse.ac.uk/medialse/2018/05/08/media-literacy-everyones-favourite-solution-to-the-problems-of-regulation/. [traduction]

[52] Rantala, L. (2011). Finnish media literacy education policies and best practices in early childhood education and care since 2004. Journal of media literacy education, 3(2), 123-133.