Il y a quelques temps, je suis tombée sur un vieil article de L’Actualité qui m’a jetée par terre. Dans celui-ci, on nous apprenait que 40% des adolescents de 14-15 ans – parfois aussi tôt qu’à partir de douze ans - consommaient de la pornographie en ligne. Bien sûr, l’article date. Mais en cherchant sur le web, je suis facilement arrivée sur d’autres articles – celui de The Conversation d’avril dernier notamment – qui évoquaient la même réalité.
Mère d’un adolescent de quinze ans, ces chiffres m’ont un peu choquée, je l’avoue. Car si dans le grand buffet d’internet, tout semble de nos jours accessible, et cela avec un luxe de détails qui dépasse trop souvent le besoin du client, en regardant mon ado, je ne peux en effet que constater un immense décalage. Entre d’un côté ce qu’on nous présente comme étant le portrait type de l’ado, et de l’autre, la moyenne des adolescents qui se trouvent dans le réel de mon entourage.
Et à titre d’anecdote pour illustrer mon propos, me revient en mémoire ce texto que l’ado m’a envoyé un matin il y a quelques semaines, alors qu’il se trouvait à l’école. Le sujet ? Il voulait savoir quoi répondre à une étudiante de sa classe qui venait de lui demander quel était son genre de fille… La surprise passée, je lui ai répondu banalement qu’elle le trouvait probablement de son goût. Ou bien que c’était le cas d’une de ses amies. Et que la jeune adolescente était peut-être même venue «en éclaireur», histoire d’évaluer les potentielles chances de l’éventuelle intéressée. Mais ma réponse a semblé bien loin de le rassurer! Avec un brin d’angoisse, il m’a alors demandé – par texto toujours! - ce qu’il devait faire si une fille lui disait qu’elle est amoureuse. Alors que lui, a-t-il pris soin de préciser, n’est pas prêt du tout pour ce genre de chose.
Sur le coup je l’avoue, j’ai eu cette image d’un faon aveuglé par les lumières d’une voiture la nuit!
Mais, je me suis vite reprise et j’ai évidemment tenté de le rassurer en lui disant qu’on ne tombait pas amoureux en deux secondes et quart, surtout pas sans s’être jamais parlé. Qu’il fallait du temps pour bien se connaître. Qu’un sentiment amoureux ça se développait tranquillement. Et qu’il pouvait à la limite lui proposer d’être amis.
N’empêche! Cette anecdote des plus banales m’a fait réaliser à quel point il est immense le décalage entre ce qu’on imagine être le niveau de maturité des adolescents d’un côté. Et toute cette pléthore d’offre de contenus pornographiques auxquels nos jeunes ont, semble-t-il accès avec une facilité déconcertante par les bons soins d’internet. Mais aussi et surtout, qu’il y a une énorme différence entre les filles et les garçons de cet âge. Les premières semblant particulièrement intéressées de connaître leur impact sur les garçons. Ceci à un moment où ces derniers, pour certains, sont bien loin d’en être au même stade.
En tant que parent, ce n’est évidemment pas forcément confortable comme situation lorsque vient le temps de répondre aux questions de nos ados. Mais la vérité, c’est que si nous nous fermons les yeux et jouons la stratégie du déni, ils chercheront des réponses ailleurs. Et clairement, ce qu’ils y trouvent semblent dépasser de loin la demande du client. Car imaginer que mon adolescent puisse regarder de la pornographie en ligne alors que son plus grand questionnement à quinze ans est de savoir comment réagir devant une fille qui lui manifeste de l’intérêt, je ne peux m’empêcher de trouver cela hyper troublant.
«Les résultats : 40 % des garçons du secondaire ont admis avoir cherché de la pornographie en ligne, comparativement à 7 % des filles. Beaucoup en font une activité régulière : 14 % des garçons disent en visionner au moins une fois par jour, 14 % le font une ou plusieurs fois par semaine et 7 % une ou plusieurs fois par mois.» (L’Actualité)
Et en lisant ces résultats à l’effet qu’une plus grande proportion de garçons que de filles aurait avoué avoir cherché de la pornographie en ligne, une question me vient en tête. Se peut-il que ce soit justement en cherchant des réponses à des questions à la base banale que nos adolescents se retrouvent comme happés d’un coup par la pornographie? Du contenu sur lequel ils peuvent par ailleurs se retrouver par hasard, alors qu’ils cherchaient bien autre (bonjour pop-up!) ?
Bref! Je ne sais pas trop. Mais la mère en moi s’interroge. Parce que la consommation de pornographie à un âge ou les modèles se construisent, ce n’est pas sans conséquence. Car en plus de provoquer un phénomène de banalisation face aux contenus pornographiques, ceux-ci ne peuvent faire autrement que de fausser l’image en construction que les ados se font des relations amoureuses. Et on se retrouve du même coup avec la perpétuation de stéréotypes sexuels, ceux de la femme objet passive versus celle de l’homme dominant…
En définitive, ça me fait réaliser à quel point c’est important de créer avec nos enfants un sentiment de confiance qui fait en sorte que le moment venu, ils osent nous poser leurs questions du moment. Et ceci, sans crainte d’être jugés d’une part. Mais surtout, avec la certitude qu’ils auront les réponses. Et des réponses courtes de préférences! Histoire d’éviter de les mettre mal à l’aise.
Et à cet égard, parce qu’une mère n’a pas nécessairement toutes les réponses et qu’il y a une vie au-delà des médias numériques, j’ai aussi glissé sur la table de chevet de l’ado un livre super bien fait sur les thématiques de l’adolescence, la puberté et la sexualité, pensé justement à l’intention des garçons.
Écrit par Daniel Brouillette, un auteur bien connu des jeunes pour sa série de romans jeunesses («Bine»), «La masturbation ne rend pas sourd!: un regard différent sur l’adolescence, la puberté et la sexualité chez les gars» traite de façon ludique et irrévérencieuse de ces questionnements qu’il avait lui-même lorsqu’il était adolescent. Et c’est donc après avoir consulté un médecin, une infirmière et une enseignante qu’il a conçu ce petit guide plein d’humour et d’autodérision, écrit à la façon d’un grand frère.
Bref! À l’heure des grands mouvements sociaux que l’on observe aujourd’hui (MeToo, le consentement, les changements de paradigmes quant aux agressions, le fait que certains comportements et/ou stéréotypes sexuels ne sont plus acceptés ni tolérés), c’est plus que jamais essentiel je pense de ne pas s’en remettre à Internet comme unique source de réponses pour nos adolescents. Et de surcroît, dans certaines études il aurait été démontré que de discuter avec nos adolescents de ce qu’on peut trouver sur internet, loin de provoquer la consommation de ces contenus, aurait plutôt un effet protecteur. Car l’ouverture du dialogue donne le sentiment à nos ados d’être écoutés, entendus et pris en compte. Et pour ma part, je serais prête à parier que ça contribue aussi à début de construction de leur esprit critique.
En bref! De beaux sujets de discussions avec nos garçons! Emmenez-en!
Pour aller plus loin :
- «Des grosses boules et un p’tit cul!» (L’actualité, Catherine Dubé, 27 octobre 2014)
- «Pornographie en ligne : des risques préoccupants pour les adolescents» (The Conversation, 18 avril 2021)
- «Non, la masturbation ne rend pas sourd» (La Presse, Marie Allard, 22 mai 2019)
- Aussi, le site d’Habilomédias comporte un volet sur la pornographie en ligne à l’intention des parents