L’éducation aux médias devrait commencer tôt et durer toute la vie

Matthew Johnson

Il est facile d’excuser les parents qui croient que les enfants d’aujourd’hui connaissent à fond les médias depuis leur tout jeune âge. Les enfants sont médiatisés, c’est certain, même avant leur naissance : Elsa et Elmo sont présents sous une forme ou une autre dans presque toutes les fêtes prénatales. En ce qui concerne la littératie numérique, les enfants s’adaptent aux appareils numériques aussi facilement que les canards à l’eau, devenant rapidement des experts pour trouver les vidéos et les jeux qu’ils veulent.

Il est toutefois essentiel de ne pas prendre cette aisance pour de la littératie. En général, les enfants de six ans maîtrisent parfaitement leur langue maternelle, mais ils sont rarement alphabètes. La plupart des parents consacrent d’innombrables heures à aider leurs enfants à apprendre à lire, et nous nous attendons à ce qu’ils aient besoin de fréquenter l’école pendant une douzaine d’années pour parfaire leur éducation. De la même manière, nos enfants ont besoin d’acquérir dès l’école des notions en matière de littératie numérique et d’éducation aux médias, et ils ont également besoin de nous pour les guider et les soutenir.

La différence, bien sûr, est que de nombreux parents n’ont pas l’impression d’en connaître suffisamment au chapitre de la littératie numérique et de l’éducation aux médias pour les enseigner à leurs enfants. Bien que ce sujet puisse sembler complexe, l’éducation aux médias vise essentiellement à aider les enfants à comprendre quelques concepts clés. Nous n’avons pas de difficulté à apprendre ces concepts et à établir un parcours d’apprentissage à mesure qu’ils sont capables de comprendre des idées plus complexes et qu’évoluent leurs habitudes médiatiques.

Le premier, et le plus fondamental, de ces concepts clés : les médias sont des constructions. Comme nous vivons les médias de la même façon que nous vivons la réalité, nous devons nous rappeler consciemment que les médias ne sont pas la réalité, mais qu’ils ont plutôt été conçus par des personnes qui ont fait des choix quant aux éléments d’information à inclure et à laisser de côté, ainsi qu’à la façon de présenter les éléments inclus. Ces concepts se chevauchent souvent, bien sûr. Par exemple, les choix qui ont des conséquences sociales et politiques, comme la coutume de donner les premiers rôles à des acteurs masculins blancs, sont souvent établis sur la base de considérations commerciales. Bien que ces conséquences découlent des choix faits par les créateurs de médias, le public décode ou interprète le sens d’un message, apportant leurs points de vue et leur vécu et, souvent, tirant des sens très différents des mêmes textes médiatiques. La signification et l’interprétation d’un texte sont influencées par le média lui-même puisque chaque média a une forme artistique unique et que les médias ont des implications commerciales, étant donné qu’ils sont tous produits dans le but de générer des bénéfices et que la plupart coûtent de l’argent à produire. Ces concepts se chevauchent souvent, bien sûr. Par exemple, les choix qui ont des conséquences sociales et politiques, comme la coutume de donner les premiers rôles à des acteurs masculins blancs, sont souvent établis sur la base de considérations commerciales.

Tous ces concepts sont aussi vrais pour les médias numériques que pour les médias traditionnels, mais il y a une différence importante : les médias numériques sont en réseau, nous faisant passer de consommateurs à la fin d’une chaîne de distribution à cocréateurs dans un réseau infini. Contrairement aux médias traditionnels, où la distribution figurait parmi les coûts les plus élevés, la distribution des médias numériques est généralement gratuite et presque sans effort, de sorte que les médias numériques sont continus et partageables, peuvent devenir viraux et sont presque impossibles à effacer. De même, les médias numériques ont des publics imprévus puisqu’il est impossible de savoir avec certitude qui seront les personnes qui verront ce que vous partagez en ligne, et vous pourriez de même voir facilement des contenus que vous n’aviez pas l’intention de voir. Tout comme les médias traditionnels influencent le message, les expériences avec les médias numériques sont façonnées par les outils que nous utilisons, qu’il s’agisse de contenus comme les fils d’actualité infinis qui captent notre attention sur l’écran ou les algorithmes qui déterminent ce que nous voyons sur les réseaux sociaux et les sites de diffusion vidéo en continu. En outre, comme les médias en réseau sont interactifs, les interactions sur les médias numériques peuvent avoir une réelle incidence. Certaines incidences seront négatives, comme les choses que nous disons et faisons en ligne peuvent faire beaucoup de tort à d’autres personnes, et d’autres seront positives, comme la capacité des enfants qui sont en ligne d’être des citoyens à part entière et d’utiliser les outils numériques pour faire une différence au sein de leurs communautés en ligne et hors ligne.

Bien que chacun de ces concepts clés soit assez simple à comprendre (pour en faciliter davantage la compréhension, HabiloMédias a conçu une série de brèves vidéos comme Éducation aux médias 101 et Littératie numérique 101, qui présentent et expliquent chacun d’eux), l’idée de tous les enseigner à nos enfants peut être décourageante. La bonne nouvelle, c’est que les possibilités ne manquent pas. Lorsque les enfants sont jeunes, profiter de la phase des « pourquoi » peut faire d’une course à l’épicerie une expérience de littératie numérique. Par exemple, si votre enfant demande pourquoi le personnage Bob l’éponge apparaît sur une boîte de céréales, vous pouvez lui expliquer que c’est parce que les concepteurs de la boîte (les médias sont des constructions) savent que les enfants vont demander à leurs parents d’acheter ces céréales (les médias ont des implications commerciales). Vous pouvez ensuite lui montrer une boîte de céréales destinées aux adultes et lui demander de relever les différences (le public décode ou interprète le sens d’un message). Vous pouvez aussi demander à vos enfants leur permission avant d’afficher en ligne une de leurs photos, leur expliquant aussi clairement que possible que certaines personnes pourraient voir cette photo (les médias numériques sont continus et partageables) afin de vous assurer qu’ils auront acquis l’habitude de demander le consentement avant de partager les photos d’autres personnes (les interactions sur les médias numériques peuvent avoir une réelle incidence) lorsqu’ils seront actifs sur les médias sociaux.

Une fois que nous avons réalisé à quel point notre vie tourne autour des médias et du numérique, il devient évident que tout est lié à l’éducation aux médias. À mesure que nos enfants grandissent, ces moments propices à l’enseignement se transformeront en autant d’occasions d’apprendre avec nos enfants, alors que nous explorerons beaucoup de choses ensemble, allant des complications liées à la communication par textes à la longue vie des photos de nos enfants. En admettant ouvertement que nous apprenons à leurs côtés et en appliquant notre compréhension des concepts clés de l’éducation aux médias et de la littératie numérique aux nouveaux contextes et aux nouvelles technologies, nous pourrons les aider à comprendre que l’éducation aux médias ne sert pas seulement aux enfants, mais tout au long de leur vie.